-
Album
Les hommes et la mer
-
Vidéo
Dieux et héros grecs
-
Article
L’Océan primitif
-
Album
Mille et un bateaux
-
Vidéo
La mer médiévale
-
Article
La mer, infranchissable ?
-
Album
Que se passe-t-il sous la mer ?
-
Article
La révélation des merveilles de la mer
-
Article
La mer est-elle sans fond ?
-
Article
La respiration de l’océan
-
Article
Quelle mer pour demain ?
La mer est-elle sans fond ?

Bibliothèque nationale de France
Alexandre sous la mer
Selon la tradition indienne du roman d’Alexandre, le roi aurait demandé à descendre sous la mer pour en voir les habitants, un épisode qu’illustrent plusieurs manuscrits du Moyen Âge, dont trois conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les représentations de l’engin qui lui aurait permis de réaliser cet exploit sont diverses puisqu’il apparaît comme une sorte de nasse, de cloche ou de sous-marin recouvert de peaux et muni de hublots.
Voici ce que le roi aurait vu sous la mer : un monde sans couleur et sans soleil où végétaux, animaux et humains (y compris une sirène) s’approchent du visiteur.
Bibliothèque nationale de France
La nature, la profondeur, l’existence même du fond de la mer, faute d’être connues par l’expérience, ont été très longtemps appréhendées dans une théorie globale de la Terre et liées à la représentation que l’on pouvait se faire de la création du monde et de l’équilibre de la planète.
Explorer l’intérieur de la mer

Alexandre sous la mer
Selon la tradition indienne du roman d’Alexandre, le roi aurait demandé à descendre sous la mer pour en voir les habitants, un épisode qu’illustrent plusieurs manuscrits du Moyen Âge, dont trois conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les représentations de l’engin qui lui aurait permis de réaliser cet exploit sont diverses puisqu’il apparaît comme une sorte de nasse, de cloche ou de sous-marin recouvert de peaux et muni de hublots.
Voici ce que le roi aurait vu sous la mer : un monde sans couleur et sans soleil où végétaux, animaux et humains (y compris une sirène) s’approchent du visiteur.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Ainsi, Platon envisage le fond des mers en communication permanente avec les profondeurs de la Terre, où des trous de diamètres différents permettent la circulation des eaux (chaudes ou froides), du feu, de la lave… C’est par ces voies de communication que, à l’origine du monde, la mer a pu se constituer à partir de l’eau qui occupe le centre de la Terre. De cet océan sans fond, il est impossible de connaître la hauteur. Aristote fait apparaître au contraire l’existence de véritables fonds marins, qui ne permettent que par endroits la communication avec le centre de la Terre. De ce fond ferme, Aristote peut donc imaginer la position. Il propose même une mesure de la mer dans sa hauteur, notion qui apparaît chez lui pour la première fois et qui sera reprise plus précisément encore par Strabon. C’est à juste titre qu’il estime profondes les mers de Crète, de Sicile et de Sardaigne. Mais l’appréhension de la hauteur de l’eau n’est faite que pour la Méditerranée, dont on connaît déjà parfaitement l’étendue et la surface ; cette connaissance de la troisième dimension ne semble possible qu’une fois que les deux autres sont connues.
De l’océan, on ne connaît alors ni les limites ni la nature. Aristote parle d’une eau uniformément vaseuse et de faible profondeur, rejoignant Platon, qui attribuait à l’engloutissement de l’Atlantide la faible hauteur d’eau de l’Atlantique. Pythéas rapporte de son voyage en Thulé que « dans ces régions l’on ne trouve plus ni terre proprement dite, ni mer, ni air, mais une matière composée de ces divers éléments qui ressemble fort à la méduse et dans laquelle on ne peut ni cheminer ni naviguer ». Ce caractère flou de la nature de l’eau lointaine trouve encore un écho dans les « insulaires », ces guides qui ne décrivent que les îles, considérées comme des « terre en la mer » d’une nature différente des autres terres, et relevant donc de la géographie nautique. D’un océan aussi peu défini et stable, il semblait bien difficile de connaître la hauteur ! …

Alexandre sous la mer
Selon la tradition indienne du roman d’Alexandre, le roi aurait demandé à descendre sous la mer pour en voir les habitants, un épisode qu’illustrent plusieurs manuscrits du Moyen Âge, dont trois conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les représentations de l’engin qui lui aurait permis de réaliser cet exploit sont diverses puisqu’il apparaît comme une sorte de nasse, de cloche ou de sous-marin recouvert de peaux et muni de hublots.
Voici ce que le roi aurait vu sous la mer : un monde sans couleur et sans soleil où végétaux, animaux et humains (y compris une sirène) s’approchent du visiteur.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Il est manifeste que, jusqu’au 16e siècle, le fond des mers attira bien peu la curiosité des savants. Pourtant, on sait que les hommes exploraient l’intérieur de la mer depuis l’Antiquité : ils pêchaient les perles, les éponges ou les pourpres, ils récupéraient des épaves ou attaquaient, sous l’eau, des bâtiments ennemis. De ces pratiques et des techniques qu’elles nécessitaient, nous connaissons de nombreux exemples : plongées en apnée, usage d’outres ou utilisation d’une cloche d’airain pour prolonger le séjour sous l’eau.
Mesurer la profondeur de l’eau

