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Science et éducation

Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert
Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert

© Blbliothèque nationale de France

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Plaçant la raison au centre, les Lumières ne pouvaient que valoriser la science. Physique, chimie, mathématiques, sciences du vivant, mais aussi étude des sociétés connaissent un développement inédit et se débarassent progressivement des oripeaux des croyances. Cette approche scientifique permet de nombreuses avancées techniques tandis que l'enseignement pour tous devient un idéal.

Nous pouvons être hommes sans être savants.

Rousseau, 1762

Dieu et les miracles étant réservés à la foi individuelle, la connaissance prend pour objet le monde désenchanté de la nature et des hommes. Elle progresse en se servant d'outils disponibles à chacun, la raison et l'expérience, et ne s'arrête devant aucun interdit. La figure tutélaire du siècle est Newton, le savant qui a su réduire à un principe simple les mouvements des corps dans le ciel comme sur terre. Physique, chimie, biologie progressent rapidement : les inventions techniques, machine à vapeur, électricité, paratonnerre, montgolfières se fondent sur les acquis de la science.

Le ballon à air des frères Montgolfier
Le ballon à air des frères Montgolfier |

Bibliothèque nationale de France

La connaissance du monde doit permettre à chacun de devenir maître de lui-même et de son existence. L'éducation qui y conduit est donc un bien incontestable, elle est nécessaire aux enfants comme aux adultes. Le savoir sera diffusé tant par des publications savantes que par des encyclopédies.
Si l'on peut tout connaître, ne pourrait-on pas aussi transformer le monde selon sa volonté ? Quelques esprits systématiques s'engagent dans la voie de l'utopie et imaginent une société idéale, des villes parfaites, un homme nouveau. Ce scientisme détourne l'esprit des Lumières.

Cyclopaedia
Cyclopaedia |

Blbliothèque nationale de France

Les académies

La première académie de type société savante était née en Italie au début du 17e siècle. Alors que la vocation de l'Académie française était littéraire, le 18e siècle voit éclore, à la suite de la Royal Society de Londres (1662), une foule d'académies dont l'orientation est plutôt scientifique et qui bénéficient du soutien des autorités dans toute l'Europe, qu'il s'agisse de capitales comme Saint-Pétersbourg (1725), Édimbourg (1731), Stockholm (1739) ou de villes provinciales comme Dijon, Bordeaux, Toulouse… Dotés de réseaux de correspondants qui dépassent les cadres nationaux, elles publient les résultats de recherches scientifiques, souvent très spécialisées, telle l'Académie de Turin, où l'on peut lire les travaux d'un Lagrange ou d'un Laplace, mais s'adressent aussi à un public cultivé plus large en organisant des concours où elles soumettent à la discussion des thèmes d'actualité comme des problèmes liés au développement des sciences. Rousseau gagne ainsi en 1750 le prix de morale décerné par l'Académie de Dijon en répondant à la question mise au concours :  « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs. »

La physique de Newton

Newton est la grande figure qui domine les sciences au 18e siècle. Promoteur de la physique expérimentale, il met à jour la loi d'attraction universelle. À rebours de la réception qu'il connaît en Hollande, il heurte les convictions des tenants de la physique de Descartes, qui ne considèrent dans les objets que les seules propriétés, « claires et distinctes », de la substance et de l'étendue.

Isaac Newton
Isaac Newton |

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Voltaire
Voltaire |

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Maupertuis, le premier, propose à l'Académie des sciences, à Paris, un mémoire sur Newton. Puis c'est au tour de Voltaire, en 1738, de prendre une part active à la diffusion des idées de Newton en publiant Les Éléments de la philosophie de Newton. Les controverses sur cette force étrange qui fait s'attirer les corps entre eux – et que démontrait Newton sans se l'expliquer – captivent. L'engouement conduit de nombreux amateurs à se doter d'un cabinet de physique propre à mener des expériences, à faire des observations, à recueillir des données. Cette passion pour cette science nouvelle, distincte des sciences de la nature auxquelles elle avait été jusque-là identifiée, contribue à développer la fabrication et à améliorer les capacités des instruments scientifiques.

La classification, stade préparatoire de la science

Systema naturæ per regna tria naturæ
Systema naturæ per regna tria naturæ |

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En 1735, dans son Systema naturæ, Linné met de l'ordre dans l'apparente confusion de la nature en divisant les minéraux, végétaux et animaux en classes, ordres, genres, espèces et variétés. En considérant l'homme comme n'importe quelle autre production de la nature et en l'incluant parmi les animaux – même si Linné le distingue des autres mammifères –, cette volonté classificatoire provoque un scandale. Bien que soulevant des réticences, comme celles de Buffon ou de Jussieu, la nomenclature systématique s'imposera comme un fondement pour les sciences naturelles. L'exemple de Linné sera suivi au cours du siècle par d'autres savants élaborant à leur tour des classifications qui seront à la base des progrès de leurs disciplines : ainsi Guyton de Morveau et Lavoisier pour la chimie, Vicq d'Azyr pour l'anatomie ou Pinel pour les maladies.

