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Les enfants des villes

Une distraction : la pêche à la ligne
Une distraction : la pêche à la ligne

Bibliothèque nationale de France

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Foisonnante et variée, la documentation qui nous est parvenue ne montre pas la ville médiévale sous son meilleur jour. Certes, c’est un centre de culture qui dès le 13e siècle permet aux familles, même modestes, de mettre leurs enfants à l’école et de leur procurer les moyens de mieux gagner leur vie. Mais encore faut-il qu’ils survivent aux premières années de l’enfance…

Les dangers de la ville

Maladies

Malgré des recommandations répétées des pouvoirs publics tout au long du Moyen Âge, les citadins n’hésitent pas à jeter leurs eaux usées par la fenêtre et à laisser leurs ordures dans la rue ; la plupart des égouts sont à ciel ouvert et se déversent dans la rivière où l’on puise l’eau potable. Dans ce milieu insalubre, où la promiscuité et l’exiguïté des logements favorisent la contagion, les maladies se répandent aisément. Elles touchent prioritairement les plus faibles, en particulier les enfants ; c’est ainsi que le retour de peste des années 1361-1363 a pu être qualifié de « peste des enfants » ; en 1418, selon le Bourgeois de Paris, un chroniqueur anonyme, l’épidémie tua essentiellement les jeunes et, à Valréas, en 1419, alors qu’elle n’enlevait qu’un tiers des adultes, elle fit disparaître les trois quarts des petits enfants…

L’enfant malade
L’enfant malade |

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Accidents

L’urbanisme est notamment responsable de nombreux accidents. Les maisons médiévales sont étroites et hautes ; il n’est pas rare qu’un jeune enfant tombe par la fenêtre depuis un étage élevé. Les enfants jouent dehors, car les appartements sont trop petits et sombres : le nombre de fenêtres est réduit et leur taille limitée pour empêcher le froid d’entrer (l’usage du verre à vitre, très coûteux, ne se généralisera que tardivement). Les rues, qui débouchent parfois sur des ports, des quais de rivières ou des puits, sont parcourues à vive allure par des charrettes ou des chevaux. Les animaux domestiques, chiens et porcs, y divaguent sans surveillance et sont responsables de graves morsures, voire de décès. Confrontés à ces conditions de vie, les enfants n’en sortent pas indemnes : chutes dans les puits ou dans les caves, dont les battants horizontaux des portes s’ouvrent à même la rue, mais aussi noyades et accidents de la circulation, sont fréquents.

Accident de la circulation
Accident de la circulation |

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Agressions, kidnappings

L’environnement humain est vraisemblablement plus dur qu’à la campagne et les enfants ne sont pas à l’abri d’actes de malveillance : agressions, voire kidnappings. Pourtant, ce type de crime est plus durement réprimé que tout autre par une justice autrement clémente : « Seuls les crimes capitaux contre la famille, l’enfance, la propriété, plaçaient le délinquant en marge de la société. » Les criminels d’enfants sont souvent frappés de sanctions terribles, comme d’être enterrés vivants. La guerre, enfin, civile ou militaire, chasse périodiquement les familles de leurs foyers : les enfants sont les premières victimes des violences du temps.

La montée de la pauvreté

L’essor des villes, entre le 11e et le 13e siècle, assure un bon niveau de vie à ses habitants. Mais, malgré quelques décennies glorieuses, juste après la Peste noire (1348) et jusque dans les années 1460, la pauvreté s’accroît. Les pauvres constituent alors plus de la moitié de la population de villes françaises comme Dijon (sans compter les mendiants) et près de 80 % de celle de villes allemandes comme Augsbourg. Cette augmentation conduit à redouter et à rejeter les pauvres, auparavant bien intégrés, mais devenus trop nombreux. On considère désormais qu’il existe de « mauvais pauvres », ceux qui ne travaillent pas, si bien que la charité se porte davantage sur les enfants, estimés innocents, que sur leurs parents, jugés premiers coupables de leur état, surtout s’ils sont valides.

