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Jahangir et Shah Jahan (1605-1658)

Shuja-Quli Khân sur une terrasse en compagnie d’une dame
Shuja-Quli Khân sur une terrasse en compagnie d’une dame

© Bibliothèque nationale de France

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Remarquable dans le domaine artistique, avec notamment la création du Taj Mahal, la première moitié du 17e siècle est marquée par des conflits internes et externes, avec les Portugais et les Persans en particulier. La période voit également la montée en influence de l’orthodoxie sunnite.

Jahangir

A la mort de son père, Akbar, en 1605, le prince Salim est enfin couronné et prend le nom de Jahangir (« le Conquérant du Monde », en persan). Son règne s’achèvera à sa mort, survenue en 1627, et sera une période de prospérité pour l’Inde. Le caractère de Jahangir nous est bien connu par les mémoires qu’il rédigea en persan, sous le titre de Tuzuk-i Jahangiri.

Après avoir maté avec la plus grande rigueur la rébellion conduite par son propre fils aîné Khusraw, figure très populaire dans l’empire, Jahangir dut faire face à celle de Usman Khan au Bengale (1612). En 1613, une guerre oppose les Portugais, alors puissants en Inde, aux Moghols, tandis que l’Angleterre commence à tenter d’établir son commerce dans cette région et d’obtenir la faveur du souverain. En 1614 le Mewar est définitivement soumis alors qu’au Deccan le ministre Malik Anbar, un Abyssin, résiste longtemps à la poussée moghole. En 1622, le Shah de Perse Abbas Ier reprend la place de Qandahar. De son côté, le troisième fils de Jahangir, le prince Khurram, qui déjà porte le titre de Shah Jahan, tente la même année de détrôner son père. Vaincu par Mahabat Khan, général des armées mogholes, le futur empereur doit s’enfuir et il finit par se soumettre à son père en 1625. Sa santé s’étant fort affaiblie, Jahangir meurt sur la route de Cachemire, le 24 octobre 1627 et est inhumé à Lahore, où son épouse Nur Jahan lui a fait élever un mausolée.

Cavalier attaqué par un lion
Cavalier attaqué par un lion |

© Bibliothèque nationale de France

Pour la peinture, le règne de Jahangir fut une période faste. Dès son gouvernorat d’Allahabad, il avait possédé un atelier où n’étaient admis à travailler que quelques peintres dont il appréciait le talent exceptionnel. Tantôt le goût de l’allégorie, tantôt l’intérêt pour les scènes intimistes, les planches animalières ou florales, ou encore pour la perfection du portrait, se manifestent dans les peintures de cette époque. Juste, mais doué d’un tempérament violent, Jahangir, qui fit souvent montre de cruauté, était grand amateur de peinture délicate, de musique et d’architecture. Il laissa le souvenir d’un mécène éclairé.

Combat de coqs (Illustration des « Merveilles de la création » de Qazvini)
Combat de coqs (Illustration des « Merveilles de la création » de Qazvini) |

© Bibliothèque nationale de France

Le prince Khusrau à la chasse
Le prince Khusrau à la chasse |

© Bibliothèque nationale de France

Shah Jahan

Le prince Khurram, surnommé Shah Jahan, monta sur le trône en 1628, à l’âge de 36 ans. Il se montra, dit-on, un assez grand souverain, quoique certains lui reprochent de n’avoir pas su éviter à la fin de son règne d’être marquée par la guerre et les luttes fratricides. Après avoir maté la révolte du puissant Khan Jahan Lodi, gouverneur du Deccan, en 1631, il entreprit, contre les Portugais, le siège d’Hugli dont la population chrétienne fut décimée. La même année, il ordonna la destruction de nombreux temples hindous et annexa définitivement le royaume d’Ahmadnagar. Peu après, les royaumes de Golconde et de Bidjapour devinrent vassaux du Moghol. En 1636, Aurangzeb, troisième fils de Shah Jahan, devint gouverneur du Deccan. En 1638, le gouverneur persan de Qandahar livra sa ville à Shah Jahan qui ne saura la garder que jusqu’en 1649. Des tentatives pour la reprendre eurent lieu jusqu’en 1653 mais demeurèrent infructueuses.

L’empereur Shah Jahan tenant un iris
L’empereur Shah Jahan tenant un iris |

© Bibliothèque nationale de France

Sans doute est-ce sous le règne de Shah Jahan que la cour moghole connut sa plus grande splendeur. Grand amateur de joyaux, Shah Jahan avait fait édifier de 1628 à 1635 le fameux « trône du paon » qui servira aux empereurs durant un siècle. En 1638 Delhi devient la capitale de l’empire. Pour brillant qu’il soit, ce règne n’est cependant marqué par aucune action militaire vraiment remarquable et la justice de l’empereur et de ses gouverneurs s’exerce avec une implacable rigueur.

De son épouse Mumtaz Mahal, une musulmane pieuse qui mourut en 1631, et pour la sépulture de laquelle il fit édifier le Taj Mahal, il eut 14 enfants. Dès son vivant ses fils commenceront à se disputer le trône, et pendant plusieurs années l’empire sera le théâtre de leur lutte pour la succession d’un père trop occupé par les divertissements de son harem. En 1657, les quatre prétendants sont déjà des hommes mûrs lorsque leur père tombe malade : Dara Shikoh a 43 ans, Shudja 41 ans, Aurangzeb 39 ans, tandis que Murad Bakhsh en a 33. Chacun gouverne alors une province : l’aîné le Pendjab, le second le Bengale et l’Orissa, Aurangzeb le Deccan et son cadet le Gujerat.

Le favori Mullah Du Piyaza
Le favori Mullah Du Piyaza |

© Bibliothèque nationale de France

Le prince Muazzam Shah Alam à la chasse
Le prince Muazzam Shah Alam à la chasse |

© Bibliothèque nationale de France

À l’issue de plusieurs batailles (Dharmat en avril 1658, puis Samugarh en mai), Aurangzeb, plus rusé et plus valeureux militaire, finit par l’emporter sur son père et sur ses frères. Le 8 juin 1658, il s’empare du fort d’Agra, où le vieil empereur demeurera captif jusqu’à sa mort qui ne surviendra qu’en 1666.

Le dernier des rivaux d’Aurangzeb à être vaincu est Dara, son frère aîné, en 1659. À la différence d’Aurangzeb, musulman convaincu, c’était un prince partisan d’un syncrétisme religieux ou, tout au moins, d’une grande tolérance pour les autres religions, inspirée par son adhésion au soufisme. Ce sera du reste comme musulman hérétique qu’il sera exécuté après sa défaite.

Shah Jahan avait été le dernier empereur moghol du 17e siècle à encourager les peintres. Sous son règne, qui vit encore la réalisation de chefs-d’œuvre, en particulier dans le domaine du portrait, l’influence religieuse du Sunnisme orthodoxe s’était beaucoup accrue, au détriment de la liberté d’inspiration des artistes.

Noble persan et musicien
Noble persan et musicien |

© Bibliothèque nationale de France

Cette évolution n’est d’ailleurs pas propre à l’Inde. On constate en Perse, à la même époque, un mouvement comparable qui tend à donner aux docteurs musulmans chiites une influence prépondérante dans la gestion des affaires du pays. Cette similitude ne doit pas surprendre : déjà au 16e siècle, l’Inde accueillait un nombre important de poètes, d’artistes, de commerçants, de savants ou de religieux qui quittaient temporairement ou définitivement la Perse pour y faire fortune. Les rapports sont d’autant plus étroits que le persan est la langue de la cour moghole tout comme elle est en usage dans les autres états musulmans d’Inde.

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