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Savoirs antiques et spiritualité chrétienne

Les symbolisme des mappemondes médiévales
Béatrice explique à Dante la hiérarchie de l’Univers
Béatrice explique à Dante la hiérarchie de l’Univers

Bibliothèque nationale de France

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Si, au Moyen Âge, il ne fait aucun doute pour les milieux savants et cultivés que la Terre est une sphère, sa représentation est fortement marquée par la spiritualité chrétienne.

Les mappemondes médiévales héritent en Occident des représentations antiques partiellement conservées, et reflètent la manière dont la chrétienté conçoit l’évolution historique et la localisation de l’humanité.

L’héritage antique

Mappemonde en TO
Mappemonde en TO |

Bibliothèque nationale de France

Les mappemondes médiévales sont souvent d’un schématisme facile à enseigner et à mémoriser, conforme à la division tripartite antique – Asie, Libye (Afrique) et Europe – ou au partage réalisé après le Déluge entre les fils de Noé : l’Asie des hommes libres ou des prêtres pour Sem, l’Afrique des esclaves ou des travailleurs pour Cham, l’Europe des guerriers pour Japhet. Cette référence biblique permet d’embrasser l’humanité entière dans ses divisions ethniques et sociales.
Le schéma géométrique, dit « en T » ou en « TO » se trouve dans des manuscrits dès le 8e siècle : l’Orbis Terrarum ou cercle des terres habitées, rassemble les trois continents inscrits dans le O de l’anneau océanique, séparés par le T formé avec la Méditerranée pour montant et l’axe Nil-Tanaïs (Don) comme barre.

Mappemondes de Macrobe
Mappemondes de Macrobe |

Bibliothèque nationale de France

Cette carte, « œcuménique » parce qu’elle représente l’œkoumène, n’implique pas forcément que la Terre soit pensée comme un disque plat plutôt que comme une sphère. Certaines mappemondes représentent seulement la division en zones thermiques, suggérant ainsi l’idée de globe terrestre. Le monde est fini, clos par le cercle océanique infranchissable. Ce dernier peut figurer la sphère de l’eau, précédant celles de l’air et du feu et les ciels concentriques de la tradition gréco-latine.

L’orientation chrétienne

Jérusalem
Jérusalem |

Bibliothèque nationale de France

La vision cosmique de la Terre au milieu des éléments, s’inscrit dans une perspective spirituelle et théologique fondamentale. Le centre de l’univers ne peut être que la Terre où Adam et Eve ont vécu, où le Christ s’est incarné et a subi la Passion. La carte est dessinée avec l’orient et le Paradis terrestre en haut; elle est complétée parfois par la figure du Christ dont la tête apparaît à l’est, les pieds à l’ouest, et les mains au nord et au sud, pour mieux montrer qu’elle est représentation spirituelle de la chrétienté, donc de Jésus incarné parmi les hommes. Cette orientation lui donne sa signification profonde, renforcée par l’indication de son centre géométrique et spirituel, Jérusalem qui acquiert une valeur particulière dans le contexte de la Croisade, à partir du 12e siècle. L’emplacement du Saint-Sépulcre avec le tombeau du Christ ressuscité en fait « l’ombilic de la Terre habitable » ; c’est de là, « in medio Terrae », à égale distance du paradis terrestre à l’est et de ses antipodes à l’ouest, qu’a été diffusé le message divin.

Anges faisant tourner le moteur du monde
Anges faisant tourner le moteur du monde |

Bibliothèque nationale de France

Dévoilement de la puissance divine, la mappemonde en T.O. est à la fois un schéma géographique et un objet de méditation spirituelle devant le O, perfection de la création, et le T, symbole du bois de la crucifixion. C’est aussi un récit de l’histoire du salut, inscrit dans la linéarité de l’espace et du temps, depuis l’orient, lieu de la naissance édénique de l’humanité, jusqu’à l’occident de la mort et de la fin des temps, en passant par l’événement central de l’incarnation et de la rédemption.

Il aurait pu certes, l’auteur tout puissant du salut, pour accomplir son œuvre, choisir les territoires les plus reculés des Gaules, les fournaises du midi, les confins glacés du nord ou quelque autre lieu du vaste espace terrestre ; mais parce que le bénéfice du salut devait revenir à tous également, qu’il avait décidé de sauver non pas une partie du monde mais le monde entier, il préféra accomplir la rédemption non pas dans un coin de la terre, mais au milieu ; non pas dans une partie du monde, mais au milieu du monde, dans un lieu à égale distance des autres.

Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, Sermo in laudem sepulcri domini, 12e s.

La Terre de toutes les couleurs : représentations médiévale

Mise en mouvement des sphères célestes
Mise en mouvement des sphères célestes |

Bibliothèque nationale de France

De même qu’il existe au Moyen Âge plusieurs termes pour désigner la terre, il y a une multiplicité de couleurs pour la représenter, la polychromie faisant en quelque sorte écho à la polysémie. Les dénominations varient selon que l’on entend signifier la terre élémentaire, l’un des quatre éléments constitutifs du cosmos, ou le globe terrestre, pivot des sphères de l’univers, immobile au sein d’un monde en perpétuel mouvement, ou la terre habitée, un quart du globe terrestre, partagée entre les descendants des trois fils de Noé, ou encore la terre nourricière, porteuse de récoltes et de moissons. Une complexité ressentie par les auteurs qui prennent soin parfois, en début d’ouvrage, de préciser la diversité de ces acceptions.

À la pluralité des sens répond la variété des couleurs utilisées afin de décrire la Terre, dans son entier ou dans ses parties, sans qu’il existe nécessairement une corrélation entre couleur et langage, entre les termes répétés de la description et les couleurs qui les expriment. Une difficulté accrue par l’origine des images et des textes qui les explicitent : réflexions théoriques sur la nature de la Terre, traités de philosophie naturelle, commentaires de la Genèse ; tous tendent à charger la couleur d’un sens second pour la déployer aux dimensions du symbole, dépassant largement la simple représentation.

« La terre comme li point dou compas » : expérience de la Terre percée
« La terre comme li point dou compas » : expérience de la Terre percée |

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C’est qu’en effet, au-delà du savoir contingent, l’approche de l’Image du monde dans sa forme et dans sa couleur est l’instrument qui, par le dessillement des yeux du corps, permet d’atteindre par les yeux du cœur à une connaissance plus haute, celle du Créateur à travers le fonctionnement de sa création.

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