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Nouvelles formes et nouveaux genres au 18e siècle

Historia naturalis ranarum... (Histoire naturelle des grenouilles…)
Historia naturalis ranarum... (Histoire naturelle des grenouilles…)
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S’il a pu être appelé le siècle des beaux livres, le 18e siècle ne s’illustre cependant pas grâce à des innovations techniques de grande envergure. Le décollage se fera au siècle suivant : l’invention de la lithographie date de 1796, celle du papier continu de 1798, la première presse métallique est mise au point par Charles Stanhope en 1800.

Évolution du livre

Le moulin à papier
Le moulin à papier |

Bibliothèque nationale de France

Le papier est toujours fabriqué artisanalement à partir de chiffons. Certes, les Hollandais ont mis au point à la fin du 17e siècle des cuves à cylindre, pour remplacer les piles à maillet, qui réduisent le temps de trituration et les pertes de chiffon, tout en étant plus résistantes, mais les papetiers français ne sont autorisés à les utiliser qu’en 1763 et elles ne s’imposeront qu’au début du 19e siècle. Entre-temps, pourtant, la production papetière progresse à la fois en quantité et en qualité : le papier du 18e siècle, en France en particulier, représente même un apogée qualitatif.

Le siècle de l'opulence

À l’inverse du siècle précédent, caractérisé dans l’ensemble par son austérité, le 18e siècle est le siècle de l’opulence et du raffinement, tant pour des raisons économiques qu’à cause de l’évolution des mentalités et des mœurs. Aux productions de prestige de l’Imprimerie royale s’ajoutent celles qui sont suscitées par des sociétés de commanditaires et soutenues par le mécénat privé, tout particulièrement dans la seconde moitié du siècle. Quelques améliorations techniques servent l’édition de luxe. L’invention de John Baskerville, de Birmingham, d’une toile en métal fin, de laiton ou d’argent, permet de fabriquer un papier dit « vélin » sans empreinte et plus doux. Il est utilisé en France à la fin du siècle.

Dissertatio de generatione et metamorphosibus insectorum Surinamensium…
Dissertatio de generatione et metamorphosibus insectorum Surinamensium…

De nouveaux caractères sont mis au point : aux Romains du Roi et aux Garamond s’ajoutent le Baskerville, qui sera racheté par Beaumarchais pour l’édition de Kehl des œuvres de Voltaire, le Bodoni, créé à Parme vers 1787 mais qui ne sera utilisé que plus tard et surtout le Didot, vers 1780, qui connaîtra son apogée sous le Consulat et l’Empire.
Parallèlement, l’organisation de l’espace typographique du livre se transforme dans le sens de plus d’élégance et de clarté. Une page de « faux titre » précède désormais la page de titre. La mise en page est plus aérée grâce à la multiplication des paragraphes : c’est le « triomphe définitif des blancs sur les noirs » selon l'historien Henri-Jean Martin. La lecture rapide s’en trouve facilitée et surtout le livre se regarde avant de se lire, d’autant que les ornements et les illustrations se multiplient.

La part de l'image

Anatomie de la tête
Anatomie de la tête |

© Bibliothèque nationale de France

Dans le domaine de l’image, les innovations sont rares. À peine peut-on citer la trichromie, inventée vers 1715 et perfectionnée en quadrichromie en 1739 par Jacques-Fabien Gautier d’Agoty père. Mais cette technique nouvelle ne réussira jamais à détrôner la gravure coloriée, ce qui aurait pourtant permis d’abaisser les coûts. Mis à part les productions de la littérature de colportage et les affiches, la gravure sur bois est remplacée définitivement par la gravure sur cuivre : taille-douce avec le burin et, surtout, l'eau-forte, ce qui a pour effet d’augmenter les coûts de production puisqu’il faut utiliser deux presses et que les planches s’usent plus vite que les bois. L’image se dissocie de plus en plus du texte. On fait désormais appel à des dessinateurs connus et à des graveurs spécialisés.

