Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

La transmission des textes chrétiens

Évangile selon saint Matthieu
Évangile selon saint Matthieu

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Le christianisme naît dans un contexte particulièrement riche, où se mêlent judaïsme et traditions gréco-romaines. La transmission de ses principes est fortement liée à ces différentes cultures.

À l’opposé du polythéisme grec et romain, connu pour sa capacité à intégrer d’autres systèmes religieux, l’avènement du christianisme marque une rupture absolue : par définition, le monothéisme radical ne peut intégrer aucune nuance polythéiste. Entre le paganisme et le christianisme, aucune fusion n’est possible. L’altérité est absolue et ne peut être esquivée.

Comment le Christianisme absorbe la philosophie grecque

L’opposition de principe est largement tempérée, dans la réalité, par l’expansion du christianisme qui s’éloigne progressivement de ses racines juives pour s’adresser au monde gréco-romain dans son ensemble : Paul, l’apôtre « des nations », symbolise le mieux cette évolution qui intègre dans l’Église naissante non seulement les juifs-chrétiens, mais aussi et de plus en plus les païens-chrétiens, ces non-juifs qui acceptent l’Évangile. Ces derniers ne sont toutefois païens que par leur origine : leur adhésion au christianisme en fait de véritables chrétiens.

Diane, déesse de la chasse
Diane, déesse de la chasse |

© Bibliothèque nationale de France

Tout différent est le cas des philosophes grecs ou romains qui n’ont jamais professé la moindre sympathie pour le christianisme ou le judaïsme : ces « Hellènes » influencent pourtant fortement la théologie chrétienne naissante et continuent à fasciner les auteurs chrétiens bien au-delà de la fin de l’Antiquité. Le recours abondant à ces authentiques païens nécessite une justification. Cette justification, les auteurs chrétiens la trouvent dans la théorie juive de la filiation entre Moïse et Platon. Au 2e siècle de notre ère, le martyr chrétien Justin écrit ainsi : « Tout ce que les philosophes et poètes [païens] ont écrit sur l’immortalité de l’âme ou les châtiments après la mort ou sur l’observation des phénomènes célestes, tout cela ils n’ont pu le concevoir que parce qu’ils ont reçu l’inspiration des prophètes ».
Le prétendu ancrage vétérotestamentaire de la philosophie grecque fait des savants païens une source légitime pour la théologie chrétienne : qualifiée de « sagesse extérieure » par les Pères de l’Église, la philosophie païenne est partiellement intégrée dans la tradition chrétienne.

De la fiction à la légende : Pseudo-Denys l’Aréopagite
De la fiction à la légende : Pseudo-Denys l’Aréopagite |

© Bibliothèque nationale de France

Un renversement de perspective plus radical intervient à l’extrême fin de l’Antiquité : à la fin du 5e siècle, un auteur chrétien anonyme, compose des traités mystiques d’inspiration néoplatonicienne et se fait passer pour le Denys, membre de l’Aréopage qui est cité dans les Actes des Apôtres comme auditeur puis disciple de saint Paul. Sous cette identité usurpée, les écrits du Pseudo-Denys connaissent un succès exceptionnel dans l’ensemble du monde chrétien et accréditent pour longtemps l’idée d’une dépendance directe entre les philosophes païens postérieurs au Christ et la doctrine des apôtres.
En inversant définitivement le rapport historique entre théologie chrétienne et philosophie païenne, l’apparition du Pseudo-Denys met un terme au moins provisoire à la concurrence entre philosophie païenne et sagesse chrétienne. La philosophie grecque a été entièrement absorbée et assimilée au point que son existence même peut être réduite à un simple phénomène de copie de la vérité révélée.

La tradition grecque

Le grec joue un rôle fondamental dans l’histoire de la transmission des textes bibliques ; c’est à la fois la langue originale des Évangiles et celle de la première traduction du Pentateuque hébraïque, connue sous le nom de Septante (3e siècle avant J.-C.) ; cette version, choisie par l’Église chrétienne naissante, se répandit rapidement dans les communautés chrétiennes des premiers siècles à partir des villes de Césarée et d’Antioche, avant de servir de base aux traductions copte, latine, éthiopienne, arménienne, et d’être utilisée par les Pères de l’Église pour leurs commentaires. Les plus anciennes bibles conservées regroupant tout l’Ancien et le Nouveau Testament en grec – Sinaïticus, Vaticanus, Alexandrinus – sont datées des 4e et 5e siècles. La conversion en 337 de l’empereur Constantin, fondateur de la ville de Constantinople, est révélatrice du caractère oriental du christianisme au début de son histoire. C’est cette tradition qui est restée vivante au sein de l’Empire byzantin et des Églises orthodoxes et orientales.

La tradition latine

L’adoption du latin, plutôt que du grec, comme langue de diffusion de la Bible chrétienne correspond à un déplacement du christianisme vers l’ouest : Rome, l’ancienne capitale impériale devient le centre de la chrétienté. Le martyre de saint Pierre et de saint Paul en 67 en avait fait la ville des apôtres et son prestige n’avait cessé de grandir aux yeux des communautés chrétiennes. Quand l’empire d’Occident s’effondre, la papauté romaine reste en Europe occidentale la seule puissance encore debout face aux invasions barbares.

Avant saint Jérôme
Avant saint Jérôme |

© Bibliothèque nationale de France

Dans ce contexte, l’élaboration d’une traduction latine susceptible de faire autorité revêt une importance particulière. C’est à cette tâche que va se consacrer saint Jérôme : s’appuyant sur les versions hébraïque et grecque, il va proposer dans le magnifique latin que lui avait enseigné son maître le grammairien Donat une version décisive qui va peu à peu supplanter les différentes traductions existantes – dont la plus commune est connue sous le nom de « vieille latine » (Vetus latina). C’est le début d’une longue épopée.

Les versions orientales et les apocryphes

Le christianisme, dès ses origines, se présente comme un ensemble de communautés d’une étonnante diversité largement liée à la nature de son expansion géographique en étoile, vers l’ouest, mais aussi vers le sud jusqu’en Éthiopie, vers le nord jusque dans les pays slaves et vers l’est jusqu’en Chine et en Inde, notamment par l’intermédiaire de la Bible syriaque remontant au 2e, voire au 1er siècle, toujours utilisée par les chrétiens de Syrie et d’Irak. Au sein du foisonnement doctrinal qui en résultait, l’Église ancienne dut opérer un choix difficile parmi des dizaines de textes pour fixer le corpus canonique ; les œuvres non retenues, les « apocryphes », continuèrent cependant à alimenter la piété chrétienne et sont à l’origine de nombreuses traditions, comme les noms des trois rois mages, Gaspard, Melchior et Balthazar. Témoins des traditions chrétiennes des origines et des liens du christianisme avec le judaïsme et la culture romaine, chacune des versions porte la marque du milieu qui l’a produite, conservée ou transmise ; nombre d’apocryphes sont parvenus en des versions multiples, en grec, en syriaque, en copte, en éthiopien, en arabe, en arménien, en géorgien et en slavon.

Quand l’arménien devient une langue écrite
Quand l’arménien devient une langue écrite |

© Bibliothèque nationale de France

Saint Luc
Saint Luc |

© Bibliothèque nationale de France

Lien permanent

ark:/12148/mmw2741hxvm2