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L’origine de l’écriture en Chine d’après l’archéologie

Inscriptions oraculaires
Inscriptions oraculaires

Bibliothèque nationale de France

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Loin des légendes, l’archéologie permet d’appréhender l’histoire matérielle de l’écriture chinoise. Connue sous sa forme archaïque par des inscriptions remontant au 14e siècle, la pratique de celle-ci revête un caractère sacré, au service du gouvernement.

Les inscriptions oraculaires jiaguwen

Les inscriptions oraculaires gravées sur os ou sur écaille de tortue - plusieurs dizaines de milliers de fragments furent découverts à partir de 1899 dans la province du Henan, principalement à Xiaotun, petit village proche d’Anyang au nord du fleuve Jaune - sont les plus anciens vestiges de l’écriture chinoise que l’archéologie ait mis au jour. On les date du 14e siècle avant notre ère, de l’époque où le souverain Pan Geng (1401-1372) y établit sa capitale. La découverte confirmait la relation fondamentale qu’entretenait la divination avec l’écriture en son origine, et que la légende laissait entendre.

L’ostéomancie consiste à interpréter les craquelures en forme de T couché que le devin fait apparaître sur la face externe d’une omoplate de cervidé ou d’une carapace de tortue en appliquant un tison incandescent sur un point de la face interne, les craquelures révélant les lignes de force de l’événement au sujet duquel la divination était pratiquée. À partir du14e siècle avant notre ère, les devins inscrivirent en colonnes verticales des logogrammes, après avoir interprété l’oracle, pour en noter la circonstance et le résultat. Ultérieurement, à partir de la dynastie Zhou (1122-221 avant J.-C.), les devins-scribes utilisèrent d’autres supports - pièces de soie ou planchettes de bois, les avis divergent - pour inscrire ces données. On peut voir là l’origine des annales impériales qui notaient scrupuleusement au jour le jour les faits et gestes des souverains. D’ailleurs, le même caractère shi, que l’étymologiste interprète comme un encrier à réservoir tenu par la main droite, désigne le devin, le scribe, l’annaliste, l’historien.

L’ostéomancien
L’ostéomancien |

© Bibliothèque nationale de France

Les énoncés des oracles sont généralement très brefs - une dizaine de caractères environ - et la plus longue des inscriptions recensées en compte quatre-vingt-quatre. Leur forme est conventionnelle : la date, le nom du devin, celui du bénéficiaire, l’objet de la divination, puis la réponse. Les trois quarts du vocabulaire sont des noms de personnes ou des noms de lieux.

Pour un corpus d’un peu plus de 40 000 documents (datables du 14e au 11e siècle avant notre ère), le lexique se limite à 4 672 graphies, dont près des deux tiers n’ont pas été identifiés. À ce stade, les graphies ne sont pas encore stabilisées et de nombreuses variantes pictographiques apparaissent d’une inscription à l’autre, mais il s’agit déjà d’un système d’écriture cohérent, ce qui conduit certains à penser que cette écriture a été conçue par des devins en un laps de temps assez court : celui d’une ou deux générations. D’autres préfèrent voir le résultat d’une lente évolution.

Les inscriptions sur bronze jinwen

Vers le milieu du 3e millénaire, le bronze apparaît en Chine, et dès le début de l’époque Shang des marques pictographiques se rencontrent sur les vases rituels, puis des inscriptions de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues à partir de la dynastie des Zhou (1121-221 avant notre ère). Très prisés à partir de la dynastie Song (960-1127), ces bronzes antiques ont fait l’objet de collections. Les inscriptions qu’ils portaient, simple dédicace à l’ancêtre ou relation explicite des circonstances de la fonte de l’objet rituel précisant la date et le nom du commanditaire, furent alors reproduites et déchiffrées. Les frottis des inscriptions et la transcription des graphies anciennes en caractères modernes accompagnaient la reproduction des œuvres. Jusqu’à la découverte récente des inscriptions oraculaires, ces graphies sur bronze ont été la source historique privilégiée des étymologistes chinois. Le corpus des caractères n’est guère plus important que celui des inscriptions oraculaires, cependant les variantes graphiques pour un même caractère sont très nombreuses.

Po-ting Ho
Po-ting Ho |

© photo Musée Guimet, Droits réservés

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

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