À cheval, le franc !

Le droit

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Franc à cheval de Jean II le Bon

Le franc est créé le 5 décembre 1360, les premières pièces sont émises à partir de février 1361. Ce premier franc, que les contemporains appelèrent rapidement franc « cheval » ou « à cheval », se présente comme une pièce d’or à 24 carats pesant 3,88 grammes.

Le franc à cheval introduit plusieurs nouveautés dans sa forme et ses symboles.la légende circulaire se lit IOHANNES DEI GRACIA FRANCORV REX, « Jean, par la grâce de Dieu, roi des Francs », ce qui reste traditionnel. Par contre, à l’intérieur, le roi est représenté en chevalier en armes, portant un heaume couronné, chargeant l’épée haute sur son destrier houssé aux armes de France. Il s’agit de la première monnaie royale française représentant le souverain en chevalier chargeant comme pour aller au combat, un type probablement inspiré de celui des seigneurs féodaux.

Au revers, une croix végétalisée est enfermée dans un quadrilobe et entourée de la légende XPC VINCIT XPC REGNAT XPC IMPERAT, Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat, soit « Christ vainc, Christ règne, Christ ordonne ».

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Bibliothèque nationale de France

La légende

IOHANNES DEI GRACIA FRANCORV REX : « Jean, par la grâce de Dieu, roi des Francs »

La langue des légendes monétaires royales fut, à quelques exceptions près, le latin jusqu’en 1 789. Seuls quelques deniers de Philippe Auguste (1180-1223) frappés en Picardie et en Artois vers 1190-1200 portèrent le nom de l’atelier en ancien français (Arras, Péronne, Moustereul pour Montreuil-sur-Mer) et la petite monnaie de cuivre (doubles deniers tournois, deniers tournois, liards) à partir du règne de Henri III (1574-1589) porta des légendes intégralement françaises.

Au Moyen Âge, les souverains d’une même dynastie portant le même prénom ne sont pas numérotés comme les historiographes le firent plus tard pour les distinguer. Seuls les noms des papes furent dès cette époque affectés d’un numéral ordinal (secundus, tercius, quartus) écrit en toutes lettres dans leurs actes écrits, sur leurs sceaux et leurs monnaies. Pour les monnaies des rois de France, on trouve cette précision en chiffres romains (XII) sur une pièce de dix deniers de Louis XII et sur ses espèces issues de l’atelier d’Aix-en-Provence. L’emploi s’en généralise sous le règne de Henri II après l’ordonnance de 1549. Jusqu’au temps de Louis XIII, on utilise indifféremment chiffres arabes et chiffres romains, puis uniquement les chiffres romains jusqu’à la Révolution.

L’usage habituel du latin conservé dans les actes royaux, sur les sceaux et sur les monnaies royales, a contribué à perpétuer l’ancienne formule Francorum rex ou rex Francorum (« roi des Francs ») au lieu d’une nouvelle telle que rex Francie, « roi de France ». C’est seulement en ancien français que celle-ci s’impose, dans la littérature et les premiers actes royaux en langue vernaculaire sous le règne de Philippe Auguste (1180-1223). La formule Dei gracia, « par la grâce de Dieu », signifiait à tous que le roi tenait son pouvoir et sa charge directement de Dieu et qu’il ne reconnaissait aucune autorité supérieure dans son royaume et sur terre : ni l’empereur ni le pape.

Le type

Le roi est représenté en chevalier en armes, portant un heaume couronné, chargeant l’épée haute sur son destrier houssé aux armes de France.

Le franc à cheval a ceci d’exceptionnel que c’est la première monnaie royale française représentant le souverain en chevalier chargeant comme pour aller au combat. Depuis Hugues Capet, le roi était très rarement représenté sur ses monnayages, et il ne l’était jamais personnellement, par un portrait réaliste fidèle. Il apparaissait en une effigie de face couronnée sur certains deniers du 11^e et du 12^e siècle (Reims, Laon, Bourges). Puis, à partir du monnayage d’or de Philippe le Bel (1285-1314), il figuré en souverain qui trône (siège curule puis stalle gothique), ou debout sous un dais gothique ou un pavillon de tissu fleurdelisé. Il porte les attributs et insignes de sa fonction, de ses pouvoirs (couronne, sceptre, main de justice, fleur de lis), et se trouve revêtu plutôt d’habits de cour, d’apparat, que d’une tenue militaire, sauf sur l’écu d’or à la chaise, d’ailleurs créé aux prémices de la guerre de Cent Ans par Philippe VI (janvier 1337), et où apparaissent le haubert, la cotte d’armes et une épée.

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Denier de Louis VII et de l’évêque de Laon

Ce denier représente deux détenteurs du pouvoir : au droit, le buste couronné du roi Louis VII, figuré de face ; au revers, le buste mitré de l’évêque, également de face. Il peut s’agir de Gautier I^er (évêque de 1151 à 1155), ou Gautier II (1155-1174).

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Denier d’or de Philippe IV le Bel

À partir du règne de Philippe IV, les monnaies royales portent presque systématiquement l’effigie du souverain. Couronné, assis sur un trône en forme de chaise curule, le roi tient ici deux emblèmes de pouvoir : un sceptre et une fleur de lis.

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Le type équestre du chevalier en action était plus couramment utilisé sur les sceaux des seigneurs féodaux. Le sceau de Jean le Bon lui-même lorsqu’il n’était que fils aîné du roi, duc de Normandie, comte d’Anjou et du Maine depuis 1332, en est un parfait exemple (il porte ici les armoiries de l’Anjou).

