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Un interdit de la représentation dans l’islam ?
Les autres sources de l’islam

© Bibliothèque nationale de France
Bleu, rouge, or et vert des décors maghrébins
Le Sahîh, qui contient 2762 hadîth classés par sujet est l’un des plus importants ouvrages de l’islam sunnite et ses manuscrits sont fréquemment enluminés. Les motifs végétaux qui tapissent ce frontispice sont présents au 18e siècle dans l’ensemble du monde arabe et ottoman. Mais la forme carrée et le motif circulaire dans la marge rappellent les décors maghrébins et andalous des siècles précédents.
© Bibliothèque nationale de France
Le Coran fut d’abord la seule autorité religieuse mais, peu à peu, avec l’extension de la communauté musulmane se posèrent des problèmes dont les réponses ne se trouvaient pas toujours dans le Livre saint ; on se tourna alors vers les paroles et les comportements du Prophète que des traditionnistes collectaient et transcrivaient dès la fin du 1er siècle de l’hégire. Mais ce n’est qu’à l’époque abbasside, soit près de deux siècles plus tard, que la tradition prit statut d’autorité.
Hadîth : une science des faits et dits du Prophète
La tradition prophétique combla ce qui n’était pas dit dans le Coran ou en explicita le sens. Ainsi qu’il est affirmé dans le verset coranique1, la vie du Prophète, par son exemplarité, devint le modèle parfait pour chaque musulman : « Croyants vous avez dans l’envoyé de Dieu un beau modèle pour qui espère en Dieu au dernier jour et l’invoque souvent. » La connaissance de la personne de Muhammad, à partir des traditions orales, se développa selon deux axes. Le premier, la Sîra, histoire reconstituée de sa vie, même si elle n’occupe qu’une place relativement minime dans les règles de vie du musulman, contribua largement à construire une certaine image véhiculée au cours des siècles. Ce genre littéraire trouva son aboutissement dans la chronique d’Ibn Hishâm (mort en 833), refonte d’un premier texte disparu d’Ibn Ishâq.

Recueil de tradition sur papier ocre et papier blanc
Ce recueil de hadîth fut composé pour le souverain mamelouk al-Malik al-Zâhir Jaqmaq qui régna au Caire de 1438 à 1453. Cette copie est probablement l’autographe qui lui fut offert. Elle est constituée de cinq cahiers de dix feuillets alternativement ocres et blancs. L’effet recherché consiste à mettre face à face des pages de teintes différentes.
© Bibliothèque nationale de France
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Le second et le plus important, la Sunna, est composé de l’expérience proprement dite de Muhammad. Le problème de la conservation et de la validation des témoignages concernant ses dits et ses faits (hadîth) se posa de bonne heure. Les premières traditions notées par ses compagnons, complétées par d’autres plus récentes, furent rassemblées en recueils mais leur nombre ne cessant de croître, il fallut définir une méthode susceptible de déterminer la fiabilité d’une tradition. Cette discipline, l’une des plus importantes des sciences religieuses, s’élabora à la fin du 2e siècle de l’hégire.
On procéda à l’étude critique de chaque hadîth afin d’en déterminer l’authenticité. Ils furent ensuite classés en très sûrs, bons et douteux et rassemblés, dans la seconde moitié du 9e siècle, en recueils dont le plus célèbres sont les Sahîh (L’Authentique) d’al-Bukhârî (810-870) et de Muslim (816-873). Le premier, d’environ 7 500 hadîths, s’imposa comme la référence textuelle après le Coran ; s’y ajoutent également le Musnad, d’Ibn Hanbal, et le Muwattâ’ (le Chemin aplani), de Mâlik ibn Anas, de statut équivalent.