Le 18e siècle consacre le triomphe des illustrateurs qui se distinguent définitivement des graveurs. Des hommes comme Charles-Dominique-Joseph Eisen, Charles-Nicolas Cochin fils, Clément-Pierre Marillier, Jean-Michel Moreau le Jeune ou Hubert-François Gravelot sont des artistes à part entière qui fréquentent les milieux les plus huppés tandis que le peintre François Boucher, protégé par Madame de Pompadour, collabore en 1734 à l’édition en 6 volumes in-4° de Molière, voulue par Chauvelin, alors directeur de la Librairie du royaume, pour contrer la librairie hollandaise.

Le Cheval et le loup
Le Cheval et le loup |

© Bibliothèque nationale de France

Le Cabinet des fées, ou collection choisie des contes des fées et autres contes merveilleux...
Le Cabinet des fées, ou collection choisie des contes des fées et autres contes merveilleux... |

© Bibliothèque nationale de France

La reliure en majesté

L’art de la reliure, mis au service d'une certaine austérité, retrouve tout son lustre. Il est favorisé par la multiplication des collectionneurs fortunés et l’essor de la bibliophilie. Les premières ventes aux enchères apparaissent à la fin du 17e siècle et se multiplient en France dans la seconde moitié du siècle suivant.
Les beaux livres sont généralement reliés en maroquin et ornés de décors à la dentelle ou mosaïqués. Il peut s’agir aussi bien d’exemplaires anciens que d’éditions contemporaines de luxe.

Almanach royal : année bissextile M. DCC.LXXVI
Almanach royal : année bissextile M. DCC.LXXVI |

© Bibliothèque nationale de France

Dans le même temps, on assiste à la multiplication des petits formats, in-8°, in-12 et même in-18 et in-24, sur le modèle des elzévirs du 17e siècle, pour éditer poèmes et petits romans. Ces « livres de poche » avant la lettre ont la faveur de l’édition clandestine. Ils signalent surtout une évolution des comportements de lecture qui témoignent d’un individualisme grandissant : le livre sort des bibliothèques et des cabinets de lecture. Il y a désormais une posture rousseauiste du « promeneur solitaire », un livre à la main. Le siècle des Lumières est aussi celui des voyageurs qui ne partent plus sans emporter récits et guides dont le succès est immense.

Jean-Jacques Rousseau
Jean-Jacques Rousseau |

© Blbliothèque nationale de France

La Croisée
La Croisée |

Blbliothèque nationale de France

Les imprimés éphémères

Vers 1720, environ 1 000 titres paraissent chaque année en France. À la veille de la Révolution leur nombre s’élève à 3 500. Le tirage moyen s’établit entre 1 000 et 2 000 exemplaires tandis que les trente-six volumes de l’Encyclopédie sont tirés à 8 000 exemplaires. Cependant, ces chiffres ne tiennent pas compte des éditions clandestines et des contrefaçons.
L’imprimé éphémère se développe : bulletins, libelles, affiches, placards et, bien sûr, gazettes.

Nouveaux genres

Tom Jones ou l’Enfant trouvé
Tom Jones ou l’Enfant trouvé |

© Bibliothèque nationale de France

Dans L’An 2440, uchronie qui paraît en 1771, Louis-Sébastien Mercier décrit la Bibliothèque du Roi de l’avenir. Ont disparu des rayons, à la suite d’une épuration volontaire : théologie, jurisprudence, rhétorique et histoire (il n’y a pas d’histoire en utopie). La littérature anglaise et les philosophes sont à l'honneur, suivant les choix de l’auteur qui préfère Rousseau à Voltaire et Fénelon à Bossuet. Ces choix subjectifs reflètent assez bien les goûts des Lumières finissantes : Télémaque a connu 73 éditions entre 1699 et 1789, La Nouvelle Héloïse presque autant en 40 ans. L’essor du roman caractérise le siècle et l’influence anglaise est décisive tant sur le plan philosophique que scientifique ou littéraire : la mention « traduit de l’anglais » fait vendre.

Cependant, les Lumières ne sont pas tout le 18e siècle : si la théologie accuse un net déclin, la production de livres de dévotion destinés à un large public demeure abondante. Et le succès de la Bibliothèque bleue, qui accorde une large part aux vies de saints, se maintient. Néanmoins, il est indéniable que de profondes transformations se dessinent.

