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D’Humayun à Akbar (1530-1605)

Portraits des empereurs Akbar et Humayun
Portraits des empereurs Akbar et Humayun

© Bibliothèque nationale de France

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Comme bien des souverains musulmans d’Asie, les Moghols sont des princes turcs originaires de l’Asie centrale. Fondateur de la dynastie moghole en Inde, où il se tailla un vaste empire après la victoire décisive qu’il remporta à Panipat en 1526, Babur, qui était né à Ferghana en 1483, descendait de Tamerlan.

Il avait, certes, existé auparavant des royaumes musulmans en Inde, dont le plus célèbre avait été le sultanat de Delhi (1175-1290), mais jamais leur territoire n’avait atteint la taille qui sera celle de l’empire moghol ni réuni sous sa domination la majeure partie de l’Inde. Après 1350, les dynasties qui continuèrent le sultanat de Delhi connurent un relatif déclin et la puissance musulmane s’affaiblit dans le sub-continent. Malgré un nombre assez limité d’adeptes, l’Islam s’était toutefois solidement établi en Inde, aussi bien parmi les populations immigrées que parmi les Indiens convertis de l’hindouisme. Ceux-ci gardèrent cependant des coutumes, des pratiques et le mode de vie de la grande majorité des habitants de l’Inde.

Ses conquêtes firent de Babur, roi de Kaboul, le plus puissant des princes musulmans d’Inde. À sa mort, survenue en décembre 1530, ce général de génie, conquérant de Delhi et d’Agra, qui était aussi poète en langue turque et ami des arts, eut pour successeur son fils Humayun. Humayun régnera jusqu’en 1556, mais il aura à réprimer de nombreuses révoltes. De tempérament paisible, il continua, malgré les revers militaires, à encourager, comme son père, les lettres et l’art du livre.

En 1544, Sher Shah, un Afghan, puis son frère Mirza Kamran, infligèrent de lourdes défaites à Humayun et le contraignirent à s’exiler en Iran. Là, il trouva un refuge auprès de Shah Tahmasb, souverain de la jeune dynastie chiite des Safavides. Dès l’année suivante, les Iraniens aidèrent Humayun à reprendre Qandahar, puis, en 1555, à redevenir maître d’Agra et de Delhi. De ce temps d’exil en Iran, Humayun avait su tirer profit pour faire connaissance avec les techniques et les goûts esthétiques qui étaient en honneur à la cour de Tabriz, où brillaient les peintres Abd os-Samad, Mir Sayyed ’Ali et Mir Mosavver. Il invita certains artistes à l’accompagner en Inde, souhaitant voir pratiquer auprès de lui un art où se faisaient jour certaines tendances naturalistes qu’il goûtait.

Mausolée de l’empereur Akbar à Sikandra, près d’Agra
Mausolée de l’empereur Akbar à Sikandra, près d’Agra |

© Bibliothèque nationale de France

En 1556, Akbar, né en 1542 au Sind pendant la retraite de son père Humayun, accéda au trône à treize ans, à la mort de celui-ci. Ce souverain, qui a marqué d’une empreinte considérable l’histoire de l’Inde, régnera un demi-siècle, jusqu’en 1605. C’est à lui qu’il revint, lorsqu’il régna personnellement à partir de 1562, d’organiser de façon solide l’empire moghol. Par sa politique administrative et religieuse, il sut asseoir le régime sur des bases stables. Musulman sunnite, il fit montre d’une égale estime pour toutes les religions de son empire. Il élabora même, à partir de 1580, le projet d’une « religion divine » (Din-i Ilahi en persan), syncrétique, combinant Islam, Hindouisme, Judaïsme, Christianisme et Zoroastrisme, laquelle resta toutefois sans réel lendemain. C’est cependant la marque d’un état d’esprit propre à ce souverain et à certains de ses conseillers, comme le savant Abul-Fazl, non sans influence sur ses contemporains. L’année 1592, par ailleurs, était celle de l’avènement du second millénaire de l’hégire islamique, date propice aux mouvements messianiques.