Sondeur sans fil du 11e siècle
Le principe d’un sondeur capable de mesurer les grandes profondeurs est attesté dès le 11e siècle par plusieurs manuscrits contenant un traité de géométrie anonyme souvent lié à un texte sur l’astrolabe. On y décrit l’immersion d’un flotteur muni d’un lest, lequel se détache en touchant le fond et permet au flotteur de remonter : le temps nécessaire à la remontée indique la profondeur par référence au temps de remontée pour une profondeur donnée. Si cet instrument traduit une grande maîtrise des problèmes de dynamique, il n’est pas certain qu’il ait souvent été utilisé pour la mesure des grands fonds marins.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Pourtant, connaître la profondeur de l’eau dans les zones de navigation importait aux marins antiques et médiévaux comme à leurs successeurs. Être capable de connaître la profondeur d’eau sous la coque permettait d’éviter l’échouage ou le naufrage et de se repérer en mer. Pour cela il fallait non seulement mesurer cette hauteur d’eau, mais aussi situer précisément ces reliefs sous-marins sur un croquis ou sur une carte. Dès le 13esiècle, des instructions nautiques donnent quelques indications de fond et de profondeur et on en trouve mention sur les cartes catalanes de Soleri dès 1385. Très vite également se codifient ces informations et points ou croix distinguent les écueils rocheux ou sableux.
Pour mesurer la profondeur, l’instrument le plus utilisé était le sondeur, un plomb placé au bout d’un fil et muni d’une boule de suif destinée à ramener un échantillon du sol rencontré. Mesurer la longueur du fil immergé jusqu’à ce que le plomb de sonde touche le fond était chose aisée à de faibles profondeurs mais devenait beaucoup plus difficile pour une grande hauteur car on avait du mal à sentir le contact avec le fond ; et beaucoup plus incertain si le bateau avançait ou si des courants traversiers empêchaient le fil de rester vertical. Dès le 12e siècle est attesté un procédé capable de s’affranchir de ces difficultés qui permet de sonder avec un appareil sans fil et de mesurer de grandes profondeurs lorsque le navire est loin des côtes. Il semble toutefois que cet instrument (un flotteur muni d’un lest qui, touchant le fond, se libère du lest et remonte à la surface dans un temps donné qui peut être converti en distance) ait été difficilement utilisable et que les calculs destinés à en exploiter les mesures aient eu surtout un usage pédagogique.
Dans sa Cosmographie universelle, Sébastien Munster parle d’une profondeur telle qu’on ne peut la sonder. Au 17e siècle, Athanase Kircher surtout fournit l’analogie la plus poussée entre le macrocosme et le microcosme et conçoit la Terre comme un organisme véritable. Dès 1627, un cartographe de l’école dieppoise, Jean Guérard, avait tenté une « carte hydrographique de la France » tout à fait originale car elle réunit observations et tentative de synthèse.

Portulan de la Méditerranée : Marseille
Le routier que l’amiral turc Pîrî Reîs dédia à Soliman le Magnifique est le document nautique le plus complet et le plus précis de son époque. L’ouvrage, précise l’auteur dans son introduction, « comprend toutes les côtes, les îles peuplées ou désertes, les rivières, les roches à fleur d’eau ou sous l’eau, les bancs de sables ; j’y ai marqué exactement la situation de tous les ports [...] et les lieux propres à faire des descentes sur les côtes des chrétiens ». Pointillés ou croix signalent en effet les bancs et les roches immergés selon une codification qui s’imposera progressivement.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
Mais c’est dans le cours du 18e siècle que s’amorce la représentation cartographique scientifique du fond des mers. Dans sa monumentale Histoire physique de la mer, Marsigli, en 1725, s’attache à « l’anatomie des mers ». Dans la carte du golfe du Lion qu’il y publie, il représente, à l’aide d’une ligne reliant les points d’égale profondeur, la première courbe de niveau, appliquée, comme on le sait, d’abord au monde sous-marin. L’absence de mesures suffisantes le rend malheureusement incapable de prouver qu’il est possible de dresser de telles cartes pour toutes les mers et de prouver, par là même, que l’océan a un fond.
Douze ans plus tard, en 1737, Philippe Buache dessinait sur la « carte de la partie de l’océan vers l’équateur » un plan de l’île Fernando de Noronha auprès de laquelle des courbes analysaient la profondeur jusqu’à 40 brasses. Il présenta aussi à l’Académie des sciences en 1752 une carte du canal de la Manche qui comportait des courbes isobathes toutes les 10 brasses. Buache s’appuya sur ces travaux pour construire une théorie des épines dorsales terrestres, constituées par les chaînes montagneuses. Cette théorie eut un écho considérable pendant près d’un siècle, où l’on vit les montagnes se correspondre au travers des fonds marins. C’est de ces premiers travaux que Du Carla, en 1782, tira le système de représentation des altitudes par courbes de niveau.

