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Naissance de l’écriture et de ses supports

Tablette précunéiforme
Tablette précunéiforme

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Raphaël Chipault

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Le livre naît d’une succession de découvertes et d’innovations techniques après l’apparition de l’écriture.

La première écriture sert à noter la comptabilité, les noms propres, à cataloguer le monde et les phénomènes naturels, la hiérarchie des titres et des professions du roi à l'artisan ; il faut attendre plusieurs siècles pour qu'apparaissent les textes véritablement littéraires, la transmission orale étant alors considérée comme la vraie tradition

Béatrice André-Salvini

Naissance de l’écriture

Des foyers d’écriture s’allument peu à peu à la surface de la terre. Elle n’est que l’un des éléments d’une série d’innovations au sein de sociétés qui se développent : invention de la roue, travail du métal, sédentarisation, domestication des animaux, agriculture, naissance des villes, centralisation du pouvoir, architecture, sculpture.
En Mésopotamie et en Égypte, l’écriture naît presque simultanément vers 3300/3200 avant J.-C. fondant la civilisation historique.

En Extrême-Orient, vers 1400 av. J.-C., naît l’écriture chinoise. Les plus anciennes traces, sur des os ou sur des plastrons de tortue, concernent des oracles et témoignent de la relation fondamentale entre la divination et la naissance de l’écriture ; d’abord système pictographique, l’écriture évolue peu à peu vers les idéogrammes.
L’écriture est un système organisé et codifié qui emploie des signes à usage répété dans un contexte social et symbolique. Au Proche-Orient, elle est inventée d’abord pour compter et désigner ce que l’on compte, pour un usage commercial et pour la distribution de rations.

Bulle-enveloppe scellée et calculi
Bulle-enveloppe scellée et calculi |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Dans les signes d’écriture, il y a miniaturisation et calibrage des éléments du monde (figures humaines, objets, plantes, animaux, astres) que l’on reconnaît dans les pictogrammes mésopotamiens, les hiéroglyphes égyptiens, les pictogrammes chinois, ainsi qu’un alignement, imitant les sillons des champs. L’écriture opère par ailleurs ce que la parole ne peut pas faire : elle met en tableau et permet ainsi d’avoir sous les yeux simultanément quantité d’informations qui échappent au déroulé de la parole.

Livre des morts au nom de la dame Ânkhesenaset
Livre des morts au nom de la dame Ânkhesenaset |

Bibliothèque nationale de France

Diversité des supports de l’écrit

Qui dit « écriture » dit « supports » : matières et formes.
Utiliser d’abord comme support d’écriture ce dont on dispose facilement dans son environnement proche est un invariant dans toutes les civilisations. C’est dans la pierre que les civilisations anciennes ont gravé, pour l’éternité, leurs codes administratifs, tandis que des planchettes de bois ou des tablettes, brutes ou enduites de stuc ou de cire, ont couramment été employées du 3e millénaire avant J.-C. jusqu’au 20e siècle pour l’apprentissage et les écrits utilitaires. Les matières précieuses, elles, qu’il s’agisse de l’or, de la soie ou de l’ivoire, ont toujours été réservées aux dieux et aux princes.

Stèle votive
Stèle votive |

Bibliothèque nationale de France

Cahier de Théodoros
Cahier de Théodoros |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Les premiers supports de l’écrit sont l’argile, la pierre, l’os, le papyrus, le bois, le cuir, le métal, le tissu.
Au IIe millénaire, on emploie couramment des cailloux trouvés sur place pour noter quelque fait qui vient de se produire, ou bien une liste d’objets à commander, un reçu, une lettre… Dans le Sud-Ouest asiatique, où le bambou pousse en abondance, il est facile, dans l’urgence, de couper une partie de tige pour y écrire une missive.

Bambou gravé
Bambou gravé |

© Bibliothèque nationale de France

Moins coûteux que le papyrus, les débris de vases voir de simples éclats de pierre pouvaient être utilisés en Égypte comme supports d’écriture improvisés. Ces innombrables ostraca (du grec ostrakon, qui signifie « coquille » ), étaient couramment utilisés pour noter des actes de la vie de tous les jours, lettres, documents administratifs, listes et comptes. Ils sont écrits en écriture cursive, hiératique, puis à partir du 7e siècle avant J.-C., démotique. Ils constituent aujourd’hui des témoignages privilégiés de la vie quotidienne au temps des Pharaons.

Les inscriptions dans la pierre sont quasiment universelles. Mieux que d’autres matériaux plus périssables, la pierre a gardé trace des premiers signes d’écriture, mais surtout, elle a été choisie de volonté délibérée chaque fois qu’on a voulu donner à l’écrit durée, solennité et publicité : matériau presque indestructible, la pierre pérennise le message qu’elle porte. Aussi fut-elle le support de prédilection des textes fondateurs de nombreuses civilisations, qu’ils émanent d’autorités religieuses ou politiques.

Compte rendu d’un acte officiel du règne de Ramses II
Compte rendu d’un acte officiel du règne de Ramses II |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet

Même si le métal, lui aussi, offre une garantie de durée – il est toujours utilisé pour les plaques commémoratives – c’est la pierre qui, dans son emploi pour les inscriptions funéraires, illustre finalement le mieux la quête humaine d’éternité.

Le « caillou Michaux »
Le « caillou Michaux » |

Bibliothèque nationale de France

Reliure d’orfèvrerie
Reliure d’orfèvrerie |

© Bibliothèque nationale de France

Si l’argile était en Mésopotamie le support « obligé » de l’écriture, il arrivait pourtant que pour transcrire des messages royaux on fît appel à d’autres matériaux plus durs, importés des montagnes lointaines, souvent à grands frais. Plus rares et plus beaux que l’argile usuelle, les supports (or, argent, cuivre, bronze, lapis-lazuli, cornaline, agate, dioùte noire ou albâtre) capables de défier l’éternité, étaient les supports de l’écriture destinée aux dieux et aux rois. Aux antipodes de l’écriture sur le sable qui joue avec l’éphémère, l’écriture gravée dans le marbre fixe le message pour l’éternité, dans une rigide graphie monumentale organisant la « page » comme un tableau géométrique dont les instruments sont la règle, le compas, le ciseau. Les matières précieuses subliment l’écrit, mais elles peuvent aussi l’éclipser de leur splendeur, puisque c’est l’ensemble qui constitue un objet remarquable. On en use le plus souvent pour célébrer les dieux et les princes. Si les anciens souverains ont fait graver leurs lois dans la pierre, leurs sujets leur ont rendu hommage, ou ont tenté de gagner leurs faveurs, en leur offrant des livres précieux, tel ce livre de jade chinois, écrin précieux renfermant un texte dont le sens s‘efface derrière le prestige de l’objet et le symbole de la matière. En Chine, la soie a été le support du livre avant le papier, à peu près en même temps que les lattes de bambou, qui étaient, elles, d’usage courant. Matière coûteuse, la soie devait alors être réservée à l’élite impériale ; à partir du 4e siècle, avec l’emploi généralisé du papier, elle resta le matériau des livres de luxe.

Rouleau peint du Sutra de Kannon
Rouleau peint du Sutra de Kannon |

© Bibliothèque nationale de France

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