La page de titre est désormais complète, avec la marque et la devise de l’imprimeur lyonnais Sébastien Gryphe précédant l’adresse et la date d’impression. L’encadrement gravé sur bois, figurant des portraits gravés d’Aristote, Platon, Salomon rex, Socrates, Pythagoras... d’après Holbein le Jeune a été utilisé dans d’autres impressions. De tels réemplois étaient courants, et l’on pouvait ainsi juger bon d’évoquer les auteurs antiques dans des contextes très différents.
Dans l'architecture du livre, la page de titre est singulière. Apparue avec les débuts de l'imprimerie, elle se structure au rythme de l'art typographique. Cette évolution résume à elle seule les étapes de l'histoire de la page imprimée.
Au tout début de l'imprimerie, le premier feuillet (son recto, du moins) était laissé en blanc : cette page blanche va peu à peu se remplir, se densifier, puis s'aérer et s'organiser. C'est d'abord un titre en une ou deux lignes en haut de la page ; puis une illustration vient s'installer en dessous : il s'agit, la plupart du temps, de la marque du libraire, image gravée sur bois correspondant à son enseigne, qui, dans les manuscrits, était placée en fin de volume, avec le colophon. Le libellé du titre s'agrandit, jusqu'à atteindre une dizaine de lignes constituant une sorte de présentation du livre. Il débute alors par une initiale ornée.
Parfois, l'adresse du libraire, elle aussi initialement reléguée à la fin, est englobée dans une phrase de ce long intitulé ; elle finira par s'installer définitivement au bas de la page.
Ces trois éléments d'identification sont pris dans un cadre plus ou moins décoré, gravé sur bois.
Commentariorum linguae latinae
Page de titre avec encadrement gravé
La page de titre est désormais complète, avec la marque et la devise de l’imprimeur lyonnais Sébastien Gryphe précédant l’adresse et la date d’impression. L’encadrement gravé sur bois, figurant des portraits gravés d’Aristote, Platon, Salomon rex, Socrates, Pythagoras... d’après Holbein le Jeune a été utilisé dans d’autres impressions. De tels réemplois étaient courants, et l’on pouvait ainsi juger bon d’évoquer les auteurs antiques dans des contextes très différents.
Au milieu du 16e siècle, le nom de l'auteur est plus souvent présent, et son portrait apparaît fréquemment au verso ; les types de caractères, leur taille, la longueur des lignes varient. Cependant, cette diversité est appliquée de manière encore aléatoire, indifférente à la valeur des informations délivrées, plutôt mise au service d'une esthétique géométrique : disposition du texte en triangle avec des caractères de taille décroissante et des mots curieusement coupés. L'illustration gagne l'encadrement et s'y déploie, enserrant de plus en plus le texte. La page de titre prend l'allure d'une façade architecturale, véritable porte d'entrée du livre.
17e siècle : frontispice
Cette tendance s'amplifie au 17e siècle avec l'utilisation de la gravure sur cuivre qui permet un tracé plus précis et des jeux d'ombre et de lumière. La composition typographique est alors abandonnée : la page de titre entièrement gravée se fait frontispice, sur lequel s'exprime à plaisir tout l'art baroque, avec ses portiques monumentaux, ses reliefs en trompe l'œil et ses figurations de personnages et d'objets allégoriques.
18e siècle : double-page
Page de titre du Cabinet des fées
Le Cabinet des fées ou collection choisie des contes des fées et autres contes merveilleux, ornés de figures Charles-Joseph de Mayer, éditeur
Entre 1785 et 1789, paraissent les quarante et un volumes du Cabinet des fées visant à réunir la production des contes à la mode au siècle passé et déjà difficiles à trouver. Ce monument littéraire est le fruit du travail de compilation de l’éditeur Charles-Joseph de Mayer (1751-1825). Chaque volume est orné de trois figures dessinées par Clément-Pierre Marillier (1740-1808).
Bientôt, la page de titre devient double, image et texte se séparent. Un titre-frontispice gravé fait face à une page typographique dont les éléments s'organisent plus rationnellement : titre plus sobre, disparition des coupes de mots, composition des caractères en fonction de la hiérarchie des informations et de la syntaxe. Au 18e siècle, la page de titre subit l'influence de la mode des vignettes.
19e siècle : simplification et allègement
À partir du 19e siècle, les recherches d'une nouvelle typographie bénéficient à la page de titre, qui se simplifie et vise à l'essentiel. C'est désormais sur elle, puis sur la couverture, jusque-là muette, et qui va prendre en charge les fonctions de la page de titre, que se concentrent les efforts visuels des éditeurs. On y imprime directement le titre et les illustrations en noir et blanc ou en couleurs. Les indications portées s'allègent de plus en plus, l'éditeur ne fait plus de phrases.
20e siècle : épure
Le véritable changement concerne au 20e siècle l'adresse de l'éditeur, allégée jusqu'à l'épure : ni lieu, ni date, ni adresse développée sur la page de titre désormais.
L'adresse, qui avait d'abord égaré son enseigne (« Au soleil d'or... »), a ensuite perdu sa structure grammaticale (« À Paris, chez... ») puis l'adresse exacte, puis la date, puis le nom de la ville. L'adresse complète et la date sont désormais reléguées en fin d'ouvrage avec l'achevé d'imprimer, sorte de retour au colophon des manuscrits.
Aujourd'hui, seuls demeurent le nom de l'auteur, le titre de l'ouvrage, son genre, le nom de l'éditeur. En exacte balance, les noms de l'auteur et de l'éditeur encadrent une œuvre créée en commun, la notoriété de l'éditeur, celle de l'auteur ou, mieux, les deux ensemble, venant garantir auprès de l'acheteur un plaisir de lecture ciblé.