Projet pour l’équipement d’un plongeur
Parallèlement à l’invention de divers engins pour aller sous l’eau, l’amélioration de l’équipement des plongeurs se poursuit aux 17e et 18e siècles. Pierre de Remy de Beauve (mort à Brest en 1739) propose ici un équipement fait d’une combinaison étanche qui recouvre une cuirasse en fer destinée à protéger de la pression de l’eau la cage thoracique du plongeur. Deux tuyaux de cuir reliés au casque amènent jusqu’au plongeur l’air pompé à la surface.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Plongeur du 15e siècle
Un plongeur apparaît équipé d’une réserve d’air destinée à lui permettre de rester un moment sous l’eau. On sait que, depuis l’Antiquité, les plongeurs jouaient un rôle important dans les guerres navales.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Si une méthode de représentation des points d’égale profondeur existait, si l’on avait définitivement comblé les abîmes sous-marins, l’ignorance restait grande, au milieu du 19e siècle, sur la réalité de la profondeur de la mer, à l’exception des zones les plus proches des côtes. Les grandes campagnes océanographiques du 19esiècle nous livrent des cartes de leurs travaux sur lesquelles figurent, tout le long de la route, des profondeurs mesurées qui rappellent les sondes placées, au siècle précédent, sur les seules zones littorales, selon les trajets des canots qui effectuaient les mesures. Ces expéditions océanographiques, dans la suite de l’expédition du Challenger, renouent avec les campagnes scientifiques du 18e et du début du 19e siècle, mais en en déplaçant le champ d’investigation : il ne s’agit plus de traverser les océans à la recherche de terres inconnues ou inexploitées, mais de s’intéresser à la mer elle-même.
Le Lightning en 1868, le Porcupine en 1869 et 1870 et surtout le Challenger de 1872 à 1876 inaugurent une série d’explorations océanographiques parmi lesquelles on peut citer celles du prince Albert de Monaco, trente ans plus tard. La continuité de ces explorations, la qualité des publications scientifiques auxquelles elles donnèrent lieu et leur retentissement auprès du grand public leur font une place particulière dans cette histoire. À la recherche de données sur la vie dans les profondeurs, ces campagnes fournirent aussi des informations sur le fond de la mer, sa distance par rapport à la surface et sa nature. Mais c’est le besoin d’utiliser le fond des mers à des fins économiques qui permit de faire progresser considérablement les connaissances océanographiques. En effet, les besoins de communication nécessitaient de relier les continents entre eux et les câbles de télécommunication sous-marins commencèrent à être expérimentés en 1850. Des accords internationaux furent nécessaires pour répartir les couloirs et les cartes successives du bureau international des administrations télégraphiques montrent l’apport de ce nouvel enjeu de communication planétaire à la connaissance bathymétrique des océans, telle que la synthétisa la première édition de la Carte générale bathymétrique des océans (1905). Mais, à l’aube du 20e siècle, il n’existait encore qu’un demi-millier de sondes de plus de 5 500 mètres.

L’ancêtre des scaphandres
Dédié à Antoine de Sartine, ministre de la Marine, approuvé par l’Académie royale des sciences, cet ouvrage de l’abbé de La Chapelle, mathématicien de renom, expose le moyen de « marcher au milieu des eaux les plus profondes comme sur un plan solide » à l’aide d’une combinaison de toile avec appliques de liège. Équipement de flottaison non submersible, cette première forme du scaphandre, composée d’un pantalon à étriers, d’une « suspensoire » - sorte de plastron venant se rabattre sur la poitrine - et de nageoires pour aider à la progression, se veut utile pour l’amusement, la pêche, la survie en cas de naufrage ou bien encore le calfatage d’un bateau en mer. Le traité sera réédité en 1805 « précédé du projet de formation d’une légion nautique ou d’éclaireurs des côtes, destinée à opérer tel débarquements qu’on avisera sans le secours de vaisseaux ».
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
La connaissance de la nature du socle des océans n’a progressé que dans la seconde moitié du 20e siècle, bénéficiant des résultats des sondages par moyens acoustiques et de techniques de plongée considérablement améliorées et transformées. L’analyse de ces données a permis de revisiter les théories sur le fond des mers et de donner de nouvelles formes aux correspondances entre terre et mer. Mais le caractère très récent de ces théories et la difficulté à imaginer les grands mouvements des profondeurs continuent à entretenir ce rapport incertain entre le fond de la terre et le fond de la mer.
Lien permanent
ark:/12148/mm3tqvdg6hf0