Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Une introduction aux langages maçonniques

Tenue de récipiendaire
Tenue de récipiendaire

© Bibliothèque du GODF

Le format de l'image est incompatible
Rites, grades, loges… la franc-maçonnerie utilise un vocabulaire bien à elle. Empruntés aux lexiques de l'artchitecture et de la construction, ces mots sont progressivement dévoilés à l'aspirant maçon dans les différentes phases de son initiation, et s'accompagnent d'un riche langage symbolique, incarné dans les lieux et des objets.

Grades, loges, rites

« Initier quelqu'un c'est lui apprendre à se perfectionner dans la pratique d'une activité humaine qu'il ignorait. » L’initiation maçonnique n’est pas seulement la réception rituelle qui permet à une personne d’entrer dans le cercle traditionnel et fraternel de la franc-maçonnerie. Elle est le parcours symbolique en trois grades, ou « degrés » (apprenti, compagnon, maître), destiné à transformer le nouveau reçu en initié aux principaux usages et principes de l’ordre dans lequel il s’est librement incorporé.

Cette initiation s’accomplit dans un lieu particulier (la loge) et une durée spécifique comprise entre l’ouverture et la fermeture des travaux. Ceux-ci reposent sur le rituel, ensemble codifié de paroles, de gestes et de symboles dont le but est de transmettre l’enseignement spécifique de chaque grade. Le rituel est réputé être de nature traditionnelle et immuable. Il est exercé par des officiants (ou « officiers ») ayant reçu ce devoir du maître de la loge. Celui-ci est responsable de l’accomplissement des travaux dans l’esprit du rite auquel sa loge appartient.

Le cabinet de réflex
Le cabinet de réflex |

© Musée de la Franc‑maçonnerie

Salomon et Hiram dans l’iconographie des Lumières
Salomon et Hiram dans l’iconographie des Lumières |

Bibliothèque nationale de France

Au cours de l’histoire, différents rites maçonniques se sont constitués – en France, les rites français, écossais ancien et accepté, émulation, écossais rectifié, par exemple. Le rituel et le catéchisme de chacun d’entre eux sont marqués par l’esprit originel qui présida à leur fondation et à leur mise en œuvre, mais tous reposent immuablement sur les trois grades dits « symboliques » (loges bleues) gouvernés « à couvert » par un maître à l’orient et deux surveillants, la prestation de serment sur le livre de la Loi (Évangile, Torah, Coran ou Constitutions d’Anderson), les voyages à travers les éléments, la présence du tableau de loge et de ses symboles, la légende spécifique du troisième grade (mort d’Hiram) et, dans les loges de nature traditionnelle, sur la reconnaissance du travail à la gloire du Grand Architecte de l’univers (Dieu créateur, Esprit transcendant, Être suprême…).

Le temple de Salomon dans une bible de la Renaissance
Le temple de Salomon dans une bible de la Renaissance |

© Bibliothèque nationale de France

Un monde de symboles

Inspiré par l’emblématique architecturale, le langage symbolique maçonnique utilise la figure du temple (celui de Salomon avec ses deux colonnes Jakin et Boaz, le pavé mosaïque), ainsi que la pierre et les outils pour la tailler, le tablier, le ciment qui relie les frères entre eux, l’équerre et le compas, la perpendiculaire et le niveau, qui sont par essence les instruments de mesure indispensables à la rectitude de la démarche et à l’élévation de l’esprit. S’y ajoutent des symboles liés à la lumière : trois piliers ou chandeliers, représentant la sagesse, la force et la beauté, les trois « lumières » disposées sur l’autel de l’orient (livre de la Loi, équerre, compas), la lumière circulant à partir de l’orient jusqu’aux deux assesseurs du vénérable, le Soleil et la Lune (on ouvre symboliquement la loge à midi, on la ferme à minuit), l’ensemble rappelant que l’initiation enjoint sans cesse au frère de passer de l’ombre à la lumière, de se séparer de la futilité et de l’ignorance en œuvrant au profit de la connaissance et de l’harmonie.

