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Du franc Poincaré au nouveau franc

1928-1958
Pièce de 100 francs de la Troisième République
Pièce de 100 francs de la Troisième République

Bibliothèque nationale de France

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Les pertes de la Grande Guerre ne sont pas qu’humaines. En 1919, les dettes accumulées par la France ne peuvent être réduites par une Allemagne exsangue, et le système économique s’effondre. Il faut attendre 1928 pour que Raymond Poincaré crée un nouveau franc reposant sur la convertibilité en or. Une stabilisation rapidement mise à mal par la Seconde Guerre mondiale.

Depuis 1865, le franc est une monnaie de référence commune à une partie de l’Europe. Il a traversé sans encombre six régimes politiques, la guerre de 1870 et la Commune. Mais la Grande Guerre aura raison du modèle monétaire français, fondé sur le franc germinal et le franc-or.

Le franc germinal emporté par la Grande Guerre

Affiche pour le troisième emprunt national
Affiche pour le troisième emprunt national |

Bibliothèque nationale de France

Dès 1911, après la crise franco-allemande d’Agadir, le conflit avec l’Allemagne semble inévitable. Les deux protagonistes s’y préparent activement, autant militairement que financièrement. Disposant d’instructions très précises, la Banque de France parvient à soutenir le franc dans un premier temps. Mais les avances accordées au Trésor l’obligent à faire fonctionner la planche à billets, entraînant dépréciation et inflation.

Plutôt que de lever un impôt – la population est déjà grandement mobilisée –, le gouvernement recourt à l’emprunt d’État et au crédit anglais et américain. D’après les estimations, la Grande Guerre aurait coûté quelque 200 milliards à la France, dont 80 % financés à crédit avec la certitude que « le Boche paiera ». Mais l’effondrement économique de la république de Weimar et l’anéantissement total du mark (1922-1923) mettent fin aux dernières illusions françaises. Par peur des conséquences politiques et sociales, les pays anglo-saxons soutiennent le redressement monétaire allemand. Ils désavouent l’occupation française de la Ruhr et imposent à la France de revoir ses prétentions à la baisse, sans lui faire grâce de ses propres dettes.

Poincaré dévalue et stabilise le franc

Dès 1919, l’Angleterre et les États-Unis suspendent leur crédit et présentent leurs créances. Les marchés des changes réagissent sans tarder : le franc s’effondre à Londres et fait l’objet de toutes les spéculations. La victoire du Cartel des gauches aux élections législatives de mai 1924 accélère encore sa chute : la spéculation (« le mur d’argent ») redouble contre les projets d’impôt sur le capital, les épargnants perdent confiance, l’opinion s’affole face à ce qu’elle considère être un complot international. La banqueroute menace l’État.

Pièce de 1 franc
Pièce de 1 franc |

Bibliothèque nationale de France

En 1928, le Parlement rappelle Raymond Poincaré au pouvoir. L’annonce même de son retour stabilise le franc. S’il n’a pas de remède miracle, « Poincaré la confiance » est bien l’homme de la situation. Il utilise les faveurs de l’opinion pour imposer, bien qu’il lui en coûte, la dévaluation contre la déflation. Le 25 juin, Poincaré entérine la mort du franc germinal en redéfinissant l’unité monétaire au cinquième de sa valeur d’origine, c’est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Ce « franc à quatre sous » – dans la conscience populaire le franc vaut encore 20 sous – repose sur l’or, librement convertible… contre un montant minimal de 215 000 francs, soit l’équivalent d’un lingot d’or de 12 kilos !

Deux coups fatals : la crise des années 1930 et l’occupation allemande

Franc dit « à la francisque »
Franc dit « à la francisque » |

Bibliothèque nationale de France

La stabilisation ne dure pas 10 ans. La grande crise des années 1930 engendre les dévaluations en chaîne de la livre sterling, du dollar et du yen. Mais au lieu de dévaluer, la France s’engage dans une fuite en avant déflationniste. Le franc se trouve surévalué face aux autres monnaies dépréciées. Les exportations françaises s’effondrent. Il faut attendre le Front populaire pour que le franc soit à son tour dévalué : entre 1936 et 1940, il perd près des deux tiers de sa valeur.

À la France vaincue en 1940, l’Allemagne impose un taux de change exorbitant (1 reichsmark = 20 francs) qui permet à l’occupant de piller le pays. En outre, le gouvernement doit verser 400 millions de francs quotidiens au titre des frais d’occupation. Dans les territoires d’outremer, un « franc libre » existe face au « franc de Vichy », qui n’a « pas plus de valeur qu’un certain papier réservé à un certain usage », affirme le maréchal Goering.

Le franc sous tutelle

À la Libération, le gouvernement provisoire lance un emprunt pour juguler l’inflation provoquée par les années de guerre et l’occupation allemande. Le général de Gaulle refuse d’appliquer une politique de rigueur comme le lui conseille Pierre Mendès-France. L’inflation alors se développe et le franc poursuit sa dépréciation au cours de la Quatrième République, ruinée par les guerres d’indépendance.

À partir de décembre 1945, la France adhère au nouveau système monétaire international (SMI). Défini par les accords de Bretton-Woods (22 juillet 1944), le SMI est fondé sur le double étalon or et dollar. Celui-ci vaut 50 francs en 1944 et… 420 en 1958 ! Le franc est alors placé sous la tutelle du Fonds monétaire international. Une réforme monétaire de grande envergure s’impose : le « nouveau franc ».

Provenance

Cet article provient du site Le Franc (2002).

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