Des sociétés soumises au risque

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki Moon lors de la COP 21 à Paris
Les Conférences des Parties (COP) rassemblent régulièrement les États membres de l'ONU afin d'aborder des questions permettant de mettre en œuvre les conventions internationales. Ces conventions sont essentielles dans les processus de réduction du réchauffement climatique, de régulation des armes de destruction massive ou de limitation de la baisse de la biodiversité, car ces questions ne peuvent être abordées efficacement qu'à l'échelle mondiale.
En 2015, à Paris, la COP 21 aboutit à un traité ayant pour objectif de limiter le réchauffement climatique nettement en-dessous de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle et de faciliter l'adaptation des sociétés aux nouveaux enjeux environnementaux. Engageant de manière contraignante les 196 États signataires, l'Accord de Paris implique de mettre en place des plans d'action climatique et envisage une plan à long terme. Des dispositifs de solidarité des pays développés envers les pays en développement sont également prévus.
Si l'Accord de Paris a pour vertu de poser un cadre clair à l'effort nécessaire vis-à-vis du réchauffement climatique, son bilan reste mitigé, les politiques des États signataires n'étant pas suffisantes pour en atteindre les objectifs.
Qu’est-ce qu’un risque ?
Aléa et enjeu
Le risque est généralement défini comme une probabilité : celle qu’un évènement capable de causer des dommages se produise. Il est dit « majeur » lorsqu’il peut donner lieu à une catastrophe, soit parce que la force de l’évènement déclencheur est exceptionnelle, soit parce qu’il est susceptible d’avoir des impacts très importants.
Un risque met en relation deux facteurs :
- un aléa (du latin alea « jeu de dés, hasard »), c’est-à-dire un événement ou un phénomène plus ou moins prévisible et dangereux dont la fréquence, l’intensité et l’étendue varient : de fortes pluies, un incendie, une éruption volcanique par exemple ;
- un enjeu, c’est-à-dire « ce que l’on risque de perdre et auquel on accorde de l’importance » : des biens matériels (maisons, infrastructures) mais aussi immatériels (pratique touristique, réputation, santé, souveraineté nationale), ou encore des conditions naturelles. La résistance d’un enjeu dépend de nombreux facteurs : son exposition à l’aléa, sa solidité ou sa faiblesse propre, sa dépendance à d’autres enjeux, la préparation à subir un choc et l’existence d’un système d’alerte efficace et anticipé.
Vulnérabilité

Scénarios de réchauffement et fréquence des événements extrêmes selon le sixième rapport du GIEC
Fondé en 1988, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat rassemble des scientifiques de différentes disciplines pour étudier le réchauffement climatique et en prévoir les conséquences. En 2023, son sixième rapport, présenté à la Conférence des Parties (COP) de Dubaï, est alarmiste. Le réchauffement par rapport à l'ère pré-industrielle est un phénomène qu'il n'est plus possible d'endiguer, mais seulement de limiter. Il sera au minimum de 1,5° C en 2030, mais pourra atteindre des niveaux beaucoup plus élevés si les États et leurs populations ne prennent pas des mesures suffisantes pour diminuer fortement l'émission de gaz à effets de serre.
Le réchauffement climatique n'a pas seulement une incidence sur la température globale du globe et le niveau des mers ; il accentue le risque de survenue d'événements météorologiques extrêmes, comme des inondations dues à de fortes précipitations, ou des incendies comme les mega fire qui ravagent régulièrement des milliers d'hectares aux États-Unis, au Canada, en Grèce ou en Australie.
Données : GIEC ; graphiques : Jules*, Wikimedia commons / CC BY-SA 4.0
Données : GIEC ; graphiques : Jules*, Wikimedia commons / CC BY-SA 4.0
Selon le sixième rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), publié en 2021, plus de 3,3 milliards de personnes dans le monde vivent dans des conditions très vulnérables au changement climatique.
