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Les Diaboliques

Jules Barbey d’Aurevilly
À un dîner d’athées
À un dîner d’athées

Bibliothèque nationale de France

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Recueil d’histoires tragiques et cruelles, paru en 1874, Les Diaboliques rassemblent six nouvelles de Barbey d’Aurevilly : « Le Rideau cramoisi », « Le Plus Bel Amour de Don Juan », « Le Bonheur dans le crime », « Le Dessous de cartes d’une partie de whist », « À un dîner d’athées » et « La Vengeance d’une femme ». Les scènes « diaboliques » sont destinées à horrifier le lecteur et à le persuader de suivre le chemin de la vertu.
 

Un recueil inachevé

La publication des Diaboliques en tant que recueil intervient à la fin de la carrière littéraire de Barbey d’Aurevilly, mais le projet est plus ancien. Il prend forme à la fin des années 1840, au moment de la conversion de Barbey au catholicisme ultramontain. « Le Dessous de cartes d’une partie de whist », écrit en 1848 et publié en 1850 en feuilleton dans La Mode, est ainsi pensé pour faire partie d’un ensemble, que Barbey intitule d’abord Ricochets de conversations. Les autres Diaboliques sont composées plus tard, entre 1863 et 1873. Certaines ont d’abord paru dans la presse (« Le Plus Bel Amour de Don Juan », 1867 ; « Le Bonheur dans le crime », 1871), avant d’être insérées dans l’ouvrage publié chez Dentu, en 1874. D’autres sont inédites.

Le Rideau cramoisi
Le Rideau cramoisi |

Bibliothèque nationale de France

À un dîner d’athées
À un dîner d’athées |

Bibliothèque nationale de France

Une note de 1866 mentionne, pour le recueil prévu, dix nouvelles : « Le Rideau cramoisi », « Le Dessous de cartes d’une partie de whist », « Le Plus Bel Amour de don juan », « Entre adultères », « Les Deux Vieux Hommes d’État de l’amour », « Le Bonheur dans le crime », « L’Honneur des femmes » (qui devient « La Vengeance d’une femme »), « Madame Henri III », « L’Avorteur » et « Valognes » (qui devient « À un dîner d’athées »). Seulement six de ces nouvelles verront le jour. Les quatre non publiées ont malgré tout laissé une trace dans les autres récits.

Histoires de passions scandaleuses

La période d’écriture de la majorité des Diaboliques correspond à un bouleversement profond dans la vie de Barbey, dont la posture politique et esthétique se durcit. L’évolution du titre du recueil (des Ricochets de conversation aux Diaboliques) rend compte d’une réorientation globale du projet : ces récits ne sont plus envisagés dans leur dimension mondaine, mais dans leur dimension religieuse et apologétique. Cependant, Les Diaboliques, parfaitement orthodoxes du point de vue d’une conception maistrienne du catholicisme, sont lues par un public qui n’adhère plus à la religion du péché mais au dogme de la vérité de la foi.

Quand on aura lu ces Diaboliques, je ne crois pas qu’il y ait personne en disposition de les recommencer en fait, et toute la moralité d’un livre est là…

Jules Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques, préface, 1874

Les Diaboliques
Les Diaboliques |

Bibliothèque nationale de France

Publié sous le régime de l’ordre moral, en 1874, le livre reçoit dans un premier temps un accueil favorable. Mais dans un article du Charivari, le 24 novembre, Paul Girard s’en prend à la moralité de l’ouvrage, malgré les précautions de la préface où Barbey souhaitait que son œuvre inspire « l’horreur des choses qu’elle retrace ». L’auteur est inculpé, avec son éditeur, pour outrage à la morale et aux bonnes mœurs, et le parquet donne l’ordre de saisir les exemplaires encore disponibles. Pour éviter un procès, Barbey fait appel à ses relations (Arsène Houssaye puis Gambetta) et insiste sur la moralité de son œuvre, qu’il estime propre à détourner les lecteurs des passions criminelles qui y sont peintes. Il bénéficie d’un non-lieu prononcé le 21 janvier 1875, mais les exemplaires saisis ont été détruits ; il faut attendre 1882 pour que Les Diaboliques reparaissent, accompagnées, cette fois, de gravures réalisées par Félicien Rops.

Un projet moraliste

La Vengeance d’une femme
La Vengeance d’une femme |

Bibliothèque nationale de France

Ces histoires tragiques, destinées à provoquer l’horreur de la passion, mettent en scène la mort d’amour, le déchaînement de la cruauté, l’avilissement volontaire, de sordides secrets de famille et la transgression de toute forme de piété : le destin des personnages de Barbey illustre un sentiment violent et profond de décadence. Alors que la démocratie progresse et rejette l’Ancien Régime dans le passé, Barbey d’Aurevilly combat une modernité qui signifie pour lui péché, renoncement à toute grandeur et fin de toute noblesse. Moraliste, il conçoit ses diaboliques comme autant de contes cruels destinés à provoquer un sursaut moral et spirituel. Contre le « tremblement du mélodrame moderne, qui se fourre partout, même dans le roman » (préface des Diaboliques), il veut faire de ses nouvelles un repoussoir, en présentant au lecteur un répertoire de figures du mal, « un petit musée de ces dames, — en attendant qu'on fasse le musée, encore plus petit, des dames qui leur font pendant et contraste dans la société, car toutes choses sont doubles ».

Enchâssement des récits

L’écrivain prépare la réception de ses diaboliques par l’usage du récit encadré, commun à ces six nouvelles. Ceci participe de son projet d’« observation vraie » par un moraliste chrétien. En effet, dans les récits cadres, il fait la peinture de salons où se développent des conversations brillantes, et où règne « la puissance du monosyllabe » (« Le Dessous de cartes d’une partie de whist »). Dans ce « royaume de la causerie », il met en scène des débats spirituels sur la vie et la morale : « Chacun de ces moralistes supérieurs, de ces praticiens, à divers degrés, de la passion et de la vie, qui cachaient de sérieuses expériences sous des propos légers et des airs détachés, ne voyait alors dans le roman qu’une question de nature humaine, de mœurs et d’histoire. Rien de plus. Mais n’est-ce donc pas tout ? » (« Le Dessous de cartes d’une partie de whist »).

Le Dessous de cartes d’une partie de whist
Le Dessous de cartes d’une partie de whist |

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À un dîner d’athées
À un dîner d’athées |

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