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Une société du signe

Entrée d’Isabeau de Bavière à Paris le 22 août 1389
Entrée d’Isabeau de Bavière à Paris le 22 août 1389

Bibliothèque nationale de France

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Fortement structurée, selon une hiérarchie que l'on affirme d'origine divine et donc immuable et intangible, la société médiévale apparaît extrêmement codée. Un ensemble de signes ou de marques assigne à chacun la place qui lui est réservée et précise son appartenance ou son exclusion du groupe. Au sein de ces systèmes de signes va se développer l'héraldique.

Les codes vestimentaires

Dans la société médiévale, l'aspect vestimentaire traduit l'ordre social et ses hiérarchies.

Chaque personne doit revêtir les habits correspondant à son rang et à sa fonction sociale. Toute transgression est perçue comme une atteinte à l'ordre public. Dans un souci de stabilité sociale, des ordonnances royales normalisent même certains aspects du vêtement. Ainsi, pour les hommes, la longueur des poulaines est proportionnelle au rang et à la fortune. De même, les ceintures précieuses ou des tissus de prix, réservés aux femmes de la noblesse, ne peuvent être achetés par les bourgeoises.

Les marques d'infamie

Parmi les signes distinctifs utilisés dans la symbolique vestimentaire médiévale, les rayures tiennent une place particulière. Elles expriment la dépréciation, la méfiance, parfois le rejet, et sont souvent utilisées pour représenter les serfs, les domestiques ou les musiciens. En dehors des rayures, les marques d'infamie sont assez fréquentes et désignent, aux yeux de tous, ceux qui sont mis à l'écart de la communauté : la rouelle imposée aux juifs, l'anneau d'oreille aux esclaves…

Un lépreux agitant sa crécelle
Un lépreux agitant sa crécelle |

© Bibliothèque nationale de France

Aux distinctions sociales établies par l'Église ou la hiérarchie féodale, s'ajoutent des différenciations plus subtiles liées à certains tabous très profonds attachés aux humeurs, au sang, aux excréments. Ainsi, les bourreaux, les chirurgiens, les prostituées, les foulons, les teinturiers, les cuisiniers (sauf s'il s'agit de ceux des princes), sans oublier les juifs, les maures et les hérétiques font l’objet d’un traitement particulier qui leur impose le port d’une marque distinctive.

Le cas des lépreux est aussi particulièrement représentatif de l’attitude des hommes de l’époque à l’égard des exclus.

L'héraldique

L'évolution de l'équipement militaire est un facteur décisif dans l'apparition des armoiries. L'introduction de l'étrier et du fer pour les chevaux en Occident, dès l'époque carolingienne, permet aux cavaliers de se vêtir de tenues guerrières plus lourdes et plus couvrantes. À partir du 12e siècle, les affrontements évoluent ; les combats se déroulent désormais à cheval et la lance devient une arme indispensable. Les cavaliers disparaissent sous leurs protections. Les combattants appartenant à la haute noblesse adoptent alors des signes de reconnaissance et d'identification peints sur les boucliers et les bannières.

Cette pratique, avant tout fonctionnelle, fournit entre 1120 et 1140 un ensemble de figures qui constituent un répertoire de symboles annonçant les principes de base de l'héraldique. Celle-ci s'institutionnalise avec les tournois.

Principale activité des chevaliers, les tournois servent avant tout d'apprentissage à l'art du combat lors d'affrontements équestres à armes réelles. Bien que réprouvés par l'Église, ils gardent les faveurs de l'aristocratie et du peuple tout au long du Moyen Âge et sont un facteur important de l'expansion des armoiries au sein de la moyenne et petite noblesse entre 1180 et 1230.

Alors que le système féodal se met en place et se structure, le code figuratif proposé par l'héraldique aide à identifier les individus dans la hiérarchie sociale. La noblesse d’armes, cherchant à conserver les privilèges propres à son groupe, fonctionne, après l'an mil, sur un ensemble de règles sociales reposant sur la solidarité du groupe familial et la préservation du patrimoine qui assure la richesse et la puissance.

Dans ce contexte, les armoiries qui, à l'origine, étaient individuelles, deviennent héréditaires.

Armes de participants à un tournoi en Prusse
Armes de participants à un tournoi en Prusse |

© Bibliothèque nationale de France

Les sceaux contribuent à la diffusion de l'héraldique. Utilisés dès le 11e siècle par l'ensemble de l'aristocratie ecclésiastique et laïque, les sceaux complètent ou remplacent la signature autographe dans une société féodale où la majorité des individus est analphabète. Ils s'ornent progressivement d'armoiries. L'emploi des armoiries s'étend donc peu à peu à toute la société : les femmes de la haute aristocratie, les villes (communes et villes de franchise), les hommes d'Église, les citadins (bourgeois et d'artisans), les communautés religieuses et civiles (notamment les guildes, les hanses et les métiers) et enfin les paysans. Les armoiries perdent donc leur fonction première et exclusive de signe de reconnaissance militaire pour devenir une véritable marque d'individualité et de décoration qui couvre bientôt tous les objets précieux ou instruments de la vie quotidienne (bijoux, vaisselle, vitraux, fresques, motifs architecturaux, plaques de cheminées, vêtements, armes...).

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