L’Ombre et la lumière

Si la lumière atteint en excès la couche sensible, le négatif, surex­posé, sera trop noir. Le tirage ne pourra rendre les détails ni les demi-teintes. Selon la position de l'appareil par rapport à la source lumineuse, contre-jours, ombres portées ou éblouissements peuvent se produire, autant d'anomalies que le photographe, parfois, provoque.

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Vincent au bol

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Willy Ronis © RMN - Gestion droit d'auteur Willy Ronis

La lumière forme aussi des motifs qui structurent l'image. Rayons, faisceaux, halos, résilles, nimbes contribuent à la dramaturgie des compositions et créent des instants de grâce. Certains photographes adoptent même la lumière comme seul sujet, exacerbé jusqu'à l'abstraction.
Ils reviennent à l'étymologie de leur art : écriture de la lumière.

Le noir et blanc excelle à éprouver les possibilités offertes par l'ombre et la lumière. Si la couleur distrait l'œil, la monochromie le recentre.

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Fromagé sacré

Depuis 1980, Séméniako photographie de nuit. À l’aide de torches, de faisceaux, il sculpte ses sujets et en redessine les contours. Matité, noirs profonds sont caractéristiques du tirage pigmentaire au charbon Fresson.

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© Michel Séméniako

Jusqu’en 1950-1960, les artistes sont contraints au noir et blanc pour des raisons techniques puis, pour certains, économiques. En outre, si les négatifs couleur lancés en 1935 ne peuvent être tirés que par des laboratoires, les techniques monochromes permettent aux photographes de réaliser, travailler voire manipuler leurs épreuves en toute autonomie, dans l’obscurité de leur atelier.

C’est ainsi qu’à compter des années 1920, les avant-gardes créent à partir de ce procédé binaires une esthétique nouvelle renversant les codes académiques : tirages positifs inversés inspirés de l’esthétique du négatif ; empreintes blanches par insolation de l’image en cours de développement (solarisation) ou graphisme à base de traces lumineuses. Ce sont autant d’inventions qui poussent l’acte photographique à sa quintessence d’écriture de lumière.

Aujourd’hui, l’envahissement de la couleur dans la production des images n’a pas tari l’attrait des praticiens pour ces expérimentations lumineuses en noir et blanc, qui les renvoient aux sources même de leur art.

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Palmiers à Marrakech

Grand explorateur de techniques à détourner, Pierre Boucher remonte ici aux principes de la photosensibilité argentique, en donnant à son tirage l’allure d’un négatif photographique.

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© Pierre Boucher

Photographier la nuit

Impossible jusqu'à la fin du 19^e siècle, photographier la nuit demeure aujourd'hui encore complexe : le photographe peut choisir d'utiliser le flash mais également de monter la sensibilité du capteur, d'augmenter le temps de pose ou d'ouvrir le diaphragme au maximum. Il peut aussi prendre le parti d'exploiter les défauts optiques -flou, halos lumineux ... - afin de sublimer les ténèbres.

Nimbée des lueurs urbaines ou laissée à son obscurité naturelle, la nuit offre un espace de liberté où hiérarchies et frontières diurnes s'estompent.
La Ville lumière, où l'éclairage artificiel domine, est traversée par le flâneur nocturne ou le reporter en quête de désordres, tandis que, dans la nuit des espaces sauvages, les photographes guettent la poésie ancestrale du monde.
En tous les cas, la photographie nocturne répond à une tentation d'inversion des valeurs. Les formes blanches - lune, éclairs, réverbères - qui se dessinent sur un fond d'ombre, font écho à l'esthétique du négatif photographique.

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Cirque australien

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© Daniel Barraco