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Julie ou la Nouvelle Héloïse
 

Julie ou la Nouvelle Héloïse couverture recto
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La Nouvelle Héloïse - Première copie - Avis
 

La Nouvelle Héloïse - Première copie - Avis
 

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Un manuscrit reconstitué
C'est en 1799, à l'époque où elle s’appelait Bibliothèque du Corps législatif, que le "premier brouillon" de la Nouvelle Héloïse est entré à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Le manuscrit est arrivé épars et sans classement en 1794 à la Convention. C'est un compilateur anonyme qui, entre 1794 et 1799, a ordonné les feuilles volantes dans ce volume relié de maroquin rouge. On lit en effet sur cette page de garde :


« La Nouvelle Héloïse. Première copie. Avis.
Les fragments de cette première copie ont été trouvés informes dans les papiers de Jean-Jacques Rousseau, et offerts dans cet état à la Convention nationale. On les a classés d’après le manuscrit autographe donné par l’auteur à Madame la Maréchale de Luxembourg et déposé ensuite à la Bibliothèque du Corps législatif. »

La Nouvelle Héloïse - Première copie - Avis
 
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La Nouvelle Héloïse - Première copie - Avis
 

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Un manuscrit reconstitué
C'est en 1799, à l'époque où elle s’appelait Bibliothèque du Corps législatif, que le "premier brouillon" de la Nouvelle Héloïse est entré à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Le manuscrit est arrivé épars et sans classement en 1794 à la Convention. C'est un compilateur anonyme qui, entre 1794 et 1799, a ordonné les feuilles volantes dans ce volume relié de maroquin rouge. On lit en effet sur cette page de garde :


« La Nouvelle Héloïse. Première copie. Avis.
Les fragments de cette première copie ont été trouvés informes dans les papiers de Jean-Jacques Rousseau, et offerts dans cet état à la Convention nationale. On les a classés d’après le manuscrit autographe donné par l’auteur à Madame la Maréchale de Luxembourg et déposé ensuite à la Bibliothèque du Corps législatif. »

La Nouvelle Héloïse - Première copie - Avis
 
Première page verso

Première page verso

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Les soixante premières lettres sont manquantes dans cet état du manuscrit
 

Les soixante premières lettres sont manquantes dans cet état du manuscrit
 

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Un manuscrit comprenant plusieurs copies
La Bibliothèque de l’Assemblée nationale possède trois des cinq versions manuscrites du roman antérieures au texte définitif des 163 lettres que l’on connaît aujourd’hui : ce "brouillon" (541 pages in 8° manuscrites), auquel il manque les soixante premières lettres, ainsi que la "copie personnelle" (794 pages in 8° dont 546 manuscrites) et la "copie autographe pour la Maréchale de Luxembourg" (six volumes, soit un ensemble de 1881 pages in 8° manuscrites).
Ces différentes copies offrent chacune un état différent du texte : Rousseau ne recopie pas à l'identique, il met au net en introduisant des modifications, notes et variantes entre les différentes versions. Ainsi la lettre 14  "de Claire à Henriette", sur laquelle s’achève le "brouillon", a été supprimée par Rousseau dans les versions ultérieures et n’a donc jamais été imprimée.

Les soixante premières lettres sont manquantes dans cet état du manuscrit
 
Première page verso

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Les soixante premières lettres sont manquantes dans cet état du manuscrit
 

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Un manuscrit comprenant plusieurs copies
La Bibliothèque de l’Assemblée nationale possède trois des cinq versions manuscrites du roman antérieures au texte définitif des 163 lettres que l’on connaît aujourd’hui : ce "brouillon" (541 pages in 8° manuscrites), auquel il manque les soixante premières lettres, ainsi que la "copie personnelle" (794 pages in 8° dont 546 manuscrites) et la "copie autographe pour la Maréchale de Luxembourg" (six volumes, soit un ensemble de 1881 pages in 8° manuscrites).
Ces différentes copies offrent chacune un état différent du texte : Rousseau ne recopie pas à l'identique, il met au net en introduisant des modifications, notes et variantes entre les différentes versions. Ainsi la lettre 14  "de Claire à Henriette", sur laquelle s’achève le "brouillon", a été supprimée par Rousseau dans les versions ultérieures et n’a donc jamais été imprimée.