Les conquêtes d’Akbar apportent à l’empire de nouvelles provinces, ou rétablissent l’autorité moghole là où elle avait été évincée. Le Mewar est pris en 1561, le Guzarate en 1572. En 1576, c’est au tour du Marwar, et du Bengale, puis, en 1586, du Cachemire. En 1592, le Sind et l’Orissa sont conquis ; après le Berar en 1596, le Khandesh est annexé à son tour en 1600. Pour éviter les rébellions et les soulèvements, Akbar fait appel autant que possible aux chefs locaux qui sont loyaux envers lui et n’écrase pas trop d’impôts les non-musulmans, ce qui est d’autant plus aisé que les conquêtes enrichissent considérablement le trésor impérial. Par ailleurs, la puissance du souverain veut être sans partage et ses réformes visent à faire de lui le maître incontesté de l’Inde. Des troubles éclateront cependant çà ou là, notamment au Bengale.

En 1600, l’empire d’Akbar, divisé en 15 provinces (suba), s’étend de Qandahar à Chittagong et de Srinagar, au Nord, à une ligne allant de Daman à Cuttack, au Sud. La collecte des impôts est organisée selon un système nouveau tenant compte des ressources agricoles locales. Les provinces sont confiées à des gouverneurs qui y exercent un pouvoir quasi-absolu et ont autour d’eux une véritable cour, à l’imitation de leur souverain. Akbar emploie à son service aussi bien des musulmans que des hindous. Jusqu’en 1572 la capitale est Agra. Puis, de 1572 à 1584, Akbar réside dans une ville qu’il a fait bâtir tout exprès, Fathpur Sikri, mais l’abandonne ensuite pour Lahore, qui restera la capitale jusqu’en 1638.

Façade du palais de Salim Shah, dans le vieux Delhi
Façade du palais de Salim Shah, dans le vieux Delhi |

© Bibliothèque nationale de France

Comme mécène, Akbar, dont certains assurent qu’il était illettré, se montra protecteur très éclairé des peintres, aussi bien dans le domaine de l’enluminure des livres manuscrits que dans celui des tableaux isolés. Sa passion pour les œuvres marquées par le réalisme et la copie des scènes les plus vivantes sera à l’origine d’un essor considérable de l’activité des ateliers impériaux de peinture.

Il est souvent présomptueux de porter un jugement sur l’activité artistique d’une époque. Sous le règne d’Akbar cependant les peintres de la cour parviennent à réaliser une harmonieuse synthèse des traditions picturales indienne et persane. La découverte de l’art européen de la Renaissance, et surtout de la gravure flamande, permettra ensuite aux artistes impériaux de satisfaire le goût de leur souverain pour le réalisme du dessin et la précision des détails. Loin d’être des copies serviles, les œuvres des maîtres du temps montrent que le génie indien assimila vite les apports nouveaux.

Davalpa monté sur un homme
Davalpa monté sur un homme |

© Bibliothèque nationale de France

Akbar fit illustrer de grandes œuvres littéraires en persan : un roman, puis une autobiographie de son grand-père Babur, et, enfin, sa propre biographie (Akbar-name), due à son conseiller et ami Abul-Fazl. Sans doute exista-t-il encore d’autres manuscrits impériaux, aujourd’hui perdus, comme le « Livre des Merveilles de la Création » de Qazvini.

Âgé, Akbar aura à souffrir de la rébellion ouverte de son fils, Salim, pourtant destiné à régner. Impatient de monter sur le trône, Salim, fils d’Akbar et d’une princesse rajpoute, s’était lui-même proclamé empereur alors qu’il était encore gouverneur d’Allahabad, sur le Gange, et avait fait périr le puissant conseiller de son père, Abul-Fazl.

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