Le mendiant et son enfant
Le mendiant et son enfant |

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Orphelins et sans-abris

Les enfants souffrent en effet des malheurs du temps, épidémies, vagues de froid, sans oublier le chômage endémique qui réduit les familles à la famine. Au 14e siècle, avec la Peste noire, les orphelins s’étaient multipliés ; au 15e siècle, ce sont les enfants sans-abri qui attirent la compassion des bourgeois. Dans les périodes de crise, la malnutrition entraîne une surmortalité infantile et des abandons en plus grand nombre. Le Journal du Bourgeois de Paris, écrit entre 1405 et 1449, porte témoignage de l’existence difficile des petits Parisiens de cette période : les enfants dorment entassés par dizaines sur les tas de fumier, qui dégagent un peu de chaleur, en pleurant et en criant : « Hélas, je meurs de faim » …

Mendiants

Dès le 14e siècle, les grands aristocrates commencent à prendre conscience de la pauvreté dans les villes et du sort des enfants. Les femmes de la noblesse ou de la haute bourgeoisie sont incitées à pratiquer la charité pour assurer le salut de leur âme et, par contrecoup, la survie des mendiants. Leurs livres d’économie domestique et d’éducation exigent qu’elles donnent une obole aux pauvres, notamment au premier qu’elles rencontreront, le matin, sur le chemin de l’église. Aussi les mendiants s’installent-ils dès le petit jour dans les rues les plus riches de la ville pour retourner, le soir venu, dans leurs logements exigus aux marges de la cité. Parmi eux se glissent de faux mendiants, qui simulent un handicap physique pour attirer la pitié des passants ; de même, des mendiantes se déguisent en femmes enceintes.

Le mendiant père de famille nombreuse
Le mendiant père de famille nombreuse |

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L’aumône à l’enfant pauvre : un petit pain
L’aumône à l’enfant pauvre : un petit pain |

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S’il est accompagné de ses enfants, surtout en bas âge, le mendiant suscite plus facilement la pitié. À la fin du 15e siècle, on accuse certains mauvais pères de forcer leurs enfants à mendier et de leur apprendre à pleurer et à gémir en les menaçant de les battre jusqu’à leur briser les os : « d’un bras en ferait deux », dit Sébastien Brant dans sa Nef des fous. Mais tous les mendiants ne traitent pas leur progéniture avec autant de cruauté, et pouvoir mendier en famille reste un privilège pour les enfants démunis, qui au moins ne vivent pas seuls. D’autres ont moins de chance : dans les grandes villes, orphelins souvent, ils sont laissés à eux-mêmes et doivent se contenter de grappiller des ordures qu’ils disputent aux cochons – et aux adultes.

La ville secourable

Aider les enfants pauvres

Devant cette misère, de très nombreux organismes de charité sont fondés par des particuliers ou par les municipalités. En Italie, des notables laïques se chargent de distribuer de la nourriture et des vêtements, soit à domicile, soit dans des bureaux de quartiers. À Paris, de riches bourgeois mus par la compassion fondent quatre maisons hospitalières pour les enfants pauvres ; ces derniers y trouvent des pièces chauffées, des lits, des repas réguliers et des soins médicaux. Mais chacun de ces établissements ne dispose que d’une cinquantaine de lits : chaque institution charitable ne peut sauver au mieux que quelques dizaines d’enfants à la fois.

Le médecin et l’enfant
Le médecin et l’enfant |

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Les autorités municipales prennent quelquefois conscience du caractère quasi héréditaire de la pauvreté ; les enfants pauvres sont piégés dans leur état et le perpétuent, car ils ne possèdent pas les armes nécessaires (instruction primaire, mise en apprentissage) pour en sortir. À la fin du 15e siècle, les édiles tentent parfois de séparer les enfants de leurs parents trop pauvres, comme à Strasbourg, mais l’expérience, plus inhumaine qu’efficace, sera abandonnée faute de fonds. Au 16e siècle, alors que la mendicité est interdite en ville, sont fondées des « Aumônes des enfants ».

