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Mille et une manières de jouer au Moyen Âge

Piquet de Charles Piquet de Charles VII, parfois nommé  « Coursube »
Piquet de Charles Piquet de Charles VII, parfois nommé  « Coursube »

Bibliothèque nationale de France

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Quels étaient les jeux pratiqués au Moyen Âge ? A côté des nombreux jeux de dés hérités de l'Antiquité, les cartes, les jeux de tables et les échecs enrichissent le palette ludique de l'époque, entre hasard et stratégie.

Les dés

Dés à jouer
 
Dés à jouer
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Saint-Denis, unité d'archéologie de la Ville de Saint-Denis,
 

Quels étaient les jeux pratiqués ? Les jeux de hasard constituent assurément la toile de fond du paysage ludique et, parmi eux, ce sont les dés qui sont le plus souvent mentionnés dans les sources. Il est significatif que dès le 14e siècle, dans les représentations iconographiques de la crucifixion du Christ, l’épisode classique du partage des vêtements soit de plus en plus évoqué par la mise en scène d’une partie de dés entre les soldats romains. Le texte biblique de référence ne parle pourtant que de « tirage au sort ».

Le succès des dès s’explique très certainement par la simplicité du matériel utilisé (os, bois de cerf, plus rarement ivoire) ainsi que par celle des règles suivies. Même si, comme l’affirme Polydore Virgile en 1499, il existe plus de six cents manières de jouer aux dés, la plupart des parties que la documentation permet de restituer avec quelque détail se jouent avec trois dés, le but étant d’obtenir le plus grand nombre de points possible en un seul jet ou, éventuellement, en une succession de jets. Des formes de parties de dés plus complexes apparaissent néanmoins çà et là dans la littérature. Rutebeuf a laissé un Dit de la griesche d’yver et un Dit de la griesche d’été où l’on triche souvent et où l’on perd gros. On connaît également un « hasard » ou « hazart », jeu de dé aux règles complexes mentionné dans Le Jeu de saint Nicolas du trouvère Jean Bodel. D’autres jeux, comme le dringuet ou le « franc du carreau », tiennent à la fois du jeu de hasard et du jeu d’adresse puisqu’ils consistent à jeter les dés sur un damier.

Dé à jouer à 14 faces
Dé à jouer à 14 faces |

© Musée national du Moyen Âge
© RMN / Jean -Gilles Berizzi

Boule à jouer avec chiffres en noir de 1 à 13
Boule à jouer avec chiffres en noir de 1 à 13 |

Photo Les Arts Décoratifs, Paris / Jean Tholance, Tous droits réservés
Musée des Arts décoratifs

Tout l’intérêt de ces jeux réside évidemment dans les enjeux, qu’il s’agisse de savoir simplement qui va payer l’aubergiste ou de risquer des sommes plus importantes comme c’est le cas dans les milieux aristocratiques, où peuvent être repérés de véritables « flambeurs », capables de perdre en une soirée des sommes fantastiques.

Les cartes à jouer

Beaucoup plus récent, le jeu de cartes s’offre comme une nouveauté médiévale, même si son origine précise ne peut être située ni dans le temps ni dans l’espace. Son apparition en Europe occidentale ne remonte pas en tout cas au-delà du second tiers du 14e siècle. Constituées de trois papiers différents collés ensemble, les cartes relèvent d’un art plus que d’une industrie. Les jeux de cartes ont toutefois bénéficié au 15e siècle des nouvelles techniques de l’imprimerie, qui ont abaissé leur coût. La différenciation graphique entre les cartes à figures et les cartes numérales se retrouve partout, les jeux combinant souvent les deux séries. Quant aux enseignes, elles montrent encore des systèmes diversifiés même si une relative prédominance du système français (pique, cœur, carreau, trèfle) semble se manifester par rapport à d’autres systèmes (bâton, coupe, denier, épée).

Les règles qui président à ces jeux de cartes sont très mal connues, mais semblent largement relever du jeu de hasard puisque, une fois les cartes distribuées, il s’agit pour le joueur de parvenir à constituer telle ou telle séquence, tel ou tel regroupement. Néanmoins, dès le 15e siècle apparaissent de nouveaux types de jeux, qui reposent sur le principe des levées, intégrant de ce fait des considérations tactiques. La notion d’atout, apparue dans la première moitié du 15e siècle, offre une transformation profonde du jeu. Vers 1500, les cartes sont en train de devenir un très sérieux rival pour les jeux de dés, même si elles ne pénètrent pas complètement toutes les catégories de la population. Sans doute doivent-elles leur succès à une heureuse combinaison entre le hasard et la réflexion.

