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Le mode d’emploi de la Création

Création du ciel, de la terre et de l’homme
Création du ciel, de la terre et de l’homme

Bibliothèque nationale de France

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Rome ne s’est pas faite en un jour, et l’univers non plus. Selon la Bible, il a fallu sept jour à Dieu pour, des Ténèbres, en arriver à l’homme. Les physiciens qui étudient le Big Bang, eux, reconstituent une histoire de quinze milliards d’années. Mais dans quel ordre le monde a-t-il été créé ? Quels éléments sont apparus en premier ? Et ensuite ?
Si les récits mythiques ou religieux parlent de la création du monde (par un ou plusieurs dieux), les « récits » scientifiques ont pour seule ambition de décrire la formation et l’évolution du contenu de l’Univers. Malgré tout, il existe entre ces deux approches de nombreux parallèles.

Des Védas à la Bible

« L’Ordre et la Vérité sont nés de l’Ardeur qui s’allume. De là est née la Nuit. De là l’Océan et ses ondes. De l’Océan avec ses ondes naquit l’Année, qui répartit jours et nuits, régissant tout ce qui cligne des yeux. L’Ordonnateur a mis en forme le Soleil et la Lune, en rang de priorité ; le Ciel et la Terre ; l’Espace aérien ; enfin la Lumière. » Ainsi est racontée la création du monde dans le Rigveda, l’un des principaux textes de l’hindouisme.

La création du monde dans les Védas
La création du monde dans les Védas |

Bibliothèque nationale de France

Cet ordre védique de la Création diffère radicalement de celui prôné par la tradition judéo-chrétienne :
• le premier jour, Dieu a créé la matière et la lumière à partir du chaos ;
• le deuxième, il a créé l’espace par séparation du ciel et des eaux ;
• le troisième, il a séparé la terre et les eaux ;
• le quatrième, il a créé les luminaires célestes ;
• le cinquième les poissons et les oiseaux ;
• le sixième les animaux terrestres et l’homme ;
• enfin, au septième jour, Dieu s’est reposé et a contemplé son œuvre.

Sur le plan astronomique, on peut remarquer que, dans la Genèse, la séparation de la lumière et des ténèbres est accomplie dès le premier jour, le Soleil et la Lune n’apparaissant qu’au quatrième. La lumière du premier jour n’est donc pas celle des astres. Le texte biblique traduit ainsi une croyance très ancienne, selon laquelle la lumière et les ténèbres sont indépendantes des corps célestes : le Soleil, la Lune et les étoiles n’existent pas pour donner la lumière mais seulement pour l’accroître, pour distinguer le jour et la nuit, pour marquer le passage des saisons, etc.

La Création du monde selon la Bible
La Création du monde selon la Bible |

Bibliothèque nationale de France

« Nous devons nous rappeler que la lumière du jour est une chose et la lumière du soleil, de la lune et des étoiles une autre – le soleil paraît pour donner un éclat supplémentaire à la lumière du jour », remarque saint Ambroise dans son Hexaméron.
Cette façon de voir est illustrée de manière frappante dans les mosaïques de la basilique Saint-Marc à Venise, les fresques du baptistère de Florence ou celles de la basilique Saint-François à Assise : toutes représentent le Créateur plaçant dans les cieux deux disques de taille égale, que leur couleur ou une simple inscription permettent d’identifier.

L’Heptaméron renaissant : un nouveau syncrétisme

Avec la Renaissance, un nouveau désir de syncrétisme voit le jour. Les principaux récits de la création, bibliques (la Genèse) et gréco-romains (le Timée de Platon, la Théogonie d’Hésiode, les Métamorphoses d’Ovide) sont amalgamés pour produire un récit unique les embrassant tous. La création devient une métaphore du temps, une tentative pour rendre le paradoxe du temps intelligible à l’esprit mortel.

La Sepmaine de Du Bartas
La Sepmaine de Du Bartas |

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Le terme « heptaméron » (du grec hepta, « sept » et hêmera, « jour ») apparaît pour la première fois en 1559 sous la plume de Marguerite de Navarre. En 1578, Guillaume Salluste du Bartas utilise le même titre, mais dans sa version latine : La Sepmaine. Il s’agit d’une adaptation épique de la Genèse, inspirée notamment d’Ovide, et qui lie le style au sens. Ainsi, pour décrire le premier jour, Bartas rend le chaos par un désordre verbal, jouant avec les mots en usant de termes antinomiques.

Ce premier monde était une forme sans forme
Une pile confuse, un mélange difforme,
D’abîmes un abîme, un corps mal compassé,
Un Chaos de Chaos, un tas mal entassé.

Guillaume Salluste du Bartas, La Sepmaine ou création du monde, Paris, 1578

Au 17e siècle, Robert Fludd, médecin londonien, publie une encyclopédie du savoir humain en quatre volumes. Le premier traité s’intitule Récit de la structure du macrocosme et de l’origine de ses créatures et se divise en sept livres. Cet heptaméron de Fludd est un curieux mélange de science physique et d’occultisme.
Le jésuite allemand Athanasius Kircher, grand encyclopédiste, publie en 1650 Musurgia Universalis. Dans un chapitre volumineux, il donne sa version de l’hexaméron en termes musicaux, à la suite de la tradition pythagoricienne et platonicienne selon laquelle le cosmos est une harmonie de composantes discordantes. Le Monde est comparé à un orgue actionné par Dieu.

Les composantes matérielle et spirituelle de l’Univers selon Fludd
Les composantes matérielle et spirituelle de l’Univers selon Fludd |

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L’orgue de la Création de Kircher
L’orgue de la Création de Kircher |

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La théorie du Big Bang

Les astrophysiciens estiment avoir reconstitué de façon plausible une histoire cosmique longue de 13,8 milliards d’années, en remontant dans le passé jusqu’au premier dix-milliardième de seconde. À cette époque, l’Univers était si dense et si chaud qu’il était opaque. Environ 1 million d’années plus tard, il a émis sa première lumière, que l’on capte aujourd’hui dans les radiotélescopes. 1 milliard d’années après se sont formées les premières galaxies, dont sans doute la nôtre. Au sein de la Voie lactée, plusieurs générations d’étoiles se sont succédé.

Spectres sidéraux
Spectres sidéraux |

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Le Soleil s’est condensé une dizaine de milliards d’années plus tard, soit il y a 5 milliards d’années. Assez rapidement, les planètes se sont agglomérées, les datations les plus précises sur l’âge de la Terre indiquant 4,56 milliards d’années. La vie aquatique a surgi dès que l’intense bombardement météoritique initial a cessé et que la Terre s’est refroidie : des organismes monocellulaires sont apparus dans les océans il y a 3,5 milliards d’années. Puis tout s’est précipité. Il y a 600 millions d’années sont apparus les premiers vertébrés, il y a 200 millions d’années les premiers mammifères. L’apparition de notre espèce, Homo sapiens, est récente : 10 millions d’années.
Tel est le nouvel heptaméron de la cosmologie moderne.

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion des expositions « Figures du ciel » et « Couleurs de la Terre » présentées à la Bibliothèque nationale de France en 1998 et 1999.

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