Recueillir les enfants abandonnés

Dès le 8e siècle, en Italie comme dans l’Empire carolingien, quelques hôpitaux se sont donnés pour mission de recueillir les enfants abandonnés. Fondés par de grands aristocrates, ils sont gérés par des hommes d’Église. Les administrateurs se chargent de trouver des nourrices, puis d’élever et d’instruire ces enfants, du moins ceux qui ont réussi à survivre car beaucoup d’entre eux meurent en bas âge. Selon leur sexe, ils sont même dotés ou formés à un métier. Mais ces hôpitaux demeurent rares. Il faut attendre 1071 pour que soit fondé l’ordre spécialisé du Saint-Esprit, puis les 12e-13e siècles pour que ses hôpitaux s’organisent en réseau ; enfin, au 13e siècle, plusieurs dizaines de ces établissements sont ouverts.

La noyade des enfants sans baptême
La noyade des enfants sans baptême |

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La pêche aux nouveau-nés
La pêche aux nouveau-nés |

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Les enfants abandonnés sont assez peu nombreux. À Chartres, par exemple, on ne compte guère plus de deux cas par an avant les années 1470. Leur nombre s’accroît de manière exponentielle avec l’augmentation de la pauvreté, si bien que les structures spécialisées deviennent indispensables à la fin du Moyen Âge. Au 15e siècle, l’Italie, la Flandre et la France du Nord sont particulièrement bien desservies. Un manuscrit enluminé, copie du 17e siècle d’un exemplaire dijonnais peint au 15e siècle, relate la fondation et la vie quotidienne de l’hôpital du Saint-Esprit de Dijon, fondé par le duc de Bourgogne sur un modèle romain.

Mais il ne faut pas exagérer l’efficacité de ces établissements. Paris, la plus grande ville d’Europe, a attendu le courant du 15e siècle pour se doter d’un tel hôpital, et celui-ci n’accueille que cinquante à soixante-dix enfants. Bien que des médecins soient employés par ces structures, et que le souci des enfants soit indéniable, beaucoup d’entre eux y meurent de maladie. Malgré l’accroissement, dès le 13e siècle, du nombre des médecins, la plupart des familles préfère, par religiosité et en raison du coût élevé de leurs soins, faire appel aux miracles des saints dans les grands sanctuaires urbains.

La visite de l’hôpital du Saint-Esprit de Rome
La visite de l’hôpital du Saint-Esprit de Rome |

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L’hôpital du Saint-Esprit de Dijon
L’hôpital du Saint-Esprit de Dijon |

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Les enfants au travail

Très tôt, les enfants aident leurs parents à l’atelier ou à la boutique, mais ils n’exercent pas de véritable métier avant l’adolescence.

Premières activités

Les enfants sont mis à contribution dès leur plus jeune âge : ils aident à porter la marchandise et font les courses. Dès qu’ils ont acquis à l’école les rudiments de la lecture et du calcul, vers 8 ou 10 ans, ils peuvent même tenir la boutique et vendre des denrées en l’absence de leurs parents. Ils accompagnent également leur mère au marché hebdomadaire. C’est en effet aux femmes qu’est traditionnellement dévolue la responsabilité de commercialiser les produits fabriqués par leur mari. Cette tâche n’est pas du tout dévalorisante, puisqu’elle implique qu’elles sachent compter pour recevoir et rendre la monnaie, lire et écrire pour noter les dettes (beaucoup de citadins de la fin du Moyen Âge ne survivent que grâce à l’endettement).

La famille du menuisier
La famille du menuisier |

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L’apprentissage

L’âge idoine

Philippe de Novare, au 13e siècle, affirme que l’on doit « à l’enfant apprendre tel métier qui convient à sa position sociale et on doit commencer le plus tôt possible ». Mais ce conseil est peu suivi dans le cas des gens de métiers, car les artisans et les marchands se méfient de la mauvaise qualité des produits manufacturés par des enfants. Ainsi, sauf conditions familiales particulières (les orphelins, qui doivent être placés auprès d’une famille d’accueil), les garçons sont rarement mis en apprentissage avant 13 ans. L’âge des apprentis fluctue entre 14 et 25 ans, avec un placement en moyenne vers 15-16 ans : légalement, il s’agit donc d’adultes. Les filles, en revanche, peuvent être confiées beaucoup plus jeunes, entre 8 et 12 ans, à des personnes de confiance (prêtres, couples de bourgeois) pour apprendre à faire le ménage ou les travaux d’aiguille.