Les dictionnaires

La reliure
La reliure |

© Bibliothèque nationale de France

C’est d’abord le succès des dictionnaires généralistes ou spécialisés. Amorcé dans les premières décennies, le mouvement s’amplifie au milieu du siècle. Au point que paraît en 1758 une Table alphabétique des dictionnaires. On réédite les dictionnaires du 17e siècle : Furetière et Bayle – publiés en Hollande car interdits – ainsi que Moreri. Rappelons que tous les dictionnaires ne sont pas d’inspiration philosophique : le Dictionnaire universel dit de Trévoux qui connaît neuf éditions entre 1704 et 1771 est l’œuvre des Jésuites.
Le dictionnaire emblématique des Lumières est évidemment l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert à laquelle succèdent le Dictionnaire portatif de Voltaire, dont le titre est assez explicite, puis l’Encyclopédie méthodique de Charles-Joseph Panckoucke qui paraît de 1782 à 1832 en 157 volumes avec 53 volumes de planches.
L’Encyclopédie avec ses planches et plus encore la Méthodique de Panckoucke, où  les savants l’emportent sur les philosophes, participent de l’essor du livre scientifique qui est l’autre grand phénomène du siècle.

L’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon
L’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon |

© Bibliothèque nationale de France

L’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon
L’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon |

© Bibliothèque nationale de France

La littérature d’évasion : romans et voyages

La littérature romanesque continue sur la lancée d’un succès amorcé au siècle précédent et renouvelé par la mode du roman anglais. Le best-seller francophone qu’est La Nouvelle Héloïse (1761) est directement inspiré des romans épistolaires sentimentaux de Samuel Richardson. Les femmes sont de grandes lectrices et commencent elles-mêmes à prendre la plume, en Angleterre d’abord où Fanny Burney annonce Jane Austen, puis en France (Madame de Graffigny, Madame Riccoboni, Madame d’Épinay…).

Voyage de M. Le Vaillant dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne-Espérance
Voyage de M. Le Vaillant dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne-Espérance |

© Bibliothèque nationale de France

La littérature de voyage constitue un autre genre conquérant au 18e siècle : 3 540 titres recensés contre 1 566 au 17e siècle et 456 au 16e siècle : voyages lointains toujours mais aussi et de plus en plus voyages européens (53 % du total contre 35 % au 17e siècle).
Les « collections » se multiplient dont la plus ambitieuse est L’Histoire générale des voyages confiée par le chancelier d’Aguesseau à l’abbé Prévost, 16 tomes in-4° entre 1746 et 1761. Dans les ventes, par exemple celle du duc de La Vallière en 1783, les livres de voyage atteignent des prix élevés.

Voyage de M. Le Vaillant dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne-Espérance
Voyage de M. Le Vaillant dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne-Espérance |

© Bibliothèque nationale de France

Aux voyages réels s’ajoutent les voyages imaginaires et les utopies. La collection des Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, qui paraît entre 1789 et 1799 à Amsterdam et Paris, comprend 36 tomes allant de Robinson Crusoe de Defoe au Diable amoureux de Cazotte en passant par Micromegas de Voltaire et Gulliver de Swift. La littérature érotique connaît elle aussi un essor important.

Voyages de Gulliver
Voyages de Gulliver |

Bibliothèque nationale de France

Gulliver ligoté par les Lilliputiens
Gulliver ligoté par les Lilliputiens |

Bibliothèque nationale de France

On réédite les « classiques », cependant que les titres nouveaux se caractérisent par la personnalité de leurs auteurs et par le mélange revendiqué de l’érotisme et de la philosophie comme dans Margot la Ravaudeuse de Fougeret de Montbron ou dans Thérèse philosophe du marquis d’Argens.
Diderot écrit Les Bijoux indiscrets, Voltaire La Pucelle, Montesquieu Le Temple de Gnide et Sade La Philosophie dans le boudoir.
L’Erotika biblion de Mirabeau se trouve dans la bibliothèque de Louis XVI.

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