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Une histoire de la langue élamite au travers des inscriptions

La langue élamite dans l'histoire
L'élamite dans son histoire
L'élamite dans son histoire

Bibliothèque nationale de France

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L’immense majorité du corpus d’inscriptions élamites connu, quelle que soit l’époque, correspond à des textes royaux ou administratifs, généralement répétitifs, qui ne permettent pas d’appréhender l’ensemble de la langue. Ils peuvent toutefois être considérés selon une grille chronologique liée à des phénomènes politiques et historiques.

Période ancienne ou paléo-élamite (vers 2300-1500 av. J.-C.)

Cette époque correspond à la phase la plus ancienne de la langue connue par l’écriture. Elle est alors caractérisée par une intéressante situation de digraphie : tout d’abord notée par l’écriture locale traditionnelle, l’élamite linéaire ou écriture proto-iranienne récente, la langue élamite est ensuite écrite grâce à l’écriture cunéiforme mésopotamienne, importée en Susiane suite à la conquête de cette région par Sargon d’Akkad, vers 2300 av. J.-C.

Découverts à Suse, Kam-Firouz, Marv Dasht, Shahdad et Konar Sandal (Jiroft), les quarante-trois textes connus rédigés avec l’écriture proto-iranienne récente datent des années 2300 à 1880 av. J.-C. et sont associés à plusieurs rois connus par ailleurs. Ils prouvent que cette langue et ses dialectes avaient été au moins parlés dans toute la moitié sud de l’Iran actuel.

Galet à décor de serpent
Galet à décor de serpent |

Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Galet au nom du souverain Pouzour-Soushinak
Galet au nom du souverain Pouzour-Soushinak |

Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / image RMN-GP

Le plus ancien texte élamite en écriture cunéiforme, dit « traité de Narām-Suen », n’a probablement pas été rédigé par un locuteur de cette langue, mais par un scribe mésopotamien, qui l’a notée comme une langue étrangère, de manière presque entièrement phonétique. Il a été découvert à Suse, où était peut-être située la chancellerie akkadienne en charge des affaires orientales. Bien que difficile à comprendre, iI s’agit probablement d’un serment prononcé par un dirigeant (dont le nom n’a pas été conservé à cause de l’état lacunaire du texte) d’un État situé sur le plateau iranien, peut-être le roi de Marapsha(y)i (ou Marhashi). Rival du souverain mésopotamien pour la domination dans le sud de l’Iran, ce souverain s’adresse au roi d’Akkad, Narām-Suen (vers 2250-2200 av. J.-C.) en prenant à témoin une quarantaine de divinités. Il lui dit notamment : « l’ennemi de Narām-Suen (est/sera) mon ennemi, l’ami de Narām-Suen (est/sera) mon ami ». Il est possible que le royaume de Marapsha(y)i conservait la contrepartie akkadienne du serment.

Traité de Narām-Suen
Traité de Narām-Suen |

© 2008 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

L’adoption réelle de l’écriture cunéiforme par les habitants du sud de l’Iran pour noter leur langue ne semble commencer réellement que vers 2100/2000 av. J.-C. Originellement développée pour retranscrire, en Mésopotamie, la langue sumérienne, avant d’être plus tard empruntée et modifiée pour enregistrer l’akkadien, l’écriture cunéiforme n’est pas bien adaptée à l’élamite, très différent du sumérien et de l’akkadien quant aux sons utilisés par cette langue.

De 2000 à 1500 av. J.-C., nous disposons de rares textes élamites en écriture cunéiforme. Il s’agit principalement de textes royaux, notés sur des vases en argent, des stèles de pierre ou des tablettes en argile.

Période moyenne ou médio-élamite (vers 1500-1000 av. J.-C.)