Les soixante premières lettres sont manquantes dans cet état du manuscrit
 
Fol. 2

Lettre 61 de Julie
 

Lettre 61 de Julie
 
Lettre 61 de Julie
 

Lettre 61 de Julie
 

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Fol. 2

Lettre 61 de Julie
 

Lettre 61 de Julie
 
Lettre 61 de Julie
 

Lettre 61 de Julie
 

Lettre 61 de Julie
 
Fol. 4

Lettre 61 de Julie

Lettre 61 de Julie
Fol. 12 : brouillon de la Lettre 61 de Julie
 

Fol. 12 : brouillon de la Lettre 61 de Julie
 

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Deux amies imaginaires
A l'origine du roman, deux amies que Rousseau avait inventées quand il était adolescent, "l'une brune et l'autre blonde, l'une vive et l'autre douce, l'une sage et l'autre faible", et dont il s'imaginait être l'amant. Non content de rêver à ces charmantes demoiselles, il leur écrivait et, pour pouvoir suivre la correspondance, rédigeait également leurs réponses. Ainsi sont nées les héroïnes de la Nouvelle Héloïse, Julie et sa cousine Claire, ainsi que la forme épistolaire du roman. C'est en août 1756, au cours de ses promenades à l'Ermitage, que Rousseau imagine ses personnages ; dès octobre, il conçoit le plan du roman et met au net les lettres déjà rédigées. La rédaction se poursuit deux années durant, jusqu'en 1758. L'édition originale paraît en janvier 1761, illustrée d'une série d'estampes par Moreau le Jeune. Avec pas moins de 70 éditions avant 1800, c'est l'un des plus grands succès de librairie du 18° siècle.

 

Lettre 61 de Julie
     Amène demain milord Edouard, que je me jette à ses pieds comme il s’est mis aux tiens. Quelle grandeur ! quelle générosité ! Oh ! que nous sommes petits devant lui ! Conserve ce précieux ami comme la prunelle de ton œil. Peut-être vaudrait-il moins s’il était plus tempérant : jamais homme sans défauts eut-il de grandes vertus ?
     Mille angoisses de toutes espèces m’avaient jetée dans l’abattement ; ta lettre est venue ranimer mon courage éteint. En dissipant mes terreurs, elle m’a rendu mes peines plus supportables. Je me sens maintenant assez de force pour souffrir. Tu vis, tu m’aimes ; ton sang, le sang de ton ami, n’ont point été répandus, et ton honneur est en sûreté : je ne suis donc pas tout à fait misérable.
     Ne manque pas au rendez-vous de demain. Jamais je n’eus si grand besoin de te voir, ni si peu d’espoir de te voir longtemps. Adieu, mon cher et unique ami. Tu n’as pas bien dit, ce me semble, vivons pour nous aimer. Ah ! il fallait dire, aimons-nous pour vivre.

Fol. 12 : brouillon de la Lettre 61 de Julie
 
Fol. 4

Lettre 61 de Julie

Lettre 61 de Julie
Fol. 12 : brouillon de la Lettre 61 de Julie
 

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Deux amies imaginaires
A l'origine du roman, deux amies que Rousseau avait inventées quand il était adolescent, "l'une brune et l'autre blonde, l'une vive et l'autre douce, l'une sage et l'autre faible", et dont il s'imaginait être l'amant. Non content de rêver à ces charmantes demoiselles, il leur écrivait et, pour pouvoir suivre la correspondance, rédigeait également leurs réponses. Ainsi sont nées les héroïnes de la Nouvelle Héloïse, Julie et sa cousine Claire, ainsi que la forme épistolaire du roman. C'est en août 1756, au cours de ses promenades à l'Ermitage, que Rousseau imagine ses personnages ; dès octobre, il conçoit le plan du roman et met au net les lettres déjà rédigées. La rédaction se poursuit deux années durant, jusqu'en 1758. L'édition originale paraît en janvier 1761, illustrée d'une série d'estampes par Moreau le Jeune. Avec pas moins de 70 éditions avant 1800, c'est l'un des plus grands succès de librairie du 18° siècle.

 

Lettre 61 de Julie
     Amène demain milord Edouard, que je me jette à ses pieds comme il s’est mis aux tiens. Quelle grandeur ! quelle générosité ! Oh ! que nous sommes petits devant lui ! Conserve ce précieux ami comme la prunelle de ton œil. Peut-être vaudrait-il moins s’il était plus tempérant : jamais homme sans défauts eut-il de grandes vertus ?
     Mille angoisses de toutes espèces m’avaient jetée dans l’abattement ; ta lettre est venue ranimer mon courage éteint. En dissipant mes terreurs, elle m’a rendu mes peines plus supportables. Je me sens maintenant assez de force pour souffrir. Tu vis, tu m’aimes ; ton sang, le sang de ton ami, n’ont point été répandus, et ton honneur est en sûreté : je ne suis donc pas tout à fait misérable.
     Ne manque pas au rendez-vous de demain. Jamais je n’eus si grand besoin de te voir, ni si peu d’espoir de te voir longtemps. Adieu, mon cher et unique ami. Tu n’as pas bien dit, ce me semble, vivons pour nous aimer. Ah ! il fallait dire, aimons-nous pour vivre.

