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Le maniérisme et les prémices du baroque

Des styles européens au 16e siècle
La Prudence
La Prudence

Bibliothèque nationale de France

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Style virtuose du 16e siècle, le maniérisme, entraîna une pratique intensive du dessin. Les multiples compositions que les artistes se devaient de proposer aux commanditaires pour satisfaire leurs divers projets nécessitaient en effet de nombreuses études préparatoires. Cette prépondérance de l’art du dessin ne fut par la suite pas remise en cause par le retour à un style plus simple et direct.

Qu’est-ce que le maniérisme ?

La bella maniera

Jeune homme nu assis
Jeune homme nu assis |

Bibliothèque nationale de France

Le maniérisme évoque un mouvement artistique complexe né en Italie au début du 16e siècle, dont l’interprétation la plus affirmée est le « beau style », la bella maniera. Le terme lui-même vient du mot italien maniera employé fréquemment par Giorgio Vasari, l’historiographe des Vite, pour évoquer le style d’un artiste ou encore une esthétique générale dans le sens de manière de faire. L’adjectif « maniériste » fut employé pour la première fois par le Français Roland Fréart de Chambray en 1662 dans son ouvrage Idée de la perfection de la peinture, réprouvant les mouvements outrés et les musculature trop accentuées. Luigi Lanzi créa plus d’un siècle après, en 1792, le terme maniérisme qu’il employa dans L’Histoire picturale de l’Italie, lui aussi dans un sens négatif.

Un idéal de beauté

Le maniérisme recouvre de nombreuses interprétations et des courants artistiques variés selon les régions, les pays et les événements. Une sélection de dessins permet d’évoquer les principales tendances de ce mouvement qui s’étendit sur un siècle environ, dans toute l’Europe.
Le maniérisme est perçu comme un idéal de beauté qui tend vers un perfectionnement du style des grands maîtres de la Renaissance : Léonard, Raphaël, Michel-Ange, Le Corrège, Andrea del Sarto. Adeptes d’une beauté pure et rationnelle, ceux-ci avaient cependant amorcé dans plusieurs de leurs œuvres (Sainte Anne, chambres du Vatican, Jugement dernier de la Sixtine) une orientation nouvelle : recherche spatiale, complexité de la composition, déformation de la réalité, figures imbriquées, fondu des formes, outrances musculaires, intérêt pour les décors antiques. Mais c’est à Florence que le maniérisme s’affirma dans les œuvres de Pontormo et du Rosso, élèves d’Andrea del Sarto. Basé sur l’artifice, leur style s’éloigne de l’équilibre, de l’harmonie, de la mesure, de la sérénité, de l’imitation de la nature, qui caractérisaient la Renaissance.

L’Adoration des Mages
L’Adoration des Mages |

Bibliothèque nationale de France

Le vocabulaire usuel qui se rattache au maniérisme est stimulant pour l’imagination et la perception de cet art : élégance, grâce, préciosité, affectation, sophistication, excès, bizarrerie, fantastique, étrangeté, irréalisme, paradoxe ; parfois très suggestif quant au tracé : virtuosité, ligne lovée, brisée, bouclée, forma serpentina, expressivité, arabesque, sinuosité, rupture de la ligne.

Une conception nouvelle de l’œuvre d’art

Deux prophètes
Deux prophètes |

Bibliothèque numérique de Rouen

Ces formulations, plus esthétiques et intellectuelles qu’émotionnelles, sont indissociables d’une conception nouvelle de l’œuvre d’art qui présente une composition inattendue, décentrée, fragmentée, des ruptures d’échelle, un espace instable, illusionniste, structuré par des plans successifs contrastés, un rythme rompu, un éclairage artificiel, un modelé exprimé par des plans, des proportions déséquilibrées. Les figures sont le plus souvent nues ou à peine vêtues d’une draperie simulée, transparente, et le corps, très étudié, devient langage ornemental. Les postures éloignées du naturel, la torsion des figures (contrapposto) qui les anime, l’étirement des silhouettes parfois ondulantes, souvent aux petites têtes disproportionnées par rapport au corps, se dérobent au canon classique. Les couleurs discordantes heurtent la vision. S’y ajoute la perfection du détail, révélant l’observation directe de la nature, dissimulée par l’artifice de l’ensemble.
Ce sont ces recherches exaspérées qui expliquent le culte du dessin et la diversité des techniques. De même l’iconographie tant profane que sacrée multiplia les variations sur un même thème, construisant un monde idéal, loin du monde réel. Dieux et héros devinrent des symboles culturels. L’évocation de la fable n’exprima qu’une transposition des idées, des croyances, des passions, des angoisses d’une société extrêmement raffinée et cultivée qui substituait au monde réel un monde mythique.

