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Degas « Maître de l’estampe impressionniste »

Sur la scène III
Sur la scène III

Bibliothèque nationale de France

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Dès ses tout débuts, Degas s’essaie à la gravure  dont il étudie d’ailleurs les plus belles feuilles à la Bibliothèque Nationale dès 1853. Autour de 1875, il réinvente le monotype. Dans les années 1890, il pratique la lithographie. En 1895, il s’adonne à la photographie. Pendant la décennie suivante, il réalise de grands dessins au fusain sur papier calque. Degas s’est continuellement autorisé les glissements d’une technique à l’autre, cédant à son désir dévorant d’expérimentation, à sa curiosité insatiable pour les « cuisines » techniques.

L’apprentissage du noir et blanc (1856-1868)

Degas découvre l’estampe en 1856. Dans le sillage de Rembrandt et des maîtres anciens dont il copie les gravures, il s’initie à l’eau-forte auprès du prince roumain Grégoire Soutzo, artiste amateur, ami de son père, et auprès du graveur de reproduction Joseph Tourny qu’il fréquente à Paris puis à Rome.

Jeune homme assis au béret de velours
Jeune homme assis au béret de velours |

Bibliothèque nationale de France

Jeune homme assis et réfléchissant, d’après Rembrandt
Jeune homme assis et réfléchissant, d’après Rembrandt |

Bibliothèque nationale de France

Il s’approprie cette technique récemment remise à l’honneur, en explorant les possibilités offertes par la succession des états issus d’une même matrice et les variations d’encrages d’un tirage à l’autre.

Nouée à la fin des années 1860, l’amitié de Degas et d’Edouard Manet se concrétise par une série de portraits qui vient clore la première période de son activité de graveur.

L’Infante Marguerite d’après Vélasquez
L’Infante Marguerite d’après Vélasquez |

Bibliothèque nationale de France

L’Infante Marguerite d’après Diego Vélasquez (1599-1660)
L’Infante Marguerite d’après Diego Vélasquez (1599-1660) |

Bibliothèque nationale de France

Le goût du tracé spontané de l’eau-forte comme des clairs-obscurs trouve un écho dans les croquis au crayon, à la plume ou au lavis, qui émaillent ses carnets de dessin.

Les années de passion dévorante pour l’estampe (1875-1880)

Degas était le seul que je visse journellement, et encore celui-là n’est-ce plus un ami, n’est-ce plus un homme, n’est-ce plus un artiste ! C’est une plaque de zinc ou de cuivre noircie à l’encre d’imprimerie et cette plaque et cet homme sont laminés par sa presse dans l’engrenage de laquelle il a disparu tout entier.

Marcellin Desboutin à Léontine De Nittis, 1876

Après une interruption d'une dizaine d'années, Degas reprend la pointe en 1875, à l’occasion d’une séance amicale de portraits croisés avec Giuseppe De Nittis, Marcellin Desboutin et Alphonse Hirsch. Au même moment, les « eaux-fortes mobiles » de Ludovic-Napoléon Lepic, lui ouvrent la voie à la pratique du monotype, autrement dit à l’art de dessiner à l’encre sur une plaque pour en tirer une épreuve unique.

Degas au chapeau
Degas au chapeau |

Bibliothèque nationale de France

Le Peintre Alphonse Hirsch
Le Peintre Alphonse Hirsch |

INHA, Licence ouverte Etalab

Grâce à la presse dont il dispose, Degas se lance dans des recherches expérimentales qui l'amènent à combiner les procédés entre eux (eau-forte, pointe sèche, aquatinte, vernis mou). Il développe une véritable « cuisine » de graveur avec la complicité de ses amis Camille Pissarro et Mary Cassatt. Peu intéressé par le tirage en nombre d’épreuves identiques, il s’attache à singulariser chaque épreuve imprimée par ses soins.

