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Une forme privilégiée à la Renaissance : l’art de la médaille
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Le portrait humaniste
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Le portrait humaniste








Le portrait n’est pas une invention de la Renaissance mais c’est à la Renaissance qu’il devient l’expression tangible du rôle que les humanistes ont souhaité accorder à l’homme dans la société. Si la représentation de profil s’est imposée depuis l’Antiquité, c’est seulement à partir du 14e siècle que les portraits, jusque-là assez stéréotypés, s’individualisent. Papes, empereurs et monarques sont ainsi immortalisés par les artistes les plus importants et ces derniers commencent même à se représenter à leurs côtés.
Le premier portrait autonome en Europe
Le portrait de Jean Le Bon, roi de France de 1350 à 1364, est généralement considéré comme le premier portrait autonome de la peinture européenne : « la première reproduction des traits d’un personnage non en tant que donateur ou simple participant à une scène plus ample, mais isolément, pour lui-même » (E. Castelnuovo). Il s’agit de l’œuvre d’un peintre au fait de l’art du portrait tel qu’il s’était développé en Toscane et qui avait été exporté à Avignon, foyer particulier fécond et cosmopolite à l’époque.
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Photo © 2017 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
« Rendre présents ceux qui sont absents »
Le portrait a de multiples fonctions. Il permet, comme le souligne Leon Battista Alberti, grand humaniste, théoricien de l’art et architecte italien de la Renaissance, de « rendre présents […] ceux qui sont absents, mais aussi de montrer après plusieurs siècles les morts aux vivants », car les « visages prolongent d’une certaine manière leur vie par la peinture (De la peinture, II, 25). Dans son autoportrait, il se représente de profil et reprend l’iconographie codifiée dans les monnaies antiques présentes dans les collections de l’époque.
Bibliothèque nationale de France
Un modèle rapidement européen
Les monnaies antiques furent aussi une source d’inspiration pour les artistes du livre qui les copièrent fidèlement dans de précieux manuscrits enluminés. À Florence, puis dans les autres cours italiennes de la Renaissance, la représentation du portrait de profil directement issue de ce modèle s’imposa pour célébrer ou commémorer les personnages représentés. Grâce à la présence des banquiers toscans en Flandres et aux voyages des artistes de ces contrées en Italie, l’iconographie du portrait de profil se répandit également en Europe du Nord.
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Les médailles, portraits humanistes par excellence
Parmi les cours italiennes de la Renaissance, celle des Este à Ferrare devint un foyer particulièrement fécond pour le portrait peint ou en médaille. Le marquis Lionello d’Este, qui collectionnait des monnaies anciennes, avait une passion toute particulière pour les portraits des empereurs. Lors de son séjour à la cour des Este, de 1441 à 1444, Pisanello, célèbre peintre, médailleur et enlumineur originaire de Vérone, exécuta pour lui une série de médailles destinées à célébrer sa gloire. Guarino da Verona, dont Lionello d’Este avait été l’élève, avait en effet observé que les portraits peints ou sculptés n’étaient pas les plus aptes à transmettre l’image du prince car non seulement ils étaient difficilement transportables mais surtout ils étaient « sine litteris ». En effet, seules les médailles peuvent donner à voir, en plus de son effigie, le nom du personnage, ses armoiries et ses emblèmes. Ici, par exemple, la triple figure visible au revers de cette médaille symbolise la prudence.
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Une question de prestige
L’iconographie impériale romaine fut prisée non seulement par les princes mais également par les humanistes et les hommes politiques. Jacopo Antonio Marcello, personnage de premier plan dans la politique de la Sérénissime du milieu du 15e siècle et grand homme de lettres, demanda à Jacopo Bellini à être immortalisé selon cette iconographie dans un précieux manuscrit réalisé à l’occasion de sa nomination en tant que chevalier de l’Ordre du Croissant. Le sénateur, de profil derrière un parapet qui comporte une inscription cryptographique, est habillé en brocart rose foncé et porte sous son bras le croissant d’or fixé à sa poitrine par un ruban rouge. Le profil y est peint sur un fond bleu en dégradé, qui le détache du parchemin.
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Des influences antiques et contemporaines
Les médailles de Pisanello devinrent rapidement des modèles pour les enlumineurs. En témoigne l’effigie du Magnanime copié par Matteo Felice vers 1455, puis par Andrea Contrario en 1471 dans un manuscrit destiné à Ferdinand d’Aragon. Dans ce dernier, le retour à l’antique est tangible de par l’utilisation des caractères grecs, de la couleur violette des premières pages du livre, imitant le parchemin pourpré des anciens, et par la présence des bustes directement inspirés des camées romains. Mais l’influence d’œuvres modernes y est tout aussi manifeste : la figure équestre du roi Ferdinand dérive directement des célèbres portraits équestres de Paolo Uccello et d’Andrea del Castagno à la cathédrale de Florence, ainsi que de la statue équestre du Gattamelata de Donatello. Quant au buste d’Alphonse le Magnanime et au groupe de l’aigle défendant le cadavre de la biche sur le folio suivant, ils copient fidèlement la médaille de Pisanello frappée en 1449 à la demande du Magnanime.
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Un engouement pour le portrait équestre
Le portrait équestre fut aussi particulièrement prisé non seulement par les républiques de Florence et de Venise mais aussi par les cours de l’Italie du Nord, celle des Sforza notamment. Dès son arrivée à Milan, Léonard de Vinci avait proposé à Ludovic le More de réaliser une statue équestre monumentale à la mémoire de son père, le condottiere Francesco Sforza. Il y travailla jusqu’en 1494, année où il présenta son modèle en argile crue dans la Corte Vecchia, près de la cathédrale de Milan. Mais le métal réservé pour la réalisation du monument ayant été réquisitionné pour les besoins de la guerre par le duc de Ferrare, la fonte n’a malheureusement pas pu avoir lieu. De ce monument grandiose, qui devait dépasser ceux réalisés par Donatello et Verrocchio, il ne reste que quelques dessins ainsi qu’un souvenir dans l’effigie équestre de Muzio Attendolo Sforza, père de Francesco, enluminée dans les mêmes années.
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La mode d’exposer des « bustes-portraits »
Au même moment, se développa la mode d’exposer des « bustes-portraits » d’hommes ou de femmes dans les maisons bourgeoises et aristocratiques. Les artistes les plus prolifiques dans ce domaine furent le sculpteur toscan Mino da Fiesole et Francesco Laurana, originaire de Dalmatie, mais actif en Italie du Sud puis à la cour de René d’Anjou en Provence.
Cet engouement pour le buste-portrait se répandit dans toute l’Italie de la Renaissance car, malgré la froideur du marbre ou du bronze, il pouvait plus facilement transmettre la physionomie du personnage représenté. Parallèlement, le portrait peint de profil, d’ascendance humaniste, cédera la place au portrait de trois quarts, plus à même d’exprimer les mouvements de l’âme.
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Paris, Musée Jacquemart-André – Institut de France © Studio Sébert Photographes
D’après Gennaro Toscano, BnF, conseiller scientifique auprès de la directrice des Collections (musée, recherche, valorisation)
Bibliothèque nationale de France, 2024