Projet décoratif pour une cheminée
Projet décoratif pour une cheminée |

Bibliothèque nationale de France

De l’Italie à l’Europe

Un mouvement en trois étapes

Le Christ mort soutenu par deux anges
Le Christ mort soutenu par deux anges |

Bibliothèque nationale de France

Les historiens ont tenté de discerner trois étapes dans ce mouvement artistique :
– ses débuts en Italie, de 1515 à 1535-1540 environ, avec Pontormo, Perino del Vaga, Bandinelli, Beccafumi et le Rosso qui introduisit le style maniériste à Fontainebleau ;
– son apogée, illustrée à Florence de 1540 à 1570 par Vasari et Bronzino, à Rome par Salviati ;
– son déclin à la fin du siècle et au début du 17e qui se traduit par une période de transition avant que de nouvelles tendances artistiques ne s’affirment.

Une diffusion dans toute l’Europe

Diffusé par les artistes qui faisaient le voyage d’Italie et par la gravure, favorisé par la vie de cour, et par les humanistes érudits qui concevaient les programmes des décors monumentaux des édifices religieux et des palais, des entrées royales et princières, des cérémonies et des fêtes, le maniérisme connut un épanouissement singulier, dont l’école de Fontainebleau fut l’une des manifestations les plus originales. Dans le Nord, le réalisme de l’art flamand et hollandais s’adapta à ce courant.
Les artistes séjournèrent à Rome et copièrent les antiquités, tel Maerten Van Heemskerck qui fut aussi l’un des premiers à introduire un italianisme imprégné de maniérisme dans les Pays-Bas du Nord. Plus tard, les flamands Gheeraerts et Otto Vénius qui rencontra Federico Zuccaro à Rome, se rapprochèrent des recherches des romanistes pour se libérer de la maniera.

Tête de jeune garçon, penchée à droite
Tête de jeune garçon, penchée à droite |

Bibliothèque nationale de France

Tête de jeune garçon, penchée à gauche
Tête de jeune garçon, penchée à gauche |

Bibliothèque nationale de France

L’art allemand influencé par Dürer, artiste de la Renaissance, attaché cependant à la tradition médiévale et à sa spiritualité, fidèle à l’imitation de la nature, résista davantage. Cranach, Baldung Grien usèrent d’un compromis entre le gothique international, non dépourvu de maniérisme d’ailleurs – maniérisme immatériel et mystique –, et les apports italiens. Mais ce fut surtout à la fin du siècle que ce courant se développa à la cour de Rodolphe II, à Prague.

Le retour à un style plus direct

Annonciation
Annonciation |

Bibliothèque nationale de France

C’est de 1570 à 1610 environ qu’un changement dans l’art se perçut, une évolution vers une simplification des compositions et des formes, un retour à des règles plus classiques, une spiritualité plus conventionnelle issus du concile de Trente (1545-1563) à l’origine de la Contre-Réforme. Cette assemblée de religieux s’était donné pour mission de purifier l’Église troublée par la crise religieuse qui avait agité l’Europe, de réaffirmer ses dogmes essentiels, et de contrôler l’art sacré. Contemporain de la seconde génération de maniéristes florentins, le concile réagit contre les raffinements esthétiques, veilla à l’iconographie et aux effets stylistiques. Les œuvres d’art devaient exercer une action sur les fidèles et stimuler l’émotion, la compassion, en fait atteindre la sensibilité par des accents pathétiques. Ces exigences entraînèrent d’abord un certain classicisme puis un art de persuasion, plus spectaculaire, le baroque, qui atteindra sa pleine maturité au 17e siècle. Quelques dessins illustrent cette période de transition, celui de Zuccaro dont l’œuvre, opposée à la maniera et à ses extravagances, en reflète la dernière phase, ou encore celui de Ciampelli adepte des nouvelles tendances, élève de Santi di Tito, le représentant du courant antimaniériste, mais pas encore tout à fait libéré de l’artifice de la maniera.

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition « Dessins de la Renaissance » présentée à la Bibliothèque nationale de France du 24 février au 4 avril 2004. 

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