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Parcours pédagogique

Quand les faits divers font diversion

Par Daniel Salles, Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI)
« L’accident de la gare Montparnasse »
De l’anodin mais étonnant à l’extraordinaire et souvent tragique, le fait divers tient une place importante dans l’histoire des médias. Les travaux sur le fait divers sont extrêmement variés et son appropriation par la littérature et l’histoire offre une bonne introduction à la notion de genre dans le cadre du cours de français et à celle d’ordre social en histoire. Les objectifs de ce parcours pédagogique : analyser les composantes du fait divers ; comprendre le rôle du fait divers dans la presse du passé et d’aujourd’hui ; montrer le paradoxe du fait divers, éphémère dans l’actualité, et durable dans les préoccupations humaines ; étudier un genre narratif spécifique.

Questions

Les élèves ont-ils déjà lu des faits divers ? Lesquels ont-ils retenus ?

Dresser une liste d’événements qu’ils considèrent comme des faits divers.

Comparer avec la définition proposée par le Grand Larousse du 19e siècle en 1872 « Sous cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandales, accidents de voitures, crimes épouvantables, suicides d’amour, couvreur tombant d’un cinquième étage, vols à main armée, pluies de sauterelles ou de crapauds, naufrages, incendies, inondations, aventures cocasses, enlèvements mystérieux, exécutions à mort, cas d’hydrophobie, d’anthropophagie, de somnambulisme et de léthargie. Les sauvetages y entrent pour une large part, et les phénomènes de la nature y font merveille, tels que : veaux à deux têtes, crapauds âgés de quatre mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois yeux, nains extraordinaires. Quelques recettes pour faire le beurre, guérir la rage, détruire les pucerons, conserver les confitures et enlever les taches de graisse sur toutes sortes d’étoffes s’y mêlent volontiers ; elles accompagnent à sa dernière demeure le centenaire qui, bien que n’ayant jamais bu de vin ni mangé de viande, a vécu un siècle et demi, laissant après soi, deux cent soixante-treize enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. »

Rechercher des nouvelles et des romans inspirés d’un fait divers.

Les ressources pour réaliser l'activité

Les élèves cherchent des indices pour répondre aux questions : qui ? quoi ? où ? quand ? pourquoi ? comment ? et résument le fait divers. Ont-ils besoin de connaissances extérieures au récit pour comprendre ? Pourquoi ?

Faire définir aux élèves le type de sujet (heureux/malheureux, banal/exceptionnel, etc.) et les ingrédients (lieux, décors, actions, personnages). Sont-ils réduits à des stéréotypes ? Quelle charge d’émotion suscitent-ils ? En quoi le fait divers est-il un écart par rapport à ce qui est habituel, normal et normatif ? Quelles sont les préoccupations visées (vie, mort, amour, argent, sécurité…) ?

Réfléchir sur la fonction du fait divers dans la presse et dans la société. Par exemple : un accrochage de voiture pouvait faire les gros titres au début du 20e siècle. Aujourd’hui, quels sont les nouveaux faits divers ? Quels sont ceux qui révèlent le climat d’une société ?

Les ressources pour réaliser l'activité

Comparez les techniques de dramatisation dans les deux journaux : titres et intertitres des articles, modalités du récit.

Les différences de traitement apparaissent dans la part informative et incitative des titres des articles. Ainsi avec un titre comme « Effroyable catastrophe-1200 victimes », Le Petit Parisien indique qu'il y a eu une catastrophe et le nombre de victimes ; l'incitation à en savoir plus tient à la fois au qualificatif « effroyable » et au non-dit : on ne sait pas de quoi il s'agit et on a envie de comprendre la cause de ces 1200 décès. Tandis que dans l’Humanité, l’information est plus précise : « 1500 mineurs ensevelis ». Dans le Petit Parisien, et dans l’Humanité, les sous-titres de l’article sont présentés comme autant de chapitres d’un feuilleton : notez la présence de mots à connotation dramatique. Le reportage à la première personne dans le Petit Parisien accentue cette dramatisation. On peut comparer avec le « récit d’un témoin » plus littéraire (utilisation des temps du passé) dans l’Humanité. Cependant l’Humanité donne des « détails navrants » sur les blessures subies par les mineurs.

Comparer les faits divers actuels d'un même jour dans la presse quotidienne nationale et régionale. Noter le nom des rubriques concernées pour chacun des titres (société, régions, accidents, faits divers…).

S'agit-il des mêmes faits divers ?

Quelles sont les différences de traitement ?

Établir des comparaisons entre des titres de presse visant des publics différents.

Observer sur un mois les unes d'un quotidien régional. Quelle est la proportion des titres et photos de faits divers ? Mesurer l'importance de la rubrique fait divers dans un journal.

Sur le site internet d'un journal régional, comparer les unes des différentes éditions et vérifier la loi de proximité à propos des faits divers.

Les ressources pour réaliser l'activité

À partir de quelques exemples proposés ici, dégager ce qui, dans la communication visuelle (les gravures, les photographies, les dessins, la typographie…) et dans le domaine de l’écrit (titres, sous-titres, accroches, articles, légendes…), dramatise le fait divers évoqué. Montrer que leur organisation dramaturgique invite aussi le lecteur à projeter son imaginaire, à se créer des images mentales.
Mettre en avant quelques critères propres à la structure narrative des faits divers :

  • la dynamique conflictuelle ;
  • les stéréotypes ;
  • des personnages dramatiques avec lesquels le lecteur/spectateur entretient des relations d’identification/distanciation/dénégation ;
  • un structure ouverte avec polysémie, non-dits, questionnements… ;
  • un lieu suggéré entre réel et imaginaire, qui entretient la confusion réalité/fiction.
Les ressources pour réaliser l'activité

Comparer les documents suivants dénonçant l’attrait du public pour les faits divers et le rôle des médias.

Les ressources pour réaliser l'activité

Exercice à partir de la mythologie

Transformer des récits mythologiques en faits divers : « Querelle de ménage chez les Zeus : le fils, Héphaïstos, soutient sa mère Héra contre son père. Celui-ci le jette du haut de l’Olympe : Héphaïstos restera boiteux ». Pour illustrer ces récits, on pourra faire appel à des reproductions de tableaux (par exemple Saturne dévorant ses enfants de Rubens ou Goya…).

Exercices à partir de Félix Fénéon

Rédiger une nouvelle à partir d’une phrase de Fénéon ou d’un fait divers bref. Écrire une nouvelle de deux à cinq pages à partir du fait divers. Celui-ci peut constituer le point de départ, la trame ou le point d’aboutissement de la nouvelle. La nouvelle doit comprendre un portrait et une description. Le choix du narrateur (interne ou externe) est libre mais doit être défini.

Réfléchir ensemble puis noter au brouillon les divers éléments susceptibles d'étoffer cette histoire.

Changer ou non le cadre ?

Qui raconte ?  Quel point de vue ?

Quels temps verbaux ?

Effet de chute ou pas ?

Choisir un fait divers paru dans la presse et le récrire sous la forme d’un court poème ou sous la forme d’un texte en 140 caractères à la manière de Fénéon (et selon les contraintes de Twitter !).

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