Un droit islamique : le fiqh
Parallèlement à l’établissement du hadîth et basé sur des sources semblables, s’édifiait peu à peu un droit canonique spécifique. Le fiqh comprend cinq domaines parmi lesquels on trouve les prescriptions religieuses (’ibâdât) et les règles (mu’amâlât) régissant la vie quotidienne et les relations sociales. C’est, semble-t-il, seulement sous les Abbassides au moment où l’Empire musulman centré autour de Bagdad était en plein essor que l’on constate l’existence d’un droit parfaitement élaboré. Auparavant, on continuait probablement à utiliser les droits coutumiers en vigueur au Hedjaz et en Iraq dont plusieurs écoles juridiques portent encore la trace. Le fiqh (droit canon) repose directement sur le Coran et la Sunna. Néanmoins, le premier ne contenant qu’un nombre limité de textes à caractère juridique, il fallut interpréter la Parole divine pour en déduire des principes juridiques et des lois régissant l’ensemble de la communauté. On nomme ijtihâd l’exercice rationnel mis en œuvre par les fuqahâ’ (jurisconsultes) assurant l’adaptation et la continuité de la Loi en cohérence avec les principes établis par le Coran et la Sunna. S’y adjoignent deux sources complémentaires, introduites pour légiférer en cas de vide juridique dans les textes fondateurs : le qiyâs, raisonnement par analogie avec des situations présentes dans le Coran et la Sunna, et l’ijmâ’, consensus de la communauté des croyants. D’autres méthodes peuvent les compléter comme le ra’y, l’opinion rationnelle personnelle, ou l’istihsân, l’appréciation personnelle.

Constitution d’un droit musulman
Ce Coran ne contenant qu’un nombre limité de versets à caractère juridique, on dut élever le hadith, les traditions du Prophète, au rang de seconde source de l’islam pour élaborer un droit islamique. Composé à la fin du 8e sièclesiècle par Mâlik Ibn ’Anas, le Muwattâ’ constitue la première tentative sérieuse de collection de traditions et le corpus juridique y prédomine. Le livre reflète le consensus des savants de Médine dont Mâlik était l’un des représentants et qui est, en fait, une adaptation de l’ancienne coutume médinoise aux besoins de la société musulmane. Il donna naissance à l’une des quatre grandes écoles juridiques de l’islam, le malékisme, majoritaire en Afrique du Nord mais aussi dans une partie de l’Égypte, au Soudan et en Afrique noire, qui se caractérise par son rigorisme.
Le manuscrit de ce texte fondateur réalisé au Maghreb au 14e siècle, est, à l’instar des corans de la même époque, encore copié sur parchemin et enluminé d’or, preuves de l’importance qu’on accordait à l’ouvrage.
Bibliothèque nationale de France
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Des écoles de droit différentes
Parmi le foisonnement d’interprétations, quatre grandes écoles de droit, nées entre 767 et 855, furent retenues et se partagent aujourd’hui le monde islamique sunnite tandis que les chiites ont leur propre école. Chacune propose une manière spécifique de répondre aux questions par le recours aux sources et la manière de les interpréter. Le hanafisme fut fondé par l’imâm Abû Hanîfa (mort en 867) en Iraq ; forcé de s’adapter à des contextes culturels différents de par son éloignement du milieu de naissance de l’islam, il mit l’accent sur le respect des valeurs essentielles, relativisant des notions plus accessoires. Pragmatique, il accorde une grande importance au ra’y, critique et innovant. Considéré comme le plus libéral, il est largement suivi en Turquie, dans les anciennes provinces ottomanes mais aussi en Inde, en Chine et en Asie centrale. Le malékisme, l’école de Mâlik ibn Anas (mort en 765), incarne plutôt la fidélité à une tradition médinoise qui remonte jusqu’au Prophète. Le changement ne s’y conçoit qu’en articulation avec la continuité et doit se justifier par le qiyâs. Ce courant domine aujourd’hui au Maghreb, en Afrique noire et dans une partie de l’Égypte. Al-Shafî’î (mort en 820), disciple de Mâlik, tenta de concilier les deux approches, ce qui constitue la première tentative d’une réflexion épistémologique par un examen méthodique des sources. À la prédominance du Coran et de la Sunna, il ajoute l’ijmâ’ et privilégie l’ijtihâd qui s’efforce d’adapter la loi aux changements de la vie sociale. Longtemps école officielle de la dynastie abbasside, le shafiisme est aujourd’hui implanté en Égypte, en Syrie, en Indonésie et en Malaisie. Dernière née enfin des écoles juridiques, initié par Ibn Hanbal (mort en 855), le hanbalisme en est la plus rigide. Reposant presque exclusivement sur la Révélation et le hadîth, il obéit à une interprétation restrictive de la charia, la loi islamique, non soumise à l’évolution puisque la raison ne doit pas intervenir en matière de religion. D’audience limitée dans l’islam classique, ce dernier courant a connu un renouveau grâce au mouvement wahhâbite, majoritaire en Arabie Saoudite et inspirant les tendances rigoristes et conservatrices qui traversent le monde musulman contemporain.
