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Voyage en Orient

Alphonse de Lamartine
Jérusalem : Jardin de Gethsémani et Mont des Oliviers
Jérusalem : Jardin de Gethsémani et Mont des Oliviers

Bibliothèque nationale de France

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Le Voyage en Orient (1835) est la première grande œuvre en prose de Lamartine. Le poète s’y révèle un admirable descripteur de la montagne libanaise, mais aussi de Constantinople, dont il donne une image apaisée, à l’opposé du « despotisme » dont parlait Chateaubriand. Tout en s’affichant encore en pèlerin chrétien visitant la Terre sainte, Lamartine s’intéresse à l’islam et souligne les points communs que cette religion peut avoir avec le christianisme, dont il a une vision non dogmatique, ouvrant en cela la voie à la réflexion de Gérard de Nerval sur un Orient de la pluralité religieuse.

Voyage d'un homme de lettres

Connu dans toute l’Europe pour ses Méditations poétiques (1820) et ses Harmonies poétiques et religieuses (1830), Lamartine embarque à Marseille en juillet 1832, avec sa famille et des amis, pour un périmple dans l'empire ottoman : Syrie, Liban, Palestine, Turquie, Europe orientale... Il connaît à Beyrouth un drame qui le marque profondément : la mort de sa fille Julia, atteinte par la tuberculose.

Carte du Voyage en Orient de Lamartine
Carte du Voyage en Orient de Lamartine |

Wikimedia Commons / Domaine public

Le jeune académicien est alors reconnu comme l’un des grands hommes de lettres de son temps. Son récit de voyage, paru en 1835 sous le titre initial d’Impressions, souvenirs, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, ou Notes d’un voyageur, fait d’ailleurs une place à la poésie, à la fois gràce à quelques poèmes en vers interrompant la prose pour marquer des moments de grande intensité émotionnelle, et sous la forme d’une prose poétique qui transforme certaines pages en de nouvelles « méditations orientales ».

Une vision politique de « l'Orient »

Ayant renoncé à une carrière diplomatique par fidélité aux Bourbons, Lamartine est aussi, depuis 1831, homme politique en campagne : son voyage en Orient, pendant lequel il apprendra son élection à la Chambre des députés, est pour lui un tremplin vers cette nouvelle vie, qui le fera brièvement accéder au poste de ministre des Affaires étrangères, en 1848.

Voyager, c'est résumer une longue vie en peu d’années ; c'est un des plus forts exercices que l’homme puisse donner à son cœur comme à sa pensée. Le philosophe, l’homme politique, le poète, doivent avoir beaucoup voyagé. Changer d’horizon moral, c’est changer de pensée

Lamartine, Voyage en Orient, 1835

Il prononce d’ailleurs, dès 1834, plusieurs discours sur la « question d’Orient », où il milite pour une présence forte de la France en Méditerranée ; le « Résumé politique » qu’il joint à son Voyage en Orient est d’ailleurs favorable à l’occupation militaire de l’Algérie par la France et propose, avec cynisme, la tenue d’une conférence internationale réunissant les puissances européennes pour se partager les provinces de l’Empire ottoman en cas d’effondrement de celui-ci. Mais le journal de voyage proprement dit propose une autre vision des rapports entre Orient et Occident.

Un désir de métissage

Ainsi, lorsqu’il rencontre lady Stanhope, la nièce du ministre anglais William Pitt établie dans le Liban, et à laquelle on prêtait des talents de prophétesse, Lamartine se fait reconnaître par elle non seulement comme un homme destiné à jouer un grand rôle à son retour en France, mais aussi comme un voyageur qui aurait « le pied de l’Arabe ».

Entre l'Arabe et nous le sort tient l'équilibre
Nos malheurs sont égaux... mais son malheur est libre. [...]
L'homme dont le désert est la vaste cité
N'a d'ombre que la sienne en son immensité.
La tyrannie en vain se fatigue à l'y suivre.
Être seul, c'est régner ; être libre, c'est vivre.

Alphonse de Lamartine, Voyage en Orient, 1835

Ce désir de métissage identitaire, qui fait écho à celui, contemporain, des saint-simoniens en Égypte, traverse le Voyage en Orient. Il y a donc une forte dimension imaginaire dans ce récit qui prétend n’être que le « regard écrit ». D’ailleurs, le « Récit de Fatalla Sayehgir chez les Arabes errants du Grand Désert », texte inséré dans le Voyage en Orient et que Lamartine fit traduire de l’arabe par son interprète, trahit le rêve d’accomplir par procuration une sorte d’épopée moderne au sein des tribus bédouines.

Sépulcres des Juges d’Israël
Sépulcres des Juges d’Israël |

Bibliothèque nationale de France

Galerie de la Mosquée d’Omar
Galerie de la Mosquée d’Omar |

Bibliothèque nationale de France

Malgré les critiques qui furent formulées au moment de sa publication, que ce soit pour reprocher au voyageur son narcissisme ou son hétérodoxie, le Voyage en Orient fut rapidement traduit dans plusieurs langues européennes et connut pas moins de dix-sept éditions du vivant de l’auteur. Il fut par ailleurs lu avec sympathie en Bulgarie et en Serbie (Lamartine revint en France par la Turquie d’Europe), où l’auteur exalta le nationalisme naissant.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017).

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