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Petit cours de numismatique

Mots, formes et symboles des monnaies
Atelier et outils monétaires
Atelier et outils monétaires

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Les pièces sont des objets très particuliers, dont chaque détail porte une symbolique. Elles nécessitent donc d’être décrites avec beaucoup de précision. Savez-vous à quoi correspond le flanc, le droit, le champ, la légende ou le type ? Petite plongée dans le vocabulaire numismatique...

La forme des monnaies

Le flan

Le morceau de métal destiné à être monnayé, le flan, est généralement rond. Il était traditionnellement découpé et ajusté manuellement dans le lingot, la plaque ou la lame de métal, au moyen de cisailles. Il s’agissait non seulement d’obtenir une forme circulaire assez régulière mais également de tailler le flan au poids prescrit. Parallèlement à la mécanisation de la frappe, celle de la taille des flans aux 16e et au 17e siècles permit d’obtenir une meilleure régularité.

Les faces et la tranche

La pièce de monnaie possède deux faces et une tranche. Cette dernière n’est apparue qu’à partir du 16e siècle, lorsqu’on frappa de lourdes monnaies, notamment en argent, sur des flans épais. Les améliorations de la frappe mécanique permirent d’empreindre des motifs – cannelures, stries, endentures – ou des inscriptions sur cette tranche (on parle alors de tranche inscrite). Cela permettait d’éviter ou de repérer le rognage des pièces, ou encore les falsifications. Le diamètre des faces et l’éventuelle tranche forment le module du flan et de la pièce monnayée.

Franc à cheval de Jean II le Bon
Franc à cheval de Jean II le Bon |

Bibliothèque nationale de France

Cinq francs de Napoléon III
Cinq francs de Napoléon III |

Bibliothèque nationale de France

Chaque face se décompose en plusieurs espaces :

  • Le champ est l’espace, généralement central, qui porte le motif principal appelé type. Ce type peut être iconographique (image) ou épigraphique (inscription). Certains éléments gravés distincts du type peuvent être placés dans la partie inférieure du champ, qu’on appelle exergue.
  • Le champ est le plus souvent délimité par une inscription gravée le long de la bordure externe de la pièce, la légende circulaire. Certaines monnaies, comme le gros tournois par exemple, avaient même deux légendes concentriques. Il existe également des bordures faites de motifs, telles que les lis dans des médaillons du même gros tournois.
  • Ces éléments sont souvent séparés par un semis circulaire de points empreints en relief et ressemblant à des grains, d’où son nom de grènetis. On peut le retrouver également sur le bord externe de la pièce. Ce cercle pouvait être également formé par un trait continu, le listel, ou torsadé, appelé alors cordon ou cordonnet. Ils avaient aussi pour fonction de préserver la pièce de l’usure, volontaire ou produite par la circulation.

Les légendes : des écritures sur les monnaies

Les sens de lecture

Gros tournois de Louis IX
Pièce à légende plurilinéaire |

Bibliothèque nationale de France

Les éléments épigraphiques apparaissent dans la plupart des cas sous la formes d’une légende circulaire. Plus rares sont les légendes ou parties de légendes occupant sur une ou plusieurs lignes tout le champ de la face ou constituant le type. Parfois la face est dépourvue de toute épigraphie, ou anépigraphe, ou encore l’emplacement habituel de la légende a été laissé sans inscription.

Sur les monnaies françaises, la légende est frappée et donc se lit dans le sens des aiguilles d’une montre. Cependant certaines étaient frappées dans le sens inverse, et les lettres en miroir. On parle alors de légende rétrograde. Lorsque des légendes sont écrites sur plusieurs lignes (légendes plurilinéaires), comme sur le denier parisis, elles sont parfois écrites alternativement dans un sens et l’autre : on parle alors de boustrophédon.

La légende circulaire commence en général par une petite croix ou croisette initiale à laquelle on substitua parfois d’autres motifs, petite couronne ou couronnelle, fleur de lis, et qui était placée au-dessus et dans l’axe du type, ce qui permet d’orienter la face de la monnaie.