Le marchand de lard
Le marchand de lard |

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Les enfants sont surtout placés dans les métiers de bouche, l’artisanat et le commerce, notamment les activités textiles. Celles-ci ne sont pas – hormis le filage – réservées aux fillettes : le tissage et même la broderie sont aussi des métiers masculins. Les jeunes apprentis de ces grandes industries (les « enfants de fabrique ») apportent de la laine aux fileuses avant de porter le fil obtenu chez les tisserandes.

De futurs concurrents

Tous les enfants ne sont pas mis en apprentissage. En règle générale, ils apprennent le métier avec leur père. S’ils sont trop nombreux, les plus jeunes sont confiés à des confrères. Mais, dans les boutiques, le nombre des apprentis est strictement contingenté pour ne pas concurrencer et défavoriser les maîtres qui ne pourraient en accueillir qu’un seul, faute de place. Aussi, dans certains métiers, l’entraide exige qu’on n’engage comme apprenti qu’un fils ou une fille de gens de la même profession ; c’est le cas des filles de corroiers (fabricants de courroies). Les filles comme les garçons peuvent être mises en apprentissage artisanal, mais il leur est parfois interdit de reprendre une activité semblable à celle de leurs parents, pour ne pas leur faire concurrence…

Rue marchande au début du 16e siècle
Rue marchande au début du 16e siècle |

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Une deuxième famille

Les apprentis vivent dans la famille du maître. Ce dernier doit leur enseigner son métier sans leur dissimuler aucun secret de fabrication. Il s’est engagé contractuellement, devant notaire, à se comporter avec eux « comme un père » et parfois même à leur faire donner des leçons de lecture, d’écriture, voire de grammaire (c’est-à-dire de latin), en échange d’une somme, souvent importante, concédée par les parents. Les apprentis passeront plusieurs années chez lui. Au 13e siècle, le Livre des métiers d’Étienne Boileau précise la durée de l’apprentissage pour chaque profession ; dans la majorité des cas, la durée varie de huit à dix ans ! À la fin de l’apprentissage, l’apprenti deviendra un « valet ». Seuls les fils de maîtres de métier peuvent accéder à leur tour à la maîtrise ; à l’extrême fin du Moyen Âge, même en ville, il existe peu de possibilités d’ascension sociale.

La bagarre des apprentis orfèvres
La bagarre des apprentis orfèvres |

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Brutalité, brimades ou exploitation n’épargnent pas toujours les jeunes apprentis. Cependant, les maîtres violents risquent de passer en justice sur plainte des enfants, après expertise médicale. Peu d’artisans peuvent se permettre d’être condamnés, au risque de perdre leur revenu et d’être mis au ban de leur milieu professionnel, très surveillé et n’hésitant pas à recourir à des moyens coercitifs. Enfin, les confréries protègent les veuves et les orphelins de gens de métiers, grâce à une assurance matérielle financée par l’ensemble des artisans d’une même branche.

Les distractions

Un vaste terrain de jeu

Si la ville est dangereuse, elle est aussi un vaste terrain de jeu où les enfants, laissés très jeunes beaucoup plus libres qu’aujourd’hui de circuler de manière autonome, peuvent se baigner, pêcher à la ligne (une distraction nobiliaire autant qu’une activité paysanne), patiner en hiver dans les fossés, courir en bandes, jouer aux billes ou au cerceau…

Ils récupèrent des sous-produits des activités commerciales ou artisanales pour en faire des jouets : une vessie de porc, une fois gonflée, devient un beau ballon ; un cercle de tonneau fait un cerceau très convenable.