Fol. 12 : brouillon de la Lettre 61 de Julie
 
 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso

 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso

 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso
Lettre 62 de Claire à Julie
 

Lettre 62 de Claire à Julie
 

Lettre 62 de Claire à Julie
 
 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso

 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso

 brouillon de la Lettre 61 de Julie verso
Lettre 62 de Claire à Julie
 

Lettre 62 de Claire à Julie
 

Lettre 62 de Claire à Julie
 
Lettre 62 de Claire à Julie verso

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Le premier jet à droite et les corrections à gauche
Rousseau partage ses pages en deux, ménageant un espace pour l'écriture sur la colonne de droite et un espace pour les ajouts et corrections sur la colonne de gauche. Pour déchiffrer ce feuillet très surchargé d'écriture, il faut donc lire le texte courant dans la colonne de droite, en insérant les paragraphes écrits dans la marge de gauche, qui viennent se substituer au texte initial quand celui-ci est rayé.

Lettre 62 de Claire à Julie verso
Fol. 16 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
 

Fol. 16 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
 

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Lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
     Faudra-t-il toujours, aimable cousine, ne remplir envers toi que les plus tristes devoirs de l’amitié ? Faudra-t-il toujours dans l’amertume de mon cœur affliger le tien par de cruels avis ? Hélas ! tous nos sentiments nous sont communs, tu le sais bien, et je ne saurais t’annoncer de nouvelles peines que je ne les aie déjà senties. Que ne puis-je te cacher ton infortune sans l’augmenter ! ou que la tendre amitié n’a-t-elle autant de charmes que l’amour ! Ah ! que j’effacerais promptement tous les chagrins que je te donne !
     Hier, après le concert, ta mère en s’en retournant ayant accepté le bras de ton ami et toi celui de M. d’Orbe, nos deux pères restèrent avec milord à parler de politique ; sujet dont je suis si excédée que l’ennui me chassa dans ma chambre. Une demi-heure après j’entendis nommer ton ami plusieurs fois avec assez de véhémence : je connus que la conversation avait changé d’objet, et je prêtai l’oreille. Je jugeai par la suite du discours qu’Edouard avait osé proposer ton mariage avec ton ami, qu’il appelait hautement le sien, et auquel il offrait de faire en cette qualité un établissement convenable. Ton père avait rejeté avec mépris cette proposition, et c’était là-dessus que les propos commençaient à s’échauffer. « Sachez, lui disait milord, malgré vos préjugés, qu’il est de tous les hommes le plus digne d’elle et peut-être le plus propre à la rendre heureuse. Tous les dons qui ne dépendent pas des hommes, il les a reçus de la nature, et il y a ajouté tous les talents qui ont dépendu de lui. Il est jeune, grand, bien fait, robuste, adroit ; il a de l’éducation, du sens, des mœurs, du courage ; il a l’esprit orné, l’âme saine ; que lui manque-t-il donc pour mériter votre aveu ? La fortune ? Il l’aura. Le tiers de mon bien suffit pour en faire le plus riche particulier du pays de Vaud, j’en donnerai s’il le faut jusqu’à la moitié. La noblesse ? Vaine prérogative dans un pays où elle est plus nuisible qu’utile. Mais il l’a encore, n’en doutez pas, non point écrite d’encre en de vieux parchemins, mais gravée au fond de son cœur en caractères ineffaçables. En un mot, si vous préférez la raison au préjugé, et si vous aimez mieux votre fille que vos titres, c’est à lui que vous la donnerez. »
     Là-dessus ton père s’emporta vivement. Il traita la proposition d’absurde et de ridicule ! « Quoi ! milord, dit-il, un homme d’honneur comme vous peut-il seulement penser que le dernier rejeton d’une famille illustre aille éteindre ou dégrader son nom dans celui d’un quidam sans asile et réduit à vivre d’aumônes ?... ─ Arrêtez, interrompit Edouard ; vous parlez de mon ami, songez que je prends pour moi tous les outrages qui lui sont faits en ma présence, et que les noms injurieux à un homme d’honneur le sont encore plus à celui qui les prononce. De tels quidams sont plus respectables que tous les hobereaux de l’Europe, et je vous défie de trouver aucun moyen plus honorable d’aller à la fortune que les hommages de l’estime et les dons de l’amitié. Si le gendre que je vous propose ne compte point, comme vous, une longue suite d’aïeux toujours incertains, il sera le fondement et l’honneur de sa maison comme votre premier ancêtre le fut de la vôtre. Vous seriez-vous donc tenu pour déshonoré par l’alliance du chef de votre famille, et ce mépris ne rejaillirait-il pas sur vous-même ? Combien de grands noms retomberaient dans l’oubli, si l’on ne tenait compte que de ceux qui ont commencé par un homme estimable ! Jugeons du passé par le présent, sur deux ou trois citoyens qui s’illustrent par des moyens honnêtes, mille coquins anoblissent tous les jours leur famille ; et que prouvera cette noblesse dont leurs descendants seront si fiers, sinon les vols et l’infamie de leur ancêtre ? On voit, je l’avoue, beaucoup de malhonnêtes gens parmi les roturiers ; mais il y a toujours vingt à parier contre un qu’un gentilhomme descend d’un fripon. Laissons, si vous voulez, l’origine à part, et pesons le mérite et les services. Vous avez porté les armes chez un prince étranger, son père les a portées gratuitement pour la patrie. Si vous avez bien servi, vous avez été bien payé ; et quelque honneur que vous ayez acquis à la guerre, cent roturiers en ont acquis encore plus que vous.
     De quoi s’honore donc, continua milord Edouard, cette noblesse dont vous êtes si fier ? Que fait-elle pour la gloire de la patrie ou le bonheur du genre humain ? Mortelle ennemie des lois et de la liberté, qu’a-t-elle jamais produit dans la plupart des pays où elle brille, si ce n’est la force de la tyrannie et l’oppression des peuples ? Osez-vous ; dans une république, vous honorer d’un état destructeur des vertus et de l’humanité, d’un état où l’on se vante de l’esclavage, et où l’on rougit d’être homme ? Lisez les annales de votre patrie : en quoi votre ordre a-t-il bien mérité d’elle ? quels nobles comptez-vous parmi ses libérateurs ? Les Furst, les Tell, les Stuffacher, étaient-ils gentilshommes ? Quelle est donc cette gloire insensée dont vous faites tant de bruit ? Celle de servir un homme, et d’être à charge à l’Etat. »
...