Vulnérabilité humaine et vulnérabilité des écosystèmes dépendent intimement l’une de l’autre. Chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire met en danger davantage d’espèces et leurs milieux de vie. Mais la vulnérabilité est aussi sociale : elle accroît la difficulté d’un individu, d’un groupe humain, ou même d’un territoire à réduire les impacts d’une catastrophe. Étroitement liée à la précarité, à la marginalisation et à la pauvreté, elle diffère selon les territoires : les peuples autochtones d’Amazonie, les petits producteurs d’Afrique sub-saharienne, ou les populations migrantes du Moyen-Orient connaissent par exemple une vulnérabilité accrue.
Quels sont les risques aujourd’hui ?
Il existe de nombreuses manières de regrouper l’ensemble les risques majeurs par catégories. En faire une typologie exhaustive est difficile, mais il est possible d’en esquisser les contours.
Risques naturels, climatiques, environnementaux ?
Sous le terme générique de « naturels » sont rassemblés des risques très divers :
- géophysiques (séismes, volcans)
- gravitaires (liés aux pentes : éboulements, glissements de terrains, avalanches)
- liés à l’eau (inondations, submersions marines, sécheresses)
- climatiques (des tempêtes aux cyclones, ouragans ou typhons selon la vitesse des vents et leur localisation).

Éruption de l'Etna en 1669
Pendant 122 jours entre le 11 mars et le 11 juillet 1669, l'Etna, le volcan qui domine la Sicile, connaît l'une de ses éruptions les plus importantes et destructives de l'histoire. La coulée de lave, qui avance lentement jusqu'à la mer, s'accompagne de chutes de cendres et attent la ville de Catania le 16 avril. De nombreux villages plus petits sont également détruits, et l'impact économique est majeur pour la région, qui voit les terres dévastées par la lave devenir stériles.
Cette estampe, réalisée au moment même de l'événement comme de nombreuses autres représentations, est accompagnée d'un texte descriptif :
« Cette Bouche s’est ouverte au Mont Gibel le 8me de mars, et le feu qui en sort se répand en coulant de la hauteur de quatre pieds, et brûlant tout ce qu’il rencontre sur ce terrain, lequel contient huit mille de long, et trois de large. La matière de ce feu est comme bitumineuse, et, étant froide, elle devient comme l’écume de mer. Le feu, étant arrivé à 3 mille de là, et avançant tous les jours de mille, aurait consumé la Ville de Catagne, si ceux de la ville n’eurent eu recours aux Reliques de Ste. Agathe, lesquelles étant portées en procession, l’on vit miraculeusement le feu se retirer du côté de la mer.
Quelques jours sortants, on entendit dessous la Ville de Catagne comme deux armées qui se battent. Le feu reprit son cours du côté de la Ville, et brûla plus de 20 villages ; enfin, il arriva à la Ville de Catagne, qui est la troisième de Sicile, dans laquelle l’on comptoit plus de 40,000 âmes. Il y a eu quelques Galères de Sicile, lesquelles sont venues et ont emporté ce qu’ils ont pu des Reliques, des cloches, et des canons, et ceux qui ont peu échapper de cet incendie et de la cruauté des Bandits, lesquels t’auroient tout ôté ce que ces pauvres gens pouvoient remporter de leur bien. »
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Tremblement de terre de la Guadeloupe
Le 8 février 1843, un tremblement de terre dont la magnitude est estimée à 8,5 touche la Guadeloupe et détruit la ville de Pointe-à-Pitre. Il génère un incendie qui se poursuit pendant plusieurs jours et cause plus de 1500 morts et 2000 blessés dans la ville elle-même. L'événement connaît un fort retentissement, comme en témoigne cette image d'Épinal réalisée peu de temps après la catastrophe. La représentation est cependant fantaisiste : elle représente notamment l'éruption du volcan de la Soufrière, qui était pourtant resté éteint.