Une distraction : la pêche à la ligne
Une distraction : la pêche à la ligne |

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Jeunes gens apprenant à nager dans les fossés d’une ville
Jeunes gens apprenant à nager dans les fossés d’une ville |

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Une scène de théâtre

Les enfants spectateurs

Les jours de marché, les enfants se laissent captiver par les spectacles de marionnettes, les bonimenteurs, les funambules, les acrobates, les montreurs d’animaux savants, domestiques ou sauvages. Ils assistent également aux « entrées royales », le nouveau roi étant parfois à peine plus âgé qu’eux, ainsi qu’aux fêtes d’adoubement où de jeunes nobles sont sacrés chevaliers par centaines, comme en 1313. Le spectacle de la rue a de quoi fasciner la jeunesse : ludiques, politiques ou religieuses, les représentations gratuites de tous ordres sont monnaie courante. Les processions festives et les jeux qui scandent et interrompent le temps du travail sont l’occasion d’assurer la cohésion et d’affirmer l’identité d’une ville ou d’un quartier, et de renouveler l’adhésion à la foi en participant aux fêtes religieuses. Il existe en effet au Moyen Âge un lien étroit entre la religion et la fête.

Le montreur d’ours
Le montreur d’ours |

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… et acteurs

Les enfants ne se contentent pas de regarder passer les processions de pèlerins ou de flagellants, ils participent aussi au déroulement des fêtes religieuses et aux mystères joués sur les parvis. Le jour du carnaval, ils courent derrière les chars et sont même les acteurs des pantomimes qui s’y jouent.

Les enfants sont eux-mêmes acteurs des fêtes urbaines, civiles ou religieuses. Avec les jeunes filles de nobles familles, richement habillées aux frais des associations de métiers, les enfants des bourgeois jouent un rôle actif dans les tableaux vivants des entrées royales. Formant une haie d’honneur au prince et brandissant un panneau peint aux armes de la France, ou installés sur des estrades, ils sont alignés le long des rues, vêtus de robes blanches – symbole d’innocence – et couronnés de fleurs. Il en va de même lors des baptêmes, et même lors des funérailles royales : tous les enfants de la ville, cette fois vêtus de noir, sont invités à s’incliner sur le passage du convoi. Ainsi participent-ils pleinement au deuil général, dans une intimité avec les rites de la mort inimaginable aujourd’hui.

Entrée triomphante de Louis XII
Entrée triomphante de Louis XII |

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Lors de fêtes données en l’honneur des rois, les enfants des villes sont les acteurs de tournois burlesques, tel le « tournoi d’enfants qui n’avaient pas plus de dix ans », donné en représentation à Paris en 1331. On les voit opposés en courses publiques, qui succèdent en général aux concours de lutte ou de tir et aux courses à pied des prostituées municipales, au grand amusement des bourgeois.

Civisme et incivisme

Un rôle politique et social

Dans la ville, les enfants et les adolescents ne sont pas de simples résidents privés de toute fonction sociale. Nombreux, ils disposent d’un certain pouvoir et sont même susceptibles de jouer un rôle lors des grandes crises, telle la lutte entre les Armagnacs et les Bourguignons à Paris, au début du 15e siècle. Ils participent aux combats de rue et sont chargés par les différents partis en présence de lancer des slogans politiques pour ou contre le duc de Bourgogne ; mais, bien que courant plus vite et plus habilement que des adultes armés, ils ne peuvent pas toujours échapper à la vindicte de ceux qu’ils stigmatisent et sont bien souvent entraînés dans de dangereuses émeutes, où ils se retrouvent foulés aux pieds et blessés.

