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Le Collège des lecteurs royaux

Les « grecs du roi »
Les « grecs du roi »

© Groupe Imprimerie nationale, cl. Daniel Pype

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Dans les années 1530, l’entourage de François Ier carresse l’ambition de rassembler, pour la plus grande gloire du royaume de France, toute la mémoire livresque du monde. Un rêve de bibliothèque universel qui ne se conçoit qu’en complément d’un Collège de lecteurs royaux destiné à revivifer par l’enseignement tout le savoir gréco-romain.

Du Collège des lecteurs royaux à la bibliothèque de Fontainebleau

Imaginé dès le début du règne par Budé comme le « temple des Muses » où tout le savoir gréco-romain serait réuni et revivifié par l’enseignement, le Collège des lecteurs royaux n’est institué qu’en 1529 et se résume à quelques professeurs, appointés certes sur crédits royaux mais sans domicile fixe ni instruments de travail. Tout change en 1537 avec la nomination comme « lecteur du roi » de Pierre du Chastel, qui a en outre dans ses attributions la tutelle des « lecteurs royaux ». Sans relâche, il défend auprès de François Ier le projet d’une réelle fondation du Collège et parvient surtout à le convaincre de la nécessité de créer une nouvelle bibliothèque composée essentiellement de sources grecques (d’autant plus qu’en 1540, à la mort de Budé, il devient aussi « maître de la librairie » du roi). Jusque-là, une quarantaine de manuscrits grecs seulement, provenant des prises de guerre italiennes de Charles VIII et de Louis XII, étaient conservés à Blois. Des efforts considérables sont déployés pour augmenter cette collection : grâce à des achats et à des copies, en France et surtout en Italie, ce sont 270 livres grecs qui sont comptabilisés en 1544, ce qui en fait de loin la plus belle collection de ce type au nord des Alpes. L’héritage biblique n’est pas oublié non plus : Jean de Gaigny, aumônier du roi, se voit confier par celui-ci la mission de visiter les abbayes du royaume afin de repérer des manuscrits intéressants à rapporter à Paris.

L’art de la proportion
L’art de la proportion |

© Bibliothèque nationale de France

François Ier en déité composite
François Ier en déité composite |

Bibliothèque nationale de France

L’inconstance de François Ier retardant la construction des bâtiments du Collège prévus à l’emplacement de l’hôtel de Nesle, à Paris, le problème du rangement de tous ces livres commence à se poser. C’est alors que cette bibliothèque savante en formation rencontre un autre projet royal, celui du palais de Fontainebleau : en travaux depuis plus de vingt ans, ce château devient en 1539 la résidence favorite du roi et est conçu comme une sorte de musée où les livres trouvent finalement leur place. Le déménagement en juin 1544 de la librairie royale de Blois à Fontainebleau est un événement déterminant. Elle est précédée ou rejointe par l’ensemble réuni par Chastel pour le Collège et, sans doute, par une bonne partie des collections personnelles du roi (dont la bibliothèque italienne). Cette réunion concorde avec la décision du roi de faire de Fontainebleau une vitrine de son mécénat artistique.

Pour Chastel, la confusion de toutes ces bibliothèques peut faire craindre l’enterrement de son projet initial. Il parvient néanmoins à dégager de cet amas la collection destinée au Collège en lui appliquant un programme de reliure lancé dans un atelier installé à Fontainebleau à partir de la fin de l’année 1544. Cette nouvelle série de volumes aux armes de François Ier se distingue par des innovations techniques (dos long sans nerfs apparents, coiffes débordantes) directement inspirées des reliures byzantines. Le maintien de solides plats de bois s’explique par l’usage scolaire que l’on continue à prévoir pour ces ouvrages. Comme pour la bibliothèque italienne quelques années auparavant, l’adoption de techniques « à la grecque » se charge d’un sens symbolique : la France, symbolisée par les armoiries de son roi, devient, grâce à ces reliures aussi somptueuses que durables, le conservatoire des lettres grecques qui, au terme d’une translatio studii les ayant d’abord fait passer par l’Italie, ont désormais trouvé refuge dans la nouvelle patrie légitime du savoir.

Le projet de construction du Collège sera définitivement abandonné à la mort de Chastel, en 1552. La collection grecque restera à Fontainebleau avec l’ensemble de la Bibliothèque royale et rejoindra Paris avec elle à la fin du 16e siècle, s’établissant alors loin de sa vocation première de rayonnement éducatif au cœur du Quartier latin. Un programme de diffusion de ces textes rares par l’imprimerie, qui avait toujours été consubstantiel du projet du Collège, a malgré tout été réalisé. Pour cela, François Ier nomme à partir de 1539 un imprimeur royal pour le grec, bientôt doté d’un matériel typographique spécifique : Robert Estienne reçoit du graveur parisien Claude Garamont des caractères destinés à composer les éditions princeps des manuscrits grecs « ex bibliotheca regia », donnant de nouveaux signes ostensibles de l’intervention du roi en faveur des lettres savantes.

Portrait de Robert Estienne, Parisien, imprimeur du roi
Portrait de Robert Estienne, Parisien, imprimeur du roi |

© Bibliothèque nationale de France

Père des lettres et roi de guerre
Père des lettres et roi de guerre |

© Bibliothèque nationale de France

Ainsi, du jeune François d’Angoulême recevant le présent d’un volume aux austères compositions en caractères « grecs du roi », la représentation de la relation du souverain au(x) livre(s) s’impose comme une déclinaison particulièrement pertinente des enjeux et des étapes de la construction de l’image d’ensemble du protecteur des lettres. D’abord inscrit dans le mouvement général d’hommage et de requête dirigé vers le roi, le livre devient à partir des années 1530 la source quasi exclusive de la mise en scène d’un prince humaniste qui peine à s’imposer par ailleurs, notamment dans les arts visuels.

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