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Le Pèlerinage de Childe Harold

Lord Byron
Lord Byron au bord de la mer hellénique
Lord Byron au bord de la mer hellénique

© akg-images / De Agostini Picture Lib. / A. Dagli Orti 

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La publication des deux premiers chants du Pèlerinage de Childe Harold en 1812 vaut à Byron une renommée immédiate et inattendue – Byron confie plus tard : « je me réveillais un matin et découvris que j’étais célèbre ». Ce long poème narratif raconte le périple à travers l’Europe d’un jeune noble désabusé et prématurément vieilli par une vie de débauche.

Constitué de quatre chants, publiés entre 1812 et 1818, Le Pèlerinage de Childe Harold comporte une forte part autobiographique : le personnage devait à l’origine s’appeler Childe Burun et Byron incorpore dans son poème ses impressions de voyage provenant du « Grand Tour » qu’il a effectué en Méditerranée entre 1809 et 1811.

Le héros byronien

Le poème impose dans toute l’Europe le modèle du « héros byronien », personnage mélancolique et sombre, qui refuse le système politique et l’état des mœurs de son époque. Mais Childe Harold se distingue des figures plus méditatives et idéalistes comme le Werther (1770) de Goethe. Le héros byronien est en effet un héros actif, qui cherche l’aventure dans les territoires sauvages de l’Europe du Sud ou dans les régions les plus périlleuses : Childe Harold assiste par exemple à la grande bataille de Waterloo, où se décide le destin de l’Europe en 1815.

Je n’aimai point le monde et n’en fus pas aimé...

Lord Byron, Le Pèlerinage de Childe Harold, 1812-1818

Il est aussi un héros paradoxal : poursuivi par la vindicte d’une société qui ne le comprend pas, victime de revers de fortune, il est néanmoins un personnage ambigu sur le plan moral, qu’on soupçonne de méfaits terribles pesant sur sa destinée et l’empêchant d’être heureux. Goethe disait lui-même qu’à la lecture des poèmes de Byron, il ne pouvait que croire que leur auteur était lui-même un meurtrier. Le héros byronien est donc un être à part : il rejette la société, mais la société aussi l’exile parce qu’il a transgressé volontairement les règles qui la régissent. Childe Harold est le premier de ces anti-héros à la fois fascinants et terrifiants que sont l’incestueux Manfred (1817) ou le violent Conrad, héros du Corsaire (The Corsair, 1814).

Un modèle pour les romantiques

Harold en Italie
Harold en Italie |

Bibliothèque nationale de France

Childe Harold a constitué une matrice fondamentale pour le héros romantique : en 1825, Alphonse de Lamartine compose Le Dernier chant du pèlerinage de Childe Harold pour achever le poème de Byron, mort un an plus tôt. Le compositeur Hector Berlioz, quant à lui, s’inspire du poème pour son Harold en Italie (1834). Mais Byron impose aussi dans le genre du poème narratif une vision plus railleuse et distante du romantisme : dans Pan Tadeusz (1834) d’Adam Mickiewicz, les aventures du Childe Harold polonais accentuent l’impossibilité toute byronienne de croire dans les grands idéaux supérieurs qui sont censés donner sens à l’existence humaine – par exemple, la femme que l’on imagine en proie aux transports d’une passion interdite est en réalité victime d’une attaque de fourmis. Dans Eugène Onéguine (1825-1832) d’Alexandre Pouchkine, le narrateur étend cette opération de démystification… au héros byronien lui-même, dont le poème dévoile le caractère emprunté et pas moins hypocrite que la société dans laquelle il évolue.

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