Assassinat d’Étienne Marcel
Assassinat d’Étienne Marcel |

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Faire respecter l’ordre moral

À l’extrême fin du Moyen Âge, les jeunes garçons sont de plus en plus souvent chargés de faire respecter l’ordre moral ; ils s’en acquittent avec toute la violence de leur âge – mais c’est une violence au service des adultes…

En 1494, par exemple, menés par le prédicateur et réformateur Savonarole, ils parcourent Florence le jour du carnaval et exigent de la population qu’elle leur remette les « vanités » dont elle est encombrée : bijoux, jeux de dés et livres déviants sont ensuite jetés dans un grand feu (appelé bûcher des vanités), sorte de bûcher cathartique. Toujours en Italie, les jeunes garçons sont présents lors des exécutions capitales, données comme de vivants exemples de morale publique : on conseille aux pères d’y emmener leurs fils ; ce sont encore les bandes d’enfants menées par Savonarole qui se chargent de dépendre les corps des condamnés, de les martyriser post mortem et de propager ainsi à travers les rues de la ville, par la terreur, une terrible leçon de morale à l’usage de ses habitants.

Charivari pour les noces de Fauvel
Charivari pour les noces de Fauvel |

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Charivari pour les noces de Fauvel
Charivari pour les noces de Fauvel |

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Bien que des enfants assistent également aux supplices publics en Flandre et en France, ils ne sont pas investis d’une telle charge. Ils sont pourtant impliqués très jeunes dans les charivaris destinés à sanctionner les couples de nouveaux mariés d’âges ou de milieux sociaux trop différents ; c’est à eux de révéler publiquement les mœurs par trop légères des jeunes filles à marier en les signalant à l’attention de tous, le 1er mai, par des branches d’épineux placées devant leur porte – alors que celles des femmes aux mœurs inattaquables sont joliment fleuries.

Les jeunes garçons courent derrière les femmes trop coquettes ou les prostituées, pour leur faire abandonner leurs parures d’un luxe excessif, ne laissant pas d’injurier les filles de joie et même de les bousculer dans la poussière ou la boue des rues, ce qui, à Avignon, portait le nom trivial de batacule ! Ces « fillettes » coursées par les gamins d’Avignon ou d’ailleurs, seront aussi la cible de la jeune Jeanne d’Arc, qui les poursuivit à cheval pour les chasser de la cité.

Jeanne d’Arc battant les prostituées
Jeanne d’Arc battant les prostituées |

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La délinquance juvénile

L’âge tardif au mariage pousse aussi les jeunes gens à se livrer des batailles en règle et à pratiquer le viol collectif, malgré l’existence des « bordelages » urbains. Les plus jeunes se livrent à des déprédations de tous ordres (vols ou casse) ; la justice est clémente envers eux, la jeunesse excusant tout excès, mais l’Église n’hésite pas à sévir et à excommunier ceux qui s’attaquent aux édifices ecclésiastiques, soit qu’ils prennent les statues du portail comme buts de leurs jeux de ballon, soit qu’ils brisent les vitraux en tirant à la fronde sur les oiseaux…

La société réagit en instituant des systèmes d’encadrement de plus en plus stricts. Au 15e siècle sont créées des confraternités de jeunesse qui ont pour mission de « conserver l’heureuse tranquillité du peuple » et de « gouverner honnêtement la jeunesse ». Dans les villes italiennes, ces confréries sont ouvertes aux jeunes à partir de l’âge de 12 ans. Ils participent aux processions et au théâtre urbains, montent des représentations costumées, pour le carnaval, où ils mettent en scène l’histoire sainte ou la vie des saints. Partout en Europe, dès l’âge de 14 ans, les garçons sont embrigadés dans la défense de la ville.

Exercices de tir à l’arc
Exercices de tir à l’arc |

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Ainsi, le rôle social des enfants et des adolescents monte en puissance au cours du dernier siècle médiéval, sans pour autant que leur soit dévolue la moindre autorité individuelle : le pouvoir reste, et pour longtemps, l’apanage des adultes mûrs, voire des hommes âgés. Cependant, des progrès sont en germe. La ville va voir s’accroître, à la Renaissance, son double rôle, à la fois secourable et formateur, dans la protection de l’enfance. Au 16e siècle sont créées des « Aumônes des enfants » pour les orphelins et les abandonnés ; les écoles se multiplient, les collèges comme lieux d’enseignement s’instaurent, les livres scolaires se diffusent davantage grâce à l’imprimerie, confirmant, en les magnifiant, les acquis déjà non négligeables du monde médiéval.

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