Une légende détaillée accompagne l'image, dans un style oscillant entre le journalistique et le sensationnel :
« Un tremblement de terre affreux vient de plonger dans la consternation la colonie de la Guadeloupe. La Pointe-à-Pitre en est l’objet. Cette ville si riche, si belle, si pleine de vie, n’offre plus qu’un monceau de ruines ; pas un toit, pas un mur debout ; les rues sont abattues, les édifices sont à terre, ce qui a échappé par le tremblement a été dévoré par l’incendie. Une population presque entière ensevelie sous les décombres, des blessés et des morts par milliers ; le reste sans ressources et sans abri sur le théâtre de cette foudroyante destruction, accablée une nuit entière et le lendemain de cette épouvantable catastrophe.
Le 8 février 1843, à dix heures et demie du matin, un sourd roulement se fit entendre : les murs, soulevés par une force inconnue, semblaient agités et se mouvoir ; le tremblement de terre avait commencé. Le tintement des cloches arrachées par la secousse, et qui semblaient sonner d’elles-mêmes les funérailles de toute une ville à genoux devant la main invisible qui la frappait ! Les femmes, les enfants, les hommes se précipitant hors des maisons en jetant des cris affreux, et pendant ce temps, les maisons s’abattaient, les toits se brisaient et tout l’air, la terre même trempée dans ce plus profond cataclysme, se soulevait et s’abaissait, toujours prête à s’ouvrir ; les secousses, inutiles et sourdes, se multipliaient et se prolongeaient ; les effets étaient tels comme un vaisseau battu par les vagues. Au bout de quelques minutes, le relief cessa, le feu se déclara, et le reste de la population tremblante repoussa pour contempler ses ruines et voir l’incendie dévorer et achever ce que le tremblement avait épargné.
Les plus heureux dans cette foule effrayée étaient ceux qui pouvaient se procurer une couverture ou une petite place sous les arbres. Les navires en rade avaient été obligés de s’éloigner, car le feu de la ville arrivait jusqu’à eux. Le canon n’a pas cessé de se faire entendre pendant six jours pour alarmer les murs des maisons écroulées. Quant on ne pouvait éteindre l’incendie, les pompes ayant été ensevelies sous les décombres, le nombre des morts est évalué à plus de 6 000. Les rues étaient déblayées et ensevelies, ce qu’on pouvait recommencer. Que de scènes déchirantes ! La foule de familles entières écrasées ! Un corps est opéré de son bras, d’une épaule, comme un glaçon ; un mari, une femme emmêlés serrés l’un contre l’autre, un mari serrant la main de son ami, la flamme est encore venue se joindre à ce deuil... La provision a été miraculeusement sauvée. Des malfaiteurs, des repris-marrons qui voulaient profiter du désordre pour propager l’incendie et le pillage, douze ont été passés par les armes. »
Bilbiothèque nationale de France
Bilbiothèque nationale de France
Le terme de « risques naturels » est aujourd’hui fortement critiqué, la science ayant montré que les humains sont souvent à l’origine de leur survenue. Par exemple, un incendie peut être dû à un mégot de cigarette mal éteinte ou au manque d’entretien des zones à risques.
Le « risque environnemental » désigne quant à lui soit une menace ou un danger potentiel ayant des causes naturelles et/ou lié aux « choses environnantes » (aménagements, industries), soit un danger pouvant causer des dommages sur la nature et l’environnement et ce qui en dépend, comme des pollutions industrielles ou des contaminations pétrolières, etc. Ces pollutions peuvent avoir des effets sur la santé et la sécurité des populations, les particules et éléments toxiques étant en effet parfois transportés sur de grandes distances.
Risques sanitaires liés à l’environnement
Remis sur le devant de la scène par la pandémie de covid-19, les risques sanitaires sont souvent liés à des facteurs environnementaux au sens large.

Eduardo Solá Franco, Pollution à New York, 1969
Héritier des peintres voyageurs, le peintre, illustrateur et décorateur de théâtre, Eduardo Solá Franco (1915-1996) a rempli pendant plus de cinquante ans d’épais carnets d’aquarelles qui permettent de retracer son parcours et ses très nombreux voyages, en Amérique du Sud et du Nord et en Europe. Au fil des pages, Solá Franco brosse le portrait de ses contemporains et saisit les grands bouleversements sociaux qui marquent son époque. Ses pensées intimes et sa vie personnelle y sont aussi consignées, de ses rencontres amicales et amoureuses à ses épisodes de dépression et de maladie. Dans cette optique, ces carnets constituent l'une des premières autobiographies par l’image.