Fragment de brique inscrite
Fragment de brique inscrite |

© The Trustees of the British Museum / CC BY-SA 4.0

À cause du nombre important de textes, essentiellement royaux, connus à cette époque, celle-ci est parfois considérée comme une phase « classique » de la langue élamite. Quelques cent soixante-quinze textes royaux, généralement stéréotypés, sont en effet à notre disposition, inscrits sur des briques, stèles, bas-reliefs, statues et de petits objets votifs. Ils ont été principalement découverts dans le sud-ouest de l’Iran actuel, à Suse et Chogha Zanbil notamment.

En Susiane, la langue élamite ne semble plus avoir été notée pendant quelques siècles autour du milieu du 2e millénaire av. J.-C. Ainsi, les textes découverts à Kapnak (actuelle Haft Tépé), occupé avant 1375 av. J.-C., avaient tous été rédigés en akkadien. C’est apparemment  le roi Humpan-u-mena (règne vers 1360-1340 av. J.-C.) qui fut le premier à ré-introduire en Susiane des inscriptions en langue élamite.

Un lot de 200 tablettes en langue élamite, daté entre 1100 et 1000 av. J.-C., a également été découvert à Anzan (Tal-e Malyan) : il s’agit essentiellement de textes administratifs.

Période récente ou néo-élamite (vers 1000-550 av. J.-C.)

Cette époque correspond à l’arrivée de nouvelles populations de langue iranienne sur le Plateau iranien. Une trentaine d’inscriptions royales en langue élamite sur brique ou stèle sont connues à Suse et liées aux noms de différents souverains. Des inscriptions élamites rupestres de personnes de haut rang ont également été retrouvées.

Un lot de 300 tablettes administratives en élamite, traitant d’armes et de tissus et datable entre 700 et 550 av. J.-C., a également été découvert sur l’Acropole de Suse. De nombreux noms perses y sont mentionnés. Une grande partie de ces documents ont sûrement été rédigés après la destruction de Suse par les Assyriens en 646 av. J.-C.

Des lettres en élamite sont également connues à Suse, Ninive et Armavir Blur en Arménie, alors que des sceaux-cylindres avec des inscriptions en élamite ont été retrouvés à Suse et Persépolis. Enfin des objets métalliques portant des inscriptions en élamite ont été découverts dans les tombes d’Arjan (vers 600-575 av. J.-C.) et Jubaji (vers 600-525 av. J.-C.) ainsi que dans la grotte de Kalmakara.

Période achéménide (550-330 av. J.-C.)

À cette époque, la langue élamite subit une importance influence de la langue vieux-perse, ainsi que de l’araméen, dans son lexique et sa syntaxe. Des inscriptions royales achéménides trilingues (vieux-perse, élamite, akkadien) sont connues à Bisotun, Suse, Pasargades, Persépolis et Naqsh-e Rostam. La plus récente, commanditée par le roi Artaxerxés III (358-337 av. J.-C.) pour sa tombe à Persépolis, reprend un modèle plus ancien et semble presque archaïque, dans un monde linguistique où le vieux-perse commence alors à dominer.

Inscription trilingue de Pasargades
Inscription trilingue de Pasargades |

Wikimedia Commons / Turth Seeker & Dmk121 / CC BY-SA 3.0

À Persépolis, deux importants lots de tablettes cunéiformes en élamite documentent cette époque. Il s’agit là d’archives : les tablettes des fortifications (datées de 509 à 494 av. J.-C.), traitant du système de rationnement de la région de Persépolis, et les tablettes de la trésorerie (datées de 492 à 458 av. J.-C.), concernant principalement des paiements en argent faits à des travailleurs. Des fragments de tablettes administratives en langue élamite ont également été récemment découverts à Kandahar (actuel Afghanistan).

Période post achéménide (330 av. J.-C.-1000 ap. J.-C.)

À partir de cette période, l’élamite n’est plus attesté dans des inscriptions, mais des éléments indirects témoignent d’un certain maintien de la langue comme des inscriptions en alphabet grec rapportant des noms élamites ou les mentions dans des sources arabes de la langue khouzi, probable forme récente de l’élamite.