Mary Cassatt au Louvre
Mary Cassatt au Louvre |

Bibliothèque nationale de France

Mary Cassatt au Louvre
Mary Cassatt au Louvre |

Bibliothèque nationale de France

Les expérimentations techniques

Les recherches expérimentales de Degas en matière de gravure concernent à la fois le traitement de la matrice (plaque de cuivre ou de zinc) et les jeux d’encrage obtenus au moment du tirage.

À l’étape de la gravure de la plaque, Degas cherche à étendre la gamme des gris autrement que par le seul recours à l’eau-forte. Il y associe la pointe sèche, le vernis mou et l’aquatinte.

Tête de femme de profil
Tête de femme de profil |

THE MET, Licence ouverte Etalab

Derrière le rideau de fer
Derrière le rideau de fer |

Bibliothèque nationale de France

Avec une ingéniosité sans limites, il essaie de nouvelles recettes (lavis d’aquatinte) et de nouveaux outils (crayon électrique) qu’il combine dans les états successifs de ses plaques.

Lors de l’impression qu’il contrôle lui-même, il ajoute des effets picturaux à l’aide d’encre travaillée au pinceau et au chiffon, rendant ainsi chaque épreuve unique.
Les monotypes qu’il appelle « dessins faits à l'encre grasse et imprimés », exempts de trait gravé, sont l’aboutissement de cette pratique.

Aux Ambassadeurs
Aux Ambassadeurs |

Bilbliothèque nationale de France

Sur la scène III
Sur la scène III |

Bibliothèque nationale de France

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© Bibliothèque nationale de France

Techniques du monotype et de l’aquatinte

Le Jour et la Nuit (1879-1880)

Au moment de la fermeture de la quatrième exposition impressionniste, en mai 1879, Degas se lance dans le projet de création d’un périodique composé d’estampes originales.

Pour cette revue intitulée Le Jour et la Nuit, « organe de l’impressionnisme », il sollicite la collaboration du graveur Félix Bracquemond, précieux pour son expertise technique, de Camille Pissarro, son complice en matière d’expérimentations gravées, et de son amie américaine, Mary Cassatt, alors novice en matière d’estampe, mais aussi de Jean-Louis Forain, de Jean-François Raffaëlli et d’Henri Rouart. Le banquier et collectionneur Ernest May et le peintre Gustave Caillebotte s’engagent à en assurer le financement.

Mary Cassatt au Louvre
Mary Cassatt au Louvre |

INHA, Licence ouverte Etalab

Paysage sous bois, à l’hermitage (Pontoise)
Paysage sous bois, à l’hermitage (Pontoise) |

Bibliothèque nationale de France

Degas exécute une planche représentant Mary Cassatt au Louvre. Musée des Antiques, Pissarro un Paysage sous bois, à l'Hermitage (Pontoise) et Mary Cassatt, Au théâtre. Femme à l'éventail, mais le projet avorte et la revue ne paraîtra jamais.

Au théâtre, femme à l’éventail
Au théâtre, femme à l’éventail |

Bibliothèque nationale de France

Les dernières lithographies

En 1891, Degas entreprend une série de  lithographies, consacrée selon ses mots, aux « nus de femme à leur toilette », qui forme un ensemble spectaculaire de variations. Il explore diverses méthodes de transfert sur la pierre lithographique, qu’il retravaille ensuite, par ajout ou par abrasion. La difficulté technique et ses problèmes oculaires mettent un terme à ces essais, qui constituent son ultime contribution à l’estampe originale. L’année suivante, il écrit à sa sœur :

Il me faudrait une presse chez moi, un ouvrier retors pour préparer et même dépréparer les pierres, et pas mal d’argent devant moi pour ne pas être arraché de la suite des essais. Ça finira bien par arriver, mais il commence à se faire tard dans ma cervelle et dans mes yeux…

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l'exposition « Degas en noir et blanc » présentée à la BnF du 30 mai au 3 septembre 2023.

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