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La Sicile normande

Roger II de Sicile en habit byzantin
Roger II de Sicile en habit byzantin

Photo D. R.

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Passée de mains en mains depuis l’Antiquité, l’île de Sicile connaît à partir du 11e siècle une nouvelle domination : celle des souverains normands. Un moment brillant de l’histoire de l’île, où toutes les cultures méditerranéennes se côtoient.

Des Normands en Italie

Au 8e siècle, les « Normands » – littéralement « hommes du Nord » – désignaient des pirates scandinaves dont les nombreux raids sur les côtes européennes semaient la terreur. En 878, ces Vikings envahissent l’Angleterre qui devient un royaume anglo-scandinave. Après leur attaque repoussée sur Paris en 945, ils s’installent à l’embouchure de la Seine. Quelques années plus tard, le roi Charles le Chauve leur cède la future « Normandie ».

Au début du 11e siècle, quelques aventuriers venus de Normandie arrivent en Italie. D’abord mercenaires, ils imposent leur domination dans le Sud. Robert de Hauteville s’empare du duché de Naples en 1049 tandis que son frère Roger enlève la Sicile aux Arabes entre 1061 et 1091. Fait comte de Sicile, ce dernier administre un vaste empire maritime depuis Palerme. Son fils Roger II lui succède en 1101 et devient le premier roi de Sicile. Sous son règne, l’île connaît une période de grande prospérité économique et culturelle.

La Sicile de Roger II

Roger II, comte de Sicile
Roger II, comte de Sicile |

Bibliothèque nationale de France

Située au cœur de la Méditerranée, la Sicile a été convoitée et colonisée depuis la plus lointaine Antiquité. Phéniciens, Grecs, Carthaginois, Romains, Byzantins et Arabes s’y sont succédé en y laissant de nombreux vestiges archéologiques. L’implantation des Normands au 11e siècle est extraordinairement rapide. À peine soixante années leur sont nécessaires pour se constituer un vaste empire qui s’étend du sud de l’Italie à la Tunisie, de la Dalmatie aux îles Ioniennes. Bons chefs militaires, les Normands savent tirer profit des divisions qui opposent alors les émirs de Sicile. Face à une population majoritairement musulmane mais qui compte aussi de nombreux juifs et chrétiens orthodoxes, les Normands jouent en quelque sorte le rôle d’arbitre et mettent en place un système politique original mêlant des apports divers.

Pour asseoir son pouvoir, Roger II prône la tolérance religieuse, adopte les coutumes locales et se tourne progressivement vers Byzance. Le roi s’appuie sur toutes les populations, intègre les musulmans à la cour et concentre tous les organes du pouvoir, toute l’autorité à Palerme, interdisant ainsi la constitution de fiefs locaux dans son empire. Son pouvoir est centralisé et fort, mais le roi reste tolérant et ouvert sur toutes les cultures. Dans la période mouvementée des croisades, la Sicile fait figure d’exception. Chacun y pratique librement son culte, quelles que soient ses coutumes et ses mœurs. À la cour, on parle l’arabe autant que la langue d’oïl, mais encore le latin et le grec que le roi maîtrise parfaitement.

Sur le plan politique, le royaume normand conserve de l’Occident la nature féodale du rapport entre seigneur et paysan. Sa forme institutionnelle est empruntée à l’Orient byzantin et musulman. Le roi s’appuie sur une administration et une armée en grande partie arabes. Chaque communauté religieuse pratique librement son culte et garde ses lois. En cas de différend avec le seigneur, le paysan musulman est ainsi jugé par un cadi, le juge coranique.

Le lieu d’une synthèse culturelle unique

Au royaume de Sicile, à cheval sur la Méditerranée et sur deux continents, l’arabe fournit un principe d’unité et de continuité avec le passé. Renouant avec les califes abbassides, Roger II encourage l’épanouissement d’une culture arabe riche et variée. Palerme rayonne alors dans toute la Méditerranée. Plusieurs langues y sont parlées couramment, ce qui permet la diffusion des connaissances grecques et arabes.

La Sicile, carrefour des cultures en Méditerranée au 12e siècle
La Sicile, carrefour des cultures en Méditerranée au 12e siècle |

Bibliothèque nationale de France

La vie à la cour emprunte au faste byzantin. Les poètes chantent en arabe la gloire d’un roi chrétien. L’art mélange toutes les modes et tous les genres : palais et jardins arabo-musulmans, églises d’inspiration occidentale et de décoration byzantine. La capitale de Roger II accueille d’excellents artistes et savants comme al-Idrîsî. Dirigée par le roi lui-même, sa Géographie affirme pleinement, en arabe, la gloire d’un royaume riche et pacifié, et celle d’un prince sage, serviteur du savoir.

Cette synthèse culturelle et politique unique dure un peu plus d’un siècle. Elle s’éteint définitivement avec le dernier roi normand, à la toute fin du 12e siècle. Pour s’imposer roi de Sicile en 1197, Frédéric de Hohenstaufen n’hésite pas à prendre des mesures extrêmes, comme le massacre et la déportation massive de populations musulmanes.

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « al-Idrîsî, la Méditerranée au 12e siècle » présentée à la Bibliothèque nationale de France en 2001.

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