L’évolution des graphies

Obole de Louis le Pieux
Légende en capitales cursives sur une obole carolingienne |

Bibliothèque nationale de France

Les légendes des monnaies mérovingiennes mêlent dans une graphie assez approximative lettres capitales et lettres cursives romaines. L’épigraphie monétaire carolingienne est beaucoup plus régulière, en capitales romaines, mais aussi plus abrégée. Dès la fin de cette période carolingienne et plus encore au temps du denier féodal, les lettres sont gravées à l’aide de poinçons à forme géométrique simple, barre verticale ou horizontale, triangle, rectangle. Ainsi on en vient à difficilement distinguer les A (faits sans barre transversale), V et T tous constitués de trois petits triangles. Aux 12e et 13e siècles se rencontrent en conséquence divers styles de gravure qui associent parfois lettres romaines, onciales, géométriques. À partir de la seconde moitié du 13e siècle l’épigraphie monétaire suit l’évolution de l’écriture manuscrite de l’époque gothique. Cette écriture est celle des monnaies françaises du 14e et du 15e siècles. Le retour des caractères romains sur une monnaie se situe en France au même moment que l’implantation de l’imprimerie, durant le règne de Louis XI, dans les années 1470. Ils supplantent définitivement l’écriture gothique sous le règne de François Ier (1515-1547). Si l’écriture nous devient plus familière, le texte des légendes, allongé par la plus grande dimension des monnaies, donne en revanche souvent lieu à des abréviations plus sévères.

Les langues des légendes

Liard de Louis XIV
Liard de Louis XIV avec légende en français |

Bibliothèque nationale de France

La langue quasi unique des légendes monétaires jusqu’à la fin du 16e siècle est le latin. Les exceptions sont rares : deniers de type parisis de Philippe Auguste portant le nom de l’atelier en ancien français pour Arras, Péronne, Montreuil ou Saint-Omer ; monnaies féodales de toutes régions portant le nom de l’autorité ou son titre (cons, cuens pour comte) ; ou encore le nom de lieu en langue vernaculaire.

Le français est utilisé sur les menues monnaies de cuivre, doubles deniers et deniers tournois, frappées à partir du règne de Henri III, puis aussi sur le liard de cuivre de Louis XIV à partir des années 1650, pour ne se généraliser sur l’ensemble du monnayage qu’au temps de la monarchie constitutionnelle de Louis XVI (1789-1792). Les abréviations disparurent au même moment. Ainsi, durant toute l’époque moderne, la plupart de monnaies étaient encore légendées en latin.

Comment lire une monnaie ?

Légendes et types

Le type principal désigne, représente ou symbolise l’autorité émettrice et qui caractérise l’espèce, voire l’ensemble du monnayage par rapport aux autres. Il est le plus souvent entouré par le nom et la titulature de cette autorité, ou par la désignation de l’image qui la représente. La face qui porte cette empreinte est en général le droit ou avers de la pièce. L’identification précise de l’autorité physique est parfois rendue difficile voire impossible, dans plusieurs cas : lorsque la monnaie est anonyme ; quand il s’agit de l’immobilisation (reproduction sans modification) d’un type et de légendes créés dans certains cas un siècle ou un siècle et demi auparavant ; ou encore quand la monnaie est une imitation anonyme à la limite de la contrefaçon, ce qui n’est pas sans répercussions sur la datation de certaines pièces.

Écu d’or de Louis IX
L’écu tire son nom du blason de France (écu) porté à son droit |

Bibliothèque nationale de France

L’autre face, le revers, porte souvent le nom localisant l’atelier monétaire. On y trouve aussi des légendes d’origine religieuse, chrétienne : c’est le Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ ordonne ») tiré des cérémonies de Pâques et inscrit sur les monnaies royales d’or de l’écu de saint Louis jusqu’à la Révolution, ou encore le Benedictum sit nomen domini nostri Jhesu Christi Béni soit le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ ») des monnaies royales d’argent depuis le gros tournois du même Saint Louis jusqu’à la même Révolution.