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Sceau de Jean II le Bon

Ce sceau de Jean II le Bon représente un chevalier sur un destrier cabré, caparaçonné aux armes de France. Le bouclier que tient le cavalier est lui aussi frappé d'un semi de fleurs de lis. Tout autour se lit la légende : S'. IOH'IS : PRIMOGEITI : REGIS : FRACOR' : DUCIS : NORMENOR' : COITIS : ANDEGAUIE : ET :, qui se transcrit Sigillum Johannis primogeniti, regis Francorum, ducis Normenorum, comitis Andegavie et Cenomanie, et se traduit « Sceau de Jean II le premier-né, roi des Francs, duc des Normands, comte d'Anjou et du Maine ».

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Archives nationales

Le chevalier chargeant fait son apparition au 13^e siècle sur les deniers de petit module des ducs de Lorraine Mathieu II (1220-1251) et Ferri III (1251-1303). Mais le type s’épanouit à partir du gros au cavalier de Marguerite I^re, comtesse de Hainaut (1244-1280), créé à Valenciennes vers 1 275. Il est repris par de nombreux seigneurs du Nord, au Luxembourg, en Lorraine et à Bar, et jusqu’en Bourgogne par Eudes IV (1315-1350) et à Orange par Bertrand III (1282-1335). Le destrier est houssé aux armoiries du prince, qui ornent aussi son écu. Le chevalier, le visage dissimulé sous son heaume, brandit son épée ou porte un étendard. En outre il est à noter qu’on recourait souvent aux mêmes personnes pour graver les matrices de sceau ou les matrices de coin monétaire, la technique requise étant la même.

Le type du franc de Jean le Bon s’inscrit donc dans cette tradition, à défaut de respecter la tradition monétaire royale. Pourquoi ce choix ? On ne peut qu’avancer des hypothèses. Le coin aurait pu avoir été prévu pour Charles, fils et successeur désigné du roi, duc de Normandie et lieutenant général du royaume depuis la captivité du roi à Londres, puis avoir été utilisé finalement pour le roi lui-même lorsqu’on apprit enfin sa libération contre rançon. L’image du roi chevalier combattant – il s’agit bien du roi, car son heaume est surmonté de la couronne royale et la housse est un semé de lis sans autre motif – peut aussi manifester, comme le nom de la pièce, la liberté recouvrée par le roi capturé au combat lors de la bataille de Poitiers en 1356 ; celui-ci peut dès lors à nouveau rentrer en son royaume pour le garder, le protéger et le défendre, comme il en a la charge et le devoir impérieux depuis son sacre.

Le revers

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Franc à cheval de Louis II de Flandre

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Bibliothèque nationale de France

Il est en revanche plus traditionnel au regard du monnayage d’or des rois de France depuis Saint Louis.

La légende

XPC VINCIT XPC REGNAT XPC IMPERAT (Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat) : « Christ vainc, Christ règne, Christ ordonne »

Cette formule est une acclamation prononcée lors des cérémonies religieuses de Pâques. Elle est apparue dans le monnayage royal français sur l’écu d’or de saint Louis et demeura la légende des monnaies d’or royales françaises jusqu’à la Révolution, à l’instar du sit nomen domini benedictum (« Béni soit le nom du Seigneur ») sur les pièces royales d’argent.

Le type

Il s’agit d’une croix végétale au cœur en quadrilobe, inscrite dans un quadrilobe cantonné de quatre trèfles.

Depuis l’époque mérovingienne, et pour des motifs politico-religieux évidents (la royauté franque, donc le royaume des Francs, était chrétienne depuis Clovis), la croix était sans doute le type le plus couramment utilisé sur les monnaies médiévales, au point que le mot « croix » désignait usuellement le revers d’une pièce. Cette ornementation au revers des monnaies d’or royales françaises était classique depuis l’écu d’or de Louis IX pour la croix et depuis Philippe le Bel pour le polylobe, encore qu’il y en eût un autour de l’écu aux lis de la pièce de Louis IX.

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Écu d’or de Louis IX

Frappé par Louis IX après plusieurs siècles d’abandon de l’or, l’écu connut immédiatement un grand succès et devint l’une des principales monnaies françaises sous l’Ancien Régime. Sur cet exemplaire datant du règne même de Louis IX, le droit est orné d’un écu de France semé de fleurs de lys – qui donne son nom à la pièce – enserré dans un polylobe tréflé et entouré de la légende : LUDOVICS : DEI : GRACIA : FRANCOR REX (« Louis, par la grâce de Dieu, roi des Francs »). Sur l’avers est frappée une croix fleuronnée avec des quadrilobes en coeur, cantonnée de quatre fleurs de lys, avec en légende circulaire XPC VINCIT XPC REGNAT XPC IMPERAT (« Christ vainc, Christ règne, Christ ordonne »).

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Bibliothèque nationale de France

Cependant, au regard des formes relativement simples gravées jusque-là sur les monnaies d’argent, c’était un changement radical de style de croix et plus généralement de gravure, en quelque sorte la contribution des graveurs monétaires à l’esthétique de l’époque, au style gothique du 14^e siècle. En effet, comment ne pas rapprocher ces motifs de ceux que l’on peut voir encore aujourd’hui sculptés et ciselés dans l’orfèvrerie contemporaine, dans les pierres des cathédrales ? Pour finir, on peut y associer l’épigraphie des légendes qui, dans les formes nouvelles, « gothique », de certaines lettres, reflète tout autant le caractère gothique des monnaies d’or de cette période.