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Le son de l’orchestre

Concert donné par M. Berlioz dans la salle du Cirque-Olympique aux Champs-Élysées
Concert donné par M. Berlioz dans la salle du Cirque-Olympique aux Champs-Élysées

Bibliothèque nationale de France

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Hector Berlioz est non seulement un compositeur de génie, mais aussi un formidable théoricien de l’art musical. Son Grand Traité d’instrumentation (1844), constitue une Bible pour tous les musiciens qui lui succèdent. Il y donne une description précise de chaque instrument et de sa place au sein de l’orchestre, tout en exposant sa vision novatrice du rôle du chef d’orchestre et de l’acoustique. 

La direction d’orchestre

Naissance d’un chef

Ein Concert im Jahre 1846 !
Ein Concert im Jahre 1846 ! |

Bibliothèque nationale de France

Berlioz n’a pas étudié l’art du chef d’orchestre. Il répète souvent, dans ses Mémoires, que ses études au Conservatoire ne lui ont pas appris grand-chose. Son expérience se forme donc au contact des partitions de Gluck et en se rendant aux concerts, où il s’assoit au milieu de l’orchestre pour observer les musiciens. Et très vite, il prend conscience de tout ce qui ne va pas. Il innove dès 1829, dans les Huit Scènes de Faust, en concevant les groupes instrumentaux comme des ensembles autonomes et en créant de nouvelles combinaisons sonores.

Entre 1837 et 1839, il lit le Traité général d’instrumentation et sa suite, de Jean-Georges Kastner. Il décide alors d’écrire son propre traité qu’il publie en 1844 et en 1855, sous le titre Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes. Ses voyages en Allemagne et en Autriche-Hongrie l’aident à approfondir ses idées.

Dès 1839, il est devenu un excellent chef d’orchestre. En 1846, il est sans rival dans ce métier. Il fait de la direction d’orchestre le centre de son activité et, jusqu’à la fin de sa vie, Berlioz dirige avec un engagement total.

L’art de diriger

Mr Berlioz, chef d'orchestre à Paris
Mr Berlioz, chef d'orchestre à Paris |

Bibliothèque nationale de France

En quoi consiste l’art de Berlioz ? La direction orchestrale, auparavant, reposait sur le maître de chapelle. Cette technique ne convient pas aux nouvelles compositions romantiques. Dans son Grand Traité, Berlioz consacre toute une partie à l’orchestre. Son exigence est maximale. Il recherche l’équilibre entre les instruments, en rendant à chacun sa force, son langage, sa voix. L’orchestre est comme un organisme qui doit être dirigé par le chef d’une main de maître. C’est l’idéal du corps qui fonctionne en harmonie et où chaque partie est interchangeable.

Pauvres compositeurs ! Sachez vous conduire et bien vous conduire ! (avec ou sans calembour) car le plus dangereux de vos interprètes, c’est le chef d’orchestre, ne l’oubliez pas.

Berlioz, Mémoires, Pierre Citron (éd.), Paris, Flammarion, 1991, chap. 48

Le chef d’orchestre est un « conducteur-instructeur-organisateur ». Sa technique repose sur la lecture d’une partition d’orchestre, le conducteur et sur l’utilisation d’une baguette, « un petit bâton léger, d’un demi-mètre de longueur » que chaque musicien regarde. Le chef doit « s’arranger de façon à être le centre de tous les rayons visuels ». Il transmet le sentiment rythmique aux musiciens par l’utilisation précise de signes clairs, lesquels désignent « les divisions principales, les temps de la mesure, les subdivisions, les demi-temps ».

Quant aux répétitions, elles sont très méticuleuses et chaque famille d’instruments, chaque chanteur répète séparément.
Si l’art du chef d’orchestre se définit par tout un ensemble de règles techniques précises et exigeantes, l’art de Berlioz est d’avoir su créer « un lien invisible entre les musiciens, les chœurs » et lui. Ressentir, être sensible aux respirations de la musique, respecter la partition, transmettre... c’est à ce prix que le chef « irradie de ses rayons » l’ensemble de l’orchestre.

L’acoustique

La pratique de la direction d’orchestre et sa sensibilité extrême permettent à Berlioz de préciser et d’expérimenter ses idées sur l’acoustique. Il insiste beaucoup sur le fait que chaque instrument ou chaque famille d’instruments est un corps sonore qui dépend de lois physiques précises. Tout est donc lié à l’espace : les timbres d’un instrument, d’une voix, les effets, les silences.

Église des Invalides
Église des Invalides |

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Inauguration de la colonne de la Bastille en mars 1848
Inauguration de la colonne de la Bastille en mars 1848 |

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Une composition doit avoir sa propre mise en scène acoustique. « Il est impossible d’indiquer d’une façon absolue le meilleur groupement du personnel des exécutants dans un théâtre ou dans une salle de concert. », considère-t-il. L’idée est de combiner les masses d’après le style et le caractère de la musique, afin de produire les effets voulus. Dans le Requiem par exemple, Berlioz indique précisément l'organisation orchestrale du Tuba Mirum.

« Le local ne valait rien pour la musique. Le son roulait dans cet édifice circulaire avec une lenteur désespérante, d’où résultaient, pour toutes les compositions d’un style un peu chargé de détails, les plus déplorables mélanges d’harmonies. Un seul morceau y produisit un très grand effet, ce fut le Tuba Mirum de mon Requiem. La largeur de son mouvement et de ses accords le rendait moins déplacé que tout autre dans cette vaste enceinte retentissante comme une église. 

Berlioz, Mémoires, Pierre Citron (éd.), Paris, Flammarion, 1991, chap. 53, à propos d’une salle du Cirque Olympique

Une salle ne peut être trop grande, car le son trop éloigné n’est pas juste. La démesure de certaines salles oblige les musiciens à jouer trop fort, les chanteurs à crier pour être entendus. Par ailleurs, Berlioz n’aime pas les concerts en plein air, qui ne respectent pas l’équilibre entre les masses sonores. Et pourtant, dans sa nouvelle Euphonia, il imagine le cratère de l’Etna transformé en lac à l’acoustique parfaite, « un bassin immense » où la « voix parvenait sans peine du centre aux parties du rivage les plus éloignées »…

De nouveaux instruments

Fabrique d'instruments de musique de M. Sax
Fabrique d'instruments de musique de M. Sax |

Bibliothèque nationale de France

Au début du 19e siècle, les compositeurs romantiques incitent les fabricants à améliorer la qualité sonore des instruments de musique. Cette exigence participe du renouveau de la composition, de l’instrumentation et de l’orchestration, et permet à Berlioz d’inaugurer, entre autres, ses fameux « concerts babyloniens », ou festivals, qui rassemblent quelques centaines de musiciens.
Adolphe Sax est un de ces facteurs célèbres ; ami de Berlioz, il est l’inventeur du non moins célèbre saxophone.

Berlioz a créé un style qui fera école, lequel rompt radicalement avec les théories du 18e siècle. De Wagner aux compositeurs russes, comme Moussorgski ou Tchaïkovski, mais aussi Mahler, Strauss, Saint-Saëns..., tous utiliseront ses innovations.

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « Berlioz, la voix du romantisme » présentée du 17 octobre 2003 au 18 janvier 2004 à la Bibliothèque nationale de France, en partenariat avec Arte, France Musiques et l'Orchestre de Paris-Mogador.

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