D’une façon générale, les pièces de monnaies médiévales ne portent pas de valeur faciale, c’est-à-dire la mention écrite de leur valeur en monnaie de compte. Cependant il y eut des exceptions : duplex pour des doubles deniers, obolus pour la moitié de l’unité, denier ou gros. On manifestait parfois une réforme ou une mutation monétaire dans des termes tels que [moneta] fortis (monnaie forte), ou nova (nouvelle). En outre la valeur relative d’une pièce a pu être symbolisée : le gros tournois qui valait 12 deniers portait une bordure externe de 12 fleurs de lis dans des médaillons ; à partir du 15e siècle on pouvait distinguer le double denier, le denier et l’obole tournois par leur module et leur poids, mais aussi par le fait qu’ils portaient respectivement trois, deux et une fleurs de lis. À l’époque moderne, les quarts et huitièmes d’écu en argent portaient ce rapport à l’écu d’or sous la forme d’un chiffre romain : II et II pour le quart, V et III pour le huitième. Les doubles deniers et deniers tournois de cuivre portèrent en toutes lettres leur valeur en légende de revers. Sous le règne de Louis XIV, ce furent les liards qui portèrent leur propre dénomination correspondant à leur valeur de 3 deniers tournois. Le denier tournois n’étant plus frappé, une pièce de 2 sols eut pour type deux fleurs de lis. Puis il y eut des pièces divisionnaires libellées en sols et en deniers avec un chiffre romain. On remarquera que cela s’appliqua d’abord à des monnaies devenues fiduciaires, sans valeur liée à la présence de métal précieux. Cette habitude perdura sur la menue monnaie au 18e siècle et durant la monarchie constitutionnelle, mais ne se généralisa à l’ensemble du monnayage qu’à partir la Première République, en 1793.

Pièce de 10 centimes de la Première République
Pièce révolutionnaire avec valeur faciale |

BnF, département des Monnaies, médailles et antiques

De même, les monnaies médiévales ne portent pas de date, de millésime. La première date inscrite sur une monnaie dans l’espace français apparut sur une monnaie d’Anne de Bretagne en tant que duchesse de Bretagne, la cadière d’or, qui portait le millésime 1498 en chiffres arabes. Pour les monnaies royales, des essais furent faits à partir de 1532, et l’inscription du millésime se généralisa à la suite d’une ordonnance de Henri II en 1549. Cette nouvelle disposition ne fut cependant appliquée que progressivement. Il est à noter que jusqu’en 1564 le changement de millésime se faisait non à la date fixe du 1er janvier, mais à Pâques, date mobile. Sur les monnaies, la date était plus souvent en chiffres arabes qu’en chiffres romains. Au 18e siècle, un point placé sous la troisième lettre de la légende indiqua les émissions du second semestre d’une année. Sous la Révolution, on utilisa l’ère de la Liberté, comptée an I à partir du 1er janvier 1789 et utilisée de 1790 à 1793, puis le calendrier républicain, utilisé sous la Convention, le Directoire, le Consulat et le début de l’Empire jusqu’en 1806.

L’ordonnance de 1549 rendit aussi obligatoire le numéro d’ordre du roi, qui fut gravé en chiffres romains. En effet, dans l’Occident médiéval, aucun souverain n’indiquait son numéro d’ordre, à l’exception du pape à partir du 14e siècle. Cela pose des difficultés aux numismates dans la distinction et donc la datation des monnaies royales de Louis VI et Louis VII, Louis VIII et Louis IX, Charles V et Charles VI, Charles VI et Charles VII. C’est également le cas pour de nombreux monnayages féodaux, dans la mesure où un même nom, caractéristique du lignage, était transmis de génération en génération : les Foulques en Anjou, les Hugues de la Marche, les Raimonds de Toulouse...

Les types des monnaies royales

Concernant le droit, les monnaies royales offrent plusieurs types.