Ce dessin représente l'arrivée de l'artiste à New York en 1969. La première impression est celle d'un épais nuage de pollution qui surmonte la ville : « paysage impressionnant lors d'un voyage en train pour New York, après quelques mois sans gloire ni honte à Washington. »
Les risques toxiques sont quant à eux des risques « à bas bruit », souvent minorés, tels que la pollution atmosphérique. Dans le monde, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 99% des personnes respirent un air qui ne correspond pas aux normes de qualité minimales. En 2022, des chercheurs ont estimé que la mortalité liée aux pollutions s’élevait à 9 millions de personnes par an dans le monde, dont 6,5 millions pour la seule pollution de l’air. La grande majorité d’entre elles habitent des pays à revenus faibles ou intermédiaires où cette question n’est pas une priorité.
Risques géopolitiques

Attentats du 11 septembre 2001
Le 11 septembre 2001, quatre avions sont détournés dans le but de commetre des attentats. Deux d'entre eux percutent les deux tours du World Trade Center à New York, causant leur effondrement au bout de quelques heures. Un troisième tombe sur le Pentagone à Washington, tandis que le dernier s'écrase en Pennsylvanie à la suite d'une action des passagers.
Commandités par le groupe islamiste al-Qaida, les attentats du World Trade Center marquent une rupture brutale dans la géopolitique, en mettant en évidence la fragilité des États-Unis face à des attaques terroristes. Ils justifient, pour le président George W. Bush, une guerre de représailles en Afghanistan qui débute quelques mois plus tard. Bien qu'ayant mis à mal le gouvernement du pays, les troupes de la coalition interlationale s'enlisent sur le terrain afghan ; elles quittent finalement le pays en 2021, permettant le retour d'un pouvoir taliban à Kaboul.
Photographie : rds 323, flickR / Domaine public
Photographie : rds 323, flickR / Domaine public
Les attaques à grande échelle contre les systèmes informatiques (cyberterrorisme) constituent aussi des menaces graves dans la mesure où elles sont source de déstabilisation, en coupant par exemple les moyens de communication permettant de coordonner des actions militaires.
Risques industriels : le nucléaire en première place
Le plus souvent, les risques géopolitiques sont aggravés par l’existence d’armes de destruction massive (nucléaires ou biochimiques) et d’infrastructures hypercritiques, comme les installations nucléaires, qui peuvent faire l’objet d’actes malveillants ou d’accidents. Par exemple un défaut d’alimentation électrique peut mettre en risques le refroidissement du combustible nucléaire des réacteurs d’une centrale.
Hiroshima, c’est l’apocalypse préfigurée, sa possibilité prouvée et la Bombe définitivement posée en majesté.
Le risque nucléaire pour le vivant est lié soit aux irradiations des organismes en raison de leur exposition directe aux rayonnements des matières radioactives, soit à la contamination chimique par des particules radioactives entrant en contact avec les corps par voie respiratoire, dermique ou digestive. L'environnement peut également être contaminé pendant plusieurs centaines d'années.
Quelles sont les réponses possibles ?
Le risque peut rarement être évité. Mesuré, étudié, il peut cependant être minimisé. Si vigilance et alerte sont importants à court terme, il est aussi nécessaire d’envisager les réponses à plus long terme.
Prévenir
Prévenir les dangers nécessite avant tout de les connaître et de les surveiller pour en tracer l’évolution. C’est le rôle des relevés de terrain, des expertises techniques ou encore des capteurs permettant de mesurer les mouvements de terrains par exemple.

Carte du tremblement de terre de la province de Shinano en 1847
Situé à la confluence de plusieurs plaques tectoniques, le Japon est soumis à un risque sismique particulièrement élevé. Non seulement les tremblements de terre y sont particulièrement fréquents (plusieurs milliers par an), mais ils y atteignent souvent des intensités très fortes. Le pays s'est adapté depuis longtemps à cette spécificité, développant des constructions anti-sismiques, mais aussi une politique d'étude et de gestion des risques.
