Lautréamont, la fulgurance d’un génie

Bibliothèque nationale de France
« Masque » de Lautréamont
Lautréamont, le « prodigieux inconnu », fait partie des auteurs présentés par Remy de Gourmont dans son Livre des masques : portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui. Dans la préface, Remy de Gourmont définit le symbolisme comme « l’expression de l’individualisme dans l’art ». En l’absence de photographies de Lautréamont, Vallotton imagine son portrait.
« C’était un jeune homme d’une originalité furieuse et inattendue, un génie malade et même franchement un génie fou. […] La valeur des Chants de Maldoror, ce n’est pas l’imagination pure qui la donne féroce, démoniaque, désordonnée ou exaspérée d’orgueil en des visions démentes, elle effare plutôt qu’elle ne séduit […] Cette valeur que je voudrais qualifier, elle est, je crois, donnée par la nouveauté et l’originalité des images et des métaphores, par leur abondance, leur suite logiquement arrangée en poème, comme dans la magnifique description d’un naufrage. » (Remy de Gourmont, Le Livre des masques, Paris, Mercure de France, 1896-1898)
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Enfance sud-américaine
Lautréamont, de son vrai nom Isidore Ducasse, est né le 4 avril 1846 à Montevideo (Uruguay) où ses parents sont arrivés quelques années auparavant, avec le flux de migrants du Sud-Ouest de la France à la recherche d’un avenir meilleur. Sa mère est morte trois semaines après sa naissance, dans des circonstances mystérieuses (certains chercheurs avancent la thèse du suicide). Son père, chancelier à la légation de France, jouissait d’une situation matérielle confortable. Le futur auteur des Chants de Maldoror aura passé la moitié de sa vie dans cette capitale sud-américaine où le français se mélangeait chaque jour à l’espagnol, environnement auquel il doit son probable bilinguisme. Durant l’enfance d’Isidore Ducasse, s’abattent sur Montevideo une guerre civile, un siège et le choléra.
Scolarité en France

La Bourse
La Maison Nucingen est un roman sur la spéculation et les banquiers. Le baron de Nucingen, époux de Delphine, fille de Goriot et amante de Rastignac, s’est enrichi grâce à des liquidations et des opérations financières complexes. Nucingen, qui connaît sa liaison avec Delphine, se sert de Rastignac pour faire fructifier ses affaires. Davantage que les coups financiers, la leçon du roman tient dans la puissance du discours affabulateur et la capacité à faire accroire pour venir à bout de ses proies et se tailler la part du lion. La Maison Nucingen paraît le 24 septembre 1838 chez Werdet et fait partie des Scènes de la vie parisienne dans l’édition Furne de La Comédie humaine.
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Premières publications
C’est grâce à cette pension qu’il pourra publier ses travaux. Le Chant premier paraît en 1868 à compte d’auteur (et de manière anonyme), avant d’être republié en 1869 à Bordeaux dans un recueil de poésie, Les Parfums de l’âme, dirigé par Évariste Carrance. L’auteur doit beaucoup se démener pour faire lire son œuvre. Il l’envoie notamment à Victor Hugo, dont il reçoit la réponse encourageante mais passe-partout que le vieux poète avait l’habitude d’envoyer à tous ses correspondants (Lautréamont s’en vengera en éreintant Hugo, « le Funèbre-Échalas-Vert », dans ses Poésies deux ans plus tard). À la grande déception du jeune écrivain, la publication de la première partie de son œuvre passe pratiquement inaperçue.
Ne soyez pas sévère pour celui qui ne fait encore qu’essayer sa lyre : elle rend un son si étrange ! Cependant, si vous voulez être impartial, vous reconnaîtrez déjà une empreinte forte, au milieu des imperfections.

Latréaumont
Latréaumont est un roman historique d’Eugène Sue publié en 1838. L’intrigue s’inspire du complot de Latréaumont visant à renverser Louis XIV, démasqué en 1674.
Isidore Ducasse, dit Lautréamont, auteur des Chants de Maldoror (1869), s’est probablement inspiré du roman de Sue pour créer son pseudonyme.
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Censure des Chants
Prendre un pseudonyme aurait pu aussi être le moyen d’éviter des poursuites : l’œuvre est en effet scandaleuse et son éditeur, effrayé par ses audaces, en bloque la diffusion. L’auteur s’adresse alors à Poulet-Malassis : cet éditeur français résidant à Bruxelles (où la justice de Napoléon III ne pouvait pas le poursuivre), et qui a notamment publié Baudelaire, est une grande figure des lettres libres du 19e siècle. Il accepte la demande de Lautréamont et publie plusieurs annonces vantant la qualité de ses Chants. Mais ses éloges restent inutiles puisqu’ils se heurtent à l’interdiction de vente émise par l’éditeur aussi bien en France qu’en Belgique et en Suisse. Le texte complet ne parvient donc jamais au public, du moins du vivant de l’auteur.
Son influence au 19e siècle a été nulle ; mais il est avec Rimbaud, plus que Rimbaud peut-être, le maître des écluses pour la littérature de demain.

Édition illustrée des Chants de Maldoror
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Provenance
Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017).
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