Les autres sciences religieuses : l’exégèse coranique
L’exégèse coranique joue un rôle important au sein des sciences religieuses. Toujours vivant, le tafsîr, littéralement « clarification », a pour objet d’expliciter le sens des versets, d’en préciser la portée, d’exposer les circonstances et les motifs de leur révélation. Il comporte également de longues discussions linguistiques visant à élucider le vocabulaire, la grammaire, la stylistique coraniques. L’affirmation que le texte n’était pas la transcription humaine d’un message divin mais son énoncé, conférant un caractère sacré à la langue arabe, a fait de la grammaire, non pas une discipline marginale mais un champ entier des sciences religieuses. Nourrie d’une tradition de quatorze siècles, l’exégèse s’est partagée en courants très diversifiés. Le premier, traditionniste, représenté par al-Tabarî (mort en 923), Ibn Kathir (mort en 1373) et al-Suyûtî (mort en 1505), se fonde sur les interprétations fournies par les autorités incontestées de l’islam. Le second, plus spéculatif, accorde une place importante à la théologie et au débat philosophique, principalement chez al-Zamakhsharî (mort en 1144) ou al-Râzî (mort en 1286), tandis que la troisième opère une synthèse entre les deux précédents dans une approche plus mystique et ésotérique.

Versets du Coran en style bihârî
Dans l’Inde musulmane au 16e siècle, on lisait le Coran en arabe mais les commentaires étaient copiés dans la langue utilisée alors, le persan. Texte sacré et exégèse s’unissent ici dans une même page sans pour autant se mêler ; enchâssés dans un cadre central, les versets coraniques sont copiés en larges lettres noires dans une écriture propre à l’Inde, le bihârî ; s’y détachent en lettres d’or les noms se rapportant à Dieu. Tout autour, en biais dans les marges, se déploie le commentaire persan en style naskhî sur lequel tranche vivement l’encre rouge des citations coraniques. Le volume débute et se clôt par deux textes en persan ; le premier servant d’introduction à l’exégèse, le second consacré à la récitation coranique. Spécifique à ces corans dont il ne reste que peu d’exemplaires, le décor use largement de couleurs contrastées : rouge vermillon ou orangé s’opposant à des bleus laiteux ou accolé à des verts à peine séparés par des filets d’or.
© Bibliothèque nationale de France
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Synthèse des grands commentaires du Coran
Le Coran étant au centre de l’édification du savoir en pays d’islam, l’exégèse, le tafsîr (clarification), a pour fonction d’expliciter le sens des versets, d’en préciser la portée et d’exposer les circonstances et les raisons de leur révélation. Elle accorde également une grande part à la discussion linguistique. Reflet des diversités doctrinales qui ont traversé la communauté musulmane mais aussi ouverte aux influences de la philosophie, de la théologie et de la spiritualité, l’exégèse s’est développée en de nombreux courants. Ce recueil, dû à al-Baydâwî, auteur de tradition shafi’te, ne prétend pas faire ouvre originale mais réalise une synthèse des grands commentaires existants ; beaucoup copié et commenté, il connut un large succès. Témoignant de la vitalité de la présence musulmane en Asie centrale, le manuscrit, comme les nombreux autres - souvent à caractère religieux - qui y furent copiés, se distingue par sa reliure cartonnée verte estampée, sa graphie proche du persan et son papier fabriqué localement. Preuves de l’étude studieuse que le livre suscitait, les gloses envahissent la page, se glissant en tous sens dans chaque espace vacant, jusque sur des morceaux de papier insérés dans la reliure pour ne pas tomber.
© Bibliothèque nationale de France
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À la fin du 19e et au 20e siècle, des penseurs réformistes, comme Muhammad Abduh (mort en 1905), ou radicalistes, comme Sayyid Qutb (mort en 1966), utilisent le commentaire pour se positionner face à la modernité, plutôt que de chercher à en renouveler l’étude critique. À l’époque contemporaine, sous la double influence des progrès de l’exégèse biblique et de l’apport des sciences humaines, s’opèrent des orientations nouvelles. La première d’entre elles concerne l’établissement du corpus coranique et une certaine remise en cause de la façon dont il est présenté dans les sources musulmanes. La seconde tendance, représentée entre autres par Muhammad Arkoun, insiste sur la nécessité d’une relecture du Coran à la lumière des diverses sciences humaines.
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