L'imaginaire utopique de Lumières

Projet de monument tronconique
Projet de monument tronconique |

Blbliothèque nationale de France

C'est au 18e siècle en quelque sorte que le terme « utopie » entre au dictionnaire des noms communs. Cette reconnaissance témoigne du foisonnement d'œuvres, aux formes variées, qui traitent des sociétés idéales : voyages imaginaires, pièces de théâtre, fables, roman par lettres… À la différence des siècles antérieurs, marqués par des chefs-d'œuvre du genre – Utopia de Thomas More, Cité du soleil de Campanella… – le Siècle des lumières ne condense pas en une pièce majeure son aspiration à l'utopie. Au contraire, il la disperse, parfois même au sein de textes aux ambitions plus larges, dans de petits récits fermés comme, par exemple, l'idylle de Clarens dans La Nouvelle Héloïse, l'évocation de l'Eldorado dans Candide. Cependant, une œuvre émerge à la fin du siècle, annonciatrice d'une autre modalité de l'imaginaire utopique : L'An 2440, de Louis-Sébastien Mercier. L'auteur inaugure ainsi ce que l'on a appelé l'uchronie en projetant un monde « fortuné » non plus dans l'espace mais dans le temps. Ainsi, c'est le Paris des Lumières qui se rêve au futur.

L'utopie ne contraint plus au voyage mais au sur-place. Mais elle conserve le même objectif : mettre au point, dans des récits imaginaires, des simulations qui permettent de tester, idéalement, la compatibilité d'une société avec les principes inspirés par les Lumières : est-il possible de faire vivre des communautés humaines sur le principe de la république des Égaux de Babeuf ? Est-il possible de concevoir des sociétés – comme Tahiti, découverte par Bougainville – où l'éros soit communautaire ? Dans la plupart des cas, cependant, le territoire de l'utopie n'est pas la cité, mais la campagne. L'Arcadie, la société pastorale, est le cadre le plus fréquent de la rêverie utopique. Seul le plan de la ville de Chaux, de Claude-Nicolas Ledoux, concentre le projet utopique sur la construction d'une cité.

Projet de porte de ville
Projet de porte de ville |

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Naissance de l'Encyclopédie : la connaissance systématique

Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert
Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert |

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« Ce qui distingue ce dictionnaire de tout autre ouvrage où les matières sont pareillement soumises à l'ordre alphabétique [c'est] l'ordre qui l'a fait appeler Encyclopédie », écrit Diderot. Il précise qu'« encyclopédie » signifiant « enchaînement de connaissances », il s'agit de « rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre » et d'en exposer aux hommes « le système général », à l'instar de la Cyclopædia de Chambers, pour qui il était nécessaire d'organiser systématiquement la connaissance comme un tout intégré. L'ordre encyclopédique permet de décrire le réel en admettant sa variété. Son caractère systématique est illustré par l'important système de renvois qui permet de passer d'un article à d'autres : plus qu'un dictionnaire, l'Encyclopédie est ainsi une « mappemonde », une cartographie du territoire de la connaissance. Le monde n'est plus décrit selon les conceptions des théologiens ou des humanistes, mais compris suivant les nouveaux modèles proposés par les sciences et techniques. D'où l'importance des planches illustrées dans cette somme dont la vocation est la diffusion du savoir : cet hommage aux métiers repose sur la connaissance rationnelle de leurs opérations techniques plutôt que sur l'admiration pour leur savoir-faire.

L'éducation des Lumières

De Locke – Some Thoughts Concerning Education (1693) – jusqu'à l'œuvre majeure de Rousseau, Émile ou De l'éducation (1762), l'éducation fait constamment partie du programme philosophique des Lumières et y occupe une place prépondérante. Dans un siècle acquis à l'individualisme, le souci de l'instruction et de la pédagogie s'affirme comme une priorité pour la construction des individus.

L’Enfance
L’Enfance |

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La Maîtresse d’école
La Maîtresse d’école |

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Dans l'article « Éducation » publié dans l'Encyclopédie, son rédacteur, Dumarsais, place l'individu sous l'action de trois projets de formation : la santé du corps, la formation de l'esprit, l'éducation morale. Autant d'objectifs éducatifs qui doivent servir tout d'abord à l'individu, lequel sera ainsi en mesure de s'insérer dans la société, à la famille ensuite, qui se verra protégée, perpétuée par un de ses enfants, et enfin à l'État, qui tirera bénéfice de l'éducation de ses citoyens. Dans cet esprit, on comprend que le recours au précepteur, laïque, ait pu être considéré, contre l'éducation collective dispensée par les ecclésiastiques, comme une des voies pédagogiques à avoir eu la préférence des Lumières. Avec l'éducation, c'est l'enfance, comme séquence déterminante dans le processus des acquisitions, qui est pour la première fois mise en lumière. Défenseur d'un enfant symbole préservé de l'homme selon la nature, Rousseau imagine dans l'Émile, ce traité en forme de roman psychologique, un cycle d'éducation en quatre étapes clés – le corps, les sens, le cerveau, le cœur. Pour le philosophe de Genève, toute l'énergie du précepteur doit être employée à préserver l'enfant, à écarter de lui tout ce qui pourrait altérer ses capacités naturelles d'intelligibilité du monde. Modèle d'éducation, pour ainsi dire négative, propre à conduire l'enfant à « apprendre à apprendre ».

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