Les monnaies du système parisis (de la ville de Paris) portent toujours FRANCO ou FRAN dans le champ. Celles du système tournois (de la ville de Tours) firent référence au châtel jusqu’en 1385. Les mutations du 14e siècle produisirent une typologie originale et abondante.

La couronne, ouverte, fut fréquemment utilisée, accompagnée ou non de lis ou d’autres motifs. On la retrouve sur l’écu d’or à partir de 1385 puis sur les initiales de rois. Elle fut remplacée, parfois sous François Ier, puis systématiquement quand il y en avait une, par une couronne fermée ou « impériale », à la suite de la candidature malheureuse de François Ier à l’Empire en 1519. Elle devint après lui d’un usage exceptionnel sur la tête du roi, représenté tête nue ou parfois laurée, c’est-à-dire ceinte d’une couronne de lauriers, à l’antique.

La fleur de lis apparaît accessoirement dans le monnayage de Louis VI (1108-1137) à Dreux, puis sur le denier de Philippe Auguste à Arras. Son usage est développé avec l’écu d’or, le gros tournois et le denier de Nîmes de Saint Louis, le denier toulousain de Philippe III. Elle orne seule ou en nombre de nombreuses espèces du 14e siècle et reste employée sur les doubles deniers, denier et oboles tournois, du 15e siècle à Louis XIV.

Écu d’or à la couronne de Charles VI
Écu d’or à la couronne de Charles VI |

Bibliothèque nationale de France

Les fleurs de lis sont bien sûr aussi présentes dans l’écu de France. Il contint d’abord un « semé » de fleurs de lis, sur l’écu d’or de Saint Louis, les écus d’or à la chaise de Philippe VI et de Jean le Bon. L’écu aux trois lis apparu sur l’ange d’or de Philippe VI devint la représentation classique de l’écu de France à partir de la création de l’écu d’or et du guénar d’argent en 1385. Il y eut des écus écartelés aux armes de France et de Dauphiné de Louis XI à Louis XIV, pour des monnaies émises par les ateliers de cette province. Au temps des Bourbons (1610-1789), « rois de France et de Navarre » depuis Henri IV, les monnaies à l’écu frappées en Béarn et en Navarre portaient un écu écartelé aux armes de France et de Béarn-Navarre ou Navarre seule. On retrouve le Dauphin sur les petites monnaies frappées en Dauphiné, l’hermine sur celles de Bretagne à la fin du 15e et au début du 16e siècle. Une série de monnaies d’argent frappées à Lille entre 1685 et 1705 après son annexion par Louis XIV, dite série « de Flandre », avait un écu aux armes de France et de Bourgogne, la Flandre ayant été bourguignonne depuis le 14e siècle. À la fin du règne de Louis XIV et durant le 18e siècle, l’écu devint rond ou ovale, orné de palmes, de lauriers. L’écu de France était surmonté ou « timbré » d’une couronne, ouverte, puis fermée, parfois d’un heaume au 15e siècle, supporté ou accosté par différents motifs : fleur de lis, moucheture d’hermine sur les pièces bretonnes, emblème du roi (le porc-épic de Louis XII, la salamandre de François Ier, le croissant de Henri II), attributs de la royauté (sceptre et main de justice à partir du règne de Louis XIV), initiale du roi (K au Moyen Âge, Karolus en latin médiéval, puis C au 16e siècle pour Charles, L pour Louis, F pour François, H pour Henri). Ces mêmes initiales du nom du roi, seules ou répétées, adossées ou entrelacées servirent de type principal à certaines monnaies du 15e au 18e siècle : le blanc « Karolus », le dizain « Franciscus », le liard « à l’H » ou encore le louis.