Cette carte a été tracée après le tremblement de terre de Zenkoji, qui détruisit une grande partie de la ville de Nagano en 1847, probablement afin de demander une aide au pouvoir central. Une grande partie de la ville fut submergée par le débordement de la rivière Sai (Saigawa), obstruée par des débris. Les inondations qui en ont résulté sont illustrées à droite, tandis que le document précise que les populations ont trouvé refuge sur les hauteurs.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Interférogramme du tremblement de terre du désert Mohave en 1992.
L'imagerie satellite est un outil précieux pour l'étude des séismes. Cet interférogramme, cr'éé par l'Agence spatiale européenne, représente un tremblement de terre ayant eu lieu dans le désert Mohave, en Californie, en décembre 1992. On y voit nettement l'épicentre du séisme et la déformation du sol tout autour (« frange d'interférence »), en cercles concentriques.
© Agence Spatiale Européenne
© Agence Spatiale Européenne
Cette connaissance invite à mettre en place des dispositifs de prévention pour améliorer le niveau de sécurité, notamment en informant les populations. Toutefois être informé ne suffit pas pour changer : beaucoup de personnes ou d'organisations, même si elles sont informées, ne se sentent pas concernées. Ainsi la « culture du risque » ne se réduit pas à de « bons comportements », mais se construit plutôt à long terme, comme un capital pratique composé d’expériences, de représentations, de stratégies d’action, de savoirs, savoir-être et savoir-faire. Tournée vers la protection prioritaire de certains enjeux, elle s’accumule au cours du temps et se transmet, dans une certaine mesure, aux générations suivantes.
À l’échelle collective, l'information en cas de danger imminent est généralement organisée par niveaux de risques potentiels. Par exemple, en France, pour le risque météorologique ou d’inondation ce sont des niveaux de vigilance allant du vert (situation normale) au rouge (dommages majeurs attendus) voire au violet en cas d’alerte cyclonique. Des échelles comparables sont utilisées pour la pollution atmosphérique ou le risque de sécurité lié aux attentats.
Atténuer et s’adapter

Appel à la vaccination antivariolique
La vaccination fait partie des mesures de prévention sanitaire les plus emblématiques. Dès 1902, l'État français rend les injections anti-varioliques obligatoires, afin d'atteindre rapidement une masse critique d'individus vaccinés. Le vaccin contre la variole, maladie très contagieuse, souvent mortelle, laissant d'importantes cicatrices, a été le plus ancien mis au point à la fin du 18e siècle, non sans ratés ; mais l'idée de faire une injection préventive et non curative est encore rédhibitoire pour beaucoup au début du 20e siècle.
Peu de pays européens suivent la voie de l'obligation vaccinale à cette date. Néanmoins, la vaccination contre la variole a permis l'éradication complète de l'épidémie. En 1984, l'obligation vaccinale a de ce fait été levée en France concernant cette maladie.
Archives municipales de Roubaix, domaine public
Archives municipales de Roubaix, domaine public
Concernant le changement climatique, on parle plutôt d’adaptation. Le but est de réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets attendus du changement climatique. À ne pas confondre avec l’atténuation qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter que la planète ne se réchauffe au-delà de 1,5 degrés par rapport à l’ère préindustrielle (nous sommes à environ 1 degré en 2024). Cela doit permettre de limiter les impacts sur les écosystèmes et les services qu’ils rendent, notamment aux humains. Les données scientifiques, synthétisées par le GIEC, montrent que l’adaptation est une nécessité. Mais elle dépend des engagements et mesures politiques prises aux échelles nationales et internationales. Ainsi, il ne s’agit pas seulement de se préparer aux impacts attendus en améliorant l’accès à certaines ressources, ou en créant des infrastructures qui limitent l’intensité des aléas, mais bien de changer en profondeur nos modes de vie, de travail, de production. On parle « d’adaptation transformationnelle ».