Au-delà des trois grades symboliques se sont créés des grades adventices destinés à approfondir l’enseignement propre à chaque rite. Le plus anciennement connu semble être celui du Royal Arch (Dublin, 1740) tel qu’il a été conservé par le rite d’York et en complément de la maîtrise du rite émulation.

Les tables de la Loi et le mobilier du Temple
Les tables de la Loi et le mobilier du Temple |

Bibliothèque nationale de France

Le 18e siècle vit d'ailleurs une floraison de ces « hauts grades » en France et de side degrees en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Les trois grades du rite français, nés de la traduction du rite anglais dit modern, s'ornèrent de cinq autres degrés (ou « ordres ») successifs, dont le célèbre « souverain prince rose-croix » (1760, Strasbourg). Ces degrés furent incorporés dans la hiérarchie du rite écossais ancien et accepté inspiré par l'assemblage rituel de Charleston (États-Unis, 1801, France, 1804). Ces grades ont des origines diverses (Bible, illuminisme allemand, chevalerie templière, alchimie, rosicrucianisme…) et sont répartis en loges de perfection, en chapitres, en aréopages et en consistoires.

La réthorique s’illustre
La réthorique s’illustre |

Bibliothèque nationale de France

La diversification des rituels français

Pendant ce temps, en 1778, se réunit à Lyon le convent des Gaules et, en 1782, le convent de Wilhelmsbad, qui devaient donner naissance au régime écossais rectifié d’essence chrétienne, ajoutant aux trois premiers grades la loge de Saint-André (maître écossais) deux « ordres intérieurs » (écuyer novice et chevalier bienveillant de la Cité sainte), suivis d’une classe secrète (profès et grand profès). Les rituels en français furent rédigés par Jean-Baptiste Willermoz, sous l’influence de l’ordre des élus Cohen, Martines de Pasqually et Louis-Claude de Saint-Martin. Ce mélange d’ésotérisme et d’hermétisme devait se retrouver différemment dans le rite de Memphis-Misraïm, qui, au-delà des trois grades du rite français, s’inspira des pratiques occultes de l’Égypte pharaonique dans un système qui cumula jusqu’à quatre-vingt-dix grades, ramenés à trente-trois au Grand Orient de France. Le mythe d’Osiris et la légende du « scribe devenant calame » font partie de cette initiation.

Les hiérarchies secrètes de l’univers Martinès de Pasqually
Les hiérarchies secrètes de l’univers Martinès de Pasqually |

© Bibliothèque nationale de France

Tablier de maîtresse maçonne du rite d’adoption
Tablier de maîtresse maçonne du rite d’adoption |

© Musée de la Franc‑maçonnerie

Or, face à la multiplicité de ces hauts grades, un besoin de retour à la maçonnerie opérative d’avant 1717 se fit sentir. Révélation historique ou forgerie, parut en 1908 ce que l’on nomma la « maçonnerie de Stretton », du nom de son « inventeur », Charles Edwin Stretton (1850-1915), dont les rituels furent rédigés sous sa responsabilité par son ami John Yarker (1833-1913). L’origine de ce système appartiendrait au secret de l’ancienne Corporation des maçons liée aux Anciens Devoirs (« Old Charges »). S’y trouve la description de l’organisation interne de ces guildes médiévales et renaissantes, en particulier celle des francs-maçons répartis en deux classes (maçons de l’équerre puis maçons de l’arc), chacune étant divisée en sept degrés. À noter aussi l’existence actuelle d’une franc-maçonnerie opérative régulière d’origine britannique (the Worshipful Society of free masons, roug masons wallers, slaters, paviors, plaisterers and bricklayers) indépendante de la Grande Loge unie d’Angleterre, mais que seul un maître de la Marque instruit du Royal Arch peut aborder.

Provenance

Cet article provient du site Franc-maçonnerie (2016).

Lien permanent

ark:/12148/mm28nxmvx67c