Dans le sillage des sceaux, dont les graveurs étaient probablement souvent aussi les graveurs de types monétaires, les monnaies portèrent aussi parfois une représentation humaine du roi. Ce fut d’abord une image du souverain, de Philippe le Bel à Charles VII. Il est gravé couronné et vêtu d’une longue robe, parfois d’un manteau fleurdelisé, trônant en majesté, sur un trône curule orné de lions puis sur un trône gothique, et tenant un attribut ou les attributs de sa fonction (sceptre, main de justice, épée), avec deux lions couchés à ses pieds, ou bien debout, souvent sous un dais gothique ou un pavillon fleurdelisé au 14e siècle. Il est debout en armure sur le franc à pied et à cheval en chevalier chargeant sur le franc à cheval. Au 16e siècle, on susbstitue à cette image du roi la représentation réaliste de son portrait. C’est la tête ou le buste de profil. Le buste peut être drapé ou cuirassé, ou les deux, à l’antique, muni d’une fraise ou d’un col sous Louis XIII. François Ier et Louis XVI apparaissaient aussi en habit de cour.

Les monnaies royales médiévales adoptèrent également des sujets religieux sur les pièces d’or : l’agneau pascal sur l’agnel ou le mouton, la salutation de l’archange Gabriel à Marie lors de l’Annonciation sur le salut d’or, saint Georges chevalier terrassant le dragon sur le florin Georges ou saint Michel terrassant aussi le dragon sur l’ange d’or de Philippe VI ou l’angelot de Louis XI.

Mouton d’or de Jean II le Bon
Mouton d’or de Jean II le Bon |

Bibliothèque nationale de France

La typologie des monnaies médiévales est marquée par la très fréquente présence d’une croix sur l’une des faces, que l’on considère par convention comme le revers. Au Moyen Âge, on parlait d’ailleurs du « côté croix » d’une monnaie. La forme de cette croix se diversifia et se stylisa aux 14e et 15e siècles selon le style gothique : elle coupe la légende soit des quatre bras soit seulement à l’exergue, ou encore s’orne de motifs végétaux, fleurs de lis, fleurons, feuilles. Puis au 16e siècle, elle prit l’allure de la Renaissance. Elle persista sur certaines monnaies royales jusque sous le règne de Louis XIV. À l’époque moderne, on trouvait des croix plus particulières, comme la croix de Malte, la croix formée de quatre fleurs de lis ou de huit L, initiale de Louis, qui reprenaient des essais faits par Henri II, la croix de croissants entrelacés ou la croix de quatre H.

Les quatre espaces délimités par les bras de la croix, les cantons, furent très tôt occupés, un, deux ou les quatre, par des motifs qu’on retrouve par ailleurs : lettres symboliques chrétiennes alpha et oméga, initiales ou lettres de nom de personne ou de lieu, emblèmes héraldiques, dont la fonction n’est pas toujours purement décorative, mais distinctive.

Les différents

Dans le but de contrôler la production et la mise en circulation des monnaies, les autorités monétaires firent graver des marques afin de distinguer les ateliers quand leur nom n’apparut plus explicitement et quand les mêmes types furent frappés par plusieurs ateliers. D’autres marques permettaient d’identifier le responsable de la fabrication, le maître d’atelier essentiellement, ou le graveur. On pouvait aussi distinguer ainsi les différentes émissions d’une même espèce du même type dont les conditions avaient été modifiées par une mutation. Ces systèmes de différents étaient des codes dont le déchiffrement ne nous est guère permis que lorsqu’on dispose de sources écrites qui les explicitent. Au Moyen Âge, le différent est matérialisé par un motif placé soit dans le type principal, soit en cantonnement de la croix, soit en remplacement de la croisette initiale de la légende, soit encore en fin de légende, en ponctuation ou séparation des mots de cette légende, ou sous telle lettre de la légende, soit enfin par modification de la forme d’une lettre.