Du déni au « vivre avec »
La représentation qu’on se fait d’un risque dépend des informations dont on dispose, de la connaissance des territoires où l’on se trouve et de l’expérience que l’on en a mais aussi de l’ensemble des autres risques auxquels on doit faire face. Elle constitue un imaginaire d’un d’un futur potentiellement dangereux, avec lequel il faut apprendre à vivre.

Systèmes de mesure des radiations à Fukushima
Le 11 mars 2011, à la suite d'un séisme d'une magnitude estimée entre 8,9 et 9,1, un gigantesque raz-de-marée s'abat sur la côte ouest du Japon, causant la mort de 22 500 personnes. La centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi est submergée par des vagues allant jusqu'à 14 à 15 mètres. L'eau s'infiltre dans les réacteurs, causant une panne du système de refroidissement et plusieurs explosions. Des radiations radioactives sont émises dans un très large périmètre.
Cet accident nucléaire majeur, comparable à celui de Tchernobyl en 1986, a des conséquences aussi bien à court qu'à long terme. Près de 100 000 personnes évacuent la zone, tandis que les eaux du Pacifique reçoivent des tonnes de matière radioactive. Le territoire de Fukushima est désormais à nouveau habité, mais toujours contaminé par des retombées radioactives. Invisible, inodore, insipide, la radioactivité n'est pas directement sensible par l'homme ; elle doit donc être mesurée quotidiennement par les habitants, à la fois à l'aide d'appareil portatif et d'un réseau de stations fixes installées dans toute la région.
Photographies : Tamaki Sono, FlickR / CC BY 2.0 ; Abasaa, Wikimedia commons / domaine public
Photographies : Tamaki Sono, FlickR / CC BY 2.0 ; Abasaa, Wikimedia commons / domaine public
Face aux risques, les décisions des gestionnaires de crise et les comportements des populations ne sont pas homogènes : certains choisissent parfois de minimiser le danger voire de le nier, en vertu de logiques économiques, sociales, politiques, écologiques, religieuses, etc. Par exemple le fait d’avoir vécu une inondation ou une pollution environnementale peut conduire à différents choix : déménager, migrer, ou au contraire continuer à vivre au même endroit par attachement ou simplement par manque de moyens.
Vivre avec le risque est aussi une question culturelle. Certaines visions du monde invitent à s’en remettre à un tout plus grand (l’Univers, Dieu, le destin). Parfois, ce sont des logiques identitaires qui entrent en compte : par exemple partir vivre en ville quand on est exposé aux contaminations pétrolières en Amazonie représente une perte potentiellement plus grande que le risque de contracter une maladie, parce qu’on est avant tout agriculteur et que la terre est à la fois alimentation, identité et raison de vivre.

Procession de la peste à Tournai en 1928
Les grandes épidémies marquent souvent en profondeur la mémoire collective : la peste noire, le choléra ou la grippe espagnole véhiculent encore de nos jours des images et des craintes. À Tournai, en Belgique, la mémoire d'une épidémie dite « de peste » en 1092 est rappelée chaque année par une procession religieuse en l'honneur de Notre-Dame.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Ainsi, si les risques majeurs sont omniprésents et si certains s’aggravent avec le réchauffement planétaire, la manière d’y répondre est très variable et révèle les logiques et les valeurs qui nous animent, individuellement et collectivement.
Face aux risques majeurs et aux catastrophes, la responsabilité, la justice, l’inclusion et la solidarité sont appelés à grands cris. Mais, c’est peut-être d’abord une écologie du soin qui devrait fonder les systèmes de protection. Prendre soin de quoi ? Comment ? De soi, des autres, de son environnement plus ou moins proche, de sa planète, tout à la fois. Voilà une valeur de base pour penser avec sagesse la réponse aux risques majeurs et éloigner autant que possible la perspective apocalyptique annoncée.
Provenance
Cet article a été rédigé dans le cadre de l'exposition Apocalypse, hier et demain présentée à la BnF du 4 février au 8 juin 2025.
Lien permanent
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