Les jeux de tables

Le Gieu des eskès, les partures de taules et le gieu des merelles
Le Gieu des eskès, les partures de taules et le gieu des merelles |

Bibliothèque nationale de France

Ancêtres des jeux de jacquet, de backgammon et de trictrac, il est un jeu ou plutôt une famille de jeux qui a connu au Moyen Âge son âge d’or. Les tables, marelles ou mérelles, présentes dans les sources littéraires et les inventaires après décès comme dans les fouilles archéologiques, combinent hasard et stratégie : après avoir disposé sur le tablier les pions (ou méreaux, d’où le terme de mérelle), le jeu consiste à les déplacer suivant les indications des dés afin de leur faire effectuer un parcours figuré par des traits puis, à partir du 5e siècle, par des flèches.

Le jeu d’échecs

Jeu des rois et roi des jeux selon la formule consacrée, le jeu d’échecs continue à occuper le premier plan du paysage ludique, non pas d’un point de vue quantitatif mais qualitatif. Né au 5e siècle en Asie centrale, ce jeu a transité par l’Inde, puis a progressé vers l’Ouest suivant les fortunes de la guerre sainte et du commerce avec l’Islam. C’est au 6e siècle qu’il apparaît en Occident, y pénétrant par les péninsules ibérique et italienne à la fois, ainsi que par les routes commerciales des fleuves russes, d’abord, et de l’Europe du Nord ensuite. Au cours de ses pérégrinations, le jeu s’est transformé : si le roi et le cavalier, comme les fantassins, ont accompli sans encombre le voyage d’Orient en Occident, l’éléphant s’est transformé en juge ou en évêque avant de devenir le fou à la fin du Moyen Âge. Enfin est apparue une pièce féminine qui remplace le vizir oriental et qui est encore dépourvue de tout pouvoir dans la conduite de la partie.

Partie d'échecs
Partie d'échecs |

Bibliothèque nationale de France



Partie d'échecs devant un château, par le Maître de Liedekerke
Partie d'échecs devant un château, par le Maître de Liedekerke
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Bibliothèque nationale de France

Le jeu a la faveur de l'aristocratie au point que sa maîtrise est partie intégrante de toute bonne éducation noble. En même temps, il est de plus en plus répandu dans les milieux de la bourgeoisie, comme en témoigne sa mention très fréquente dans les inventaires après décès. Les inventaires nobiliaires, quant à eux, ont consigné le souvenir de multiples échiquiers luxueux, faits de bois rares, combinant parfois le jaspe, l'ivoire ou le cristal et sertis d'une grande variété de pierres précieuses. L'archéologie, enfin, a livré un nombre important de pièces, depuis de grossières ébauches en bois jusqu'à des ouvres finement ciselées dans l'ivoire d'éléphant ou de morse.

Ce que l'on peut connaître de la manière de jouer montre des parties qui tiennent davantage du jeu de massacre que d'une tactique subtile. Il faut dire que le déplacement des pièces sur les soixante-quatre cases est fortement limité. À la fin du 15e siècle, les règles du jeu d'échecs connaissent un bouleversement considérable ; de nouvelles façons de jouer, venues d'Espagne et d'Italie, s'imposent progressivement à toute l'Europe : fou et reine acquièrent en effet le droit de se déplacer de plusieurs cases sur l'échiquier, étant désormais capables de « prendre » à l'autre bout du champ de bataille.

Le manuel de Charles d'Orléans
Le manuel de Charles d'Orléans |

Bibliothèque nationale de France

Faut-il mettre la valorisation de la reine en relation avec l'apparition d'Isabelle la Catholique en Espagne ? Il se peut toutefois très bien que ces transformations soient dues à des données internes au jeu qui, dans ses règles anciennes, avait sans doute atteint ses limites : parties longues et ennuyeuses, sans véritable souci des gains intermédiaires et se réduisant le plus souvent à un fastidieux combat rapproché. Une fois les combinaisons tactiques démultipliées, le jeu gagne assurément en intérêt, en dynamisme comme en intensité.

Provenance

Cet article provient du site Jeux de princes, jeux de vilains (2009).­­

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