Les différents d’ateliers correspondent donc avec la relative uniformisation d’un monnayage par une autorité qui dispose de plusieurs unités de fabrication. Ainsi au 13e siècle, temps du denier tournois monnaie unique du roi, des ponctuations diférentes affectent les légendes sans qu’on puisse les interpréter, ni même affirmer qu’il s’agisse uniquement de différents d’ateliers. Même lorsque les symboles distinctifs se multiplient sur le monnayage étoffé de Philippe le Bel, nous n’en avons pas encore la clef de lecture. Au 14e siècle, il y eut de façon certaine des différents d’ateliers sur les monnaies royales, mais choisis librement par les maîtres plus que par l’administration centrale des monnaies. Quelques différents par symbole ou lettres ont été déchiffrés pour des ateliers de Jean le Bon. Après 1360, l’Aquitaine anglaise distingue ses ateliers par l’initiale du nom de lieu en fin de légende, comme P pour Poitiers. Après la reconquête, Charles V conserve ce système. Ce choix fut aussi utilisé dans le duché de Bretagne.

En 1389, les monnaies royales françaises furent marquées d’un point secret, placé sous une lettre précise de la légende, afin d'indiquer l’atelier. Ainsi l’atelier de Paris était représenté par un point sous la 18e lettre de la légende. Par la suite, ce système ne fut pas le seul utilisé pour différencier les ateliers. Dans le royaume divisé de l’après-Azincourt, le Dauphin Charles donna des lettres en fin de légendes aux ateliers ouverts par lui et les Anglais un symbole à la place de la croisette initiale (couronne, léopard). Dans la seconde phase de son règne (1436-1461), Charles VII avait tant d’ateliers, même s’ils ne fonctionnaient pas en même temps, que lettres et symboles furent autant utilisés comme différents que les points secrets, les lettres des légendes n’étant pas assez nombreuses. Après la reconquête et malgré la fermeture de nombreux ateliers, ces particularités persistèrent par tradition et par commodité.

Pièce de cinq francs de Louis-Philippe
Pièce de l’atelier de Paris portant un A au revers |

Bibliothèque nationale de France

En 1540, on décida que les points secrets seraient remplacés par des lettres d’atelier, placées à l’exergue dans le champ. Paris avait ainsi la lettre A. On la plaçait parfois au cœur de la croix du revers, puis elle coupa la légende quand il n’y eut plus de séparation marquée avec le champ. Cependant, des points secrets subsistèrent concurrement aux lettres pour quelques ateliers jusqu’au règne de Louis XIII. Quelques symboles survécurent sous François Ier et Henri II, d’autres réapparurent momentanément à la faveur des désordres liés aux guerres de Religion et d’autres encore apparurent après des annexions, en Béarn, à Besançon, ou bien on doubla la lettre (MM puis AA à Metz, LL à Lille, BB à Strasbourg). Ce système survécut à la Révolution et perdura jusqu’à ce que Paris reste le seul atelier français (1878).

Les différents de maître d’atelier ou de graveur prirent d’abord les emplacements et les formes les plus variées, se combinant parfois avec le différent d’atelier. À partir du 16e siècle, ils furent généralement placés en fin de légende de revers, avant l’éventuel millésime. À partir de la Révolution, généralisant une pratique amorcée au 18e siècle, les marques des directeurs d’ateliers et des graveurs généraux furent gravées à l’exergue des pièces. Depuis 1880, la corne d’abondance symbolisant la Monnaie de Paris remplace la marque de directeur. On reproduisait en outre la signature du graveur ayant créé le type empreint sur la pièce. Ces usages sont encore en vigueur actuellement.

La nouvelle émission d’une monnaie à un titre et un poids différents, décision de l’autorité émettrice, se traduisait dans une marque distinctive choisie par elle. Ce fut d’abord souvent le cantonnement de la croix par un symbole, qu’on pouvait déplacer d’un canton à un autre, puis qu’on multipliait, qu’on remplaçait par un autre ou auquel on ajoutait un autre symbole. Comme une certaine logique présidait au choix de ces différents d’émission, on peut, en l’absence de sources d’archive, essayer de reconstituer l’ordre de la série. Ensuite, d’autres modes se développèrent en plus. On modifia la ponctuation de la légende, une lettre de la légende, la croisette initiale, un élément du type, la marque d’atelier. Cependant ces différents manifestant souvent une altération monétaire devaient être plus discrets que les autres, voire secrets.

Provenance

Ce article provient du site Le Franc (2002).

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