Fol. 16 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
 
Lettre 62 de Claire à Julie verso

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Lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
     Faudra-t-il toujours, aimable cousine, ne remplir envers toi que les plus tristes devoirs de l’amitié ? Faudra-t-il toujours dans l’amertume de mon cœur affliger le tien par de cruels avis ? Hélas ! tous nos sentiments nous sont communs, tu le sais bien, et je ne saurais t’annoncer de nouvelles peines que je ne les aie déjà senties. Que ne puis-je te cacher ton infortune sans l’augmenter ! ou que la tendre amitié n’a-t-elle autant de charmes que l’amour ! Ah ! que j’effacerais promptement tous les chagrins que je te donne !
     Hier, après le concert, ta mère en s’en retournant ayant accepté le bras de ton ami et toi celui de M. d’Orbe, nos deux pères restèrent avec milord à parler de politique ; sujet dont je suis si excédée que l’ennui me chassa dans ma chambre. Une demi-heure après j’entendis nommer ton ami plusieurs fois avec assez de véhémence : je connus que la conversation avait changé d’objet, et je prêtai l’oreille. Je jugeai par la suite du discours qu’Edouard avait osé proposer ton mariage avec ton ami, qu’il appelait hautement le sien, et auquel il offrait de faire en cette qualité un établissement convenable. Ton père avait rejeté avec mépris cette proposition, et c’était là-dessus que les propos commençaient à s’échauffer. « Sachez, lui disait milord, malgré vos préjugés, qu’il est de tous les hommes le plus digne d’elle et peut-être le plus propre à la rendre heureuse. Tous les dons qui ne dépendent pas des hommes, il les a reçus de la nature, et il y a ajouté tous les talents qui ont dépendu de lui. Il est jeune, grand, bien fait, robuste, adroit ; il a de l’éducation, du sens, des mœurs, du courage ; il a l’esprit orné, l’âme saine ; que lui manque-t-il donc pour mériter votre aveu ? La fortune ? Il l’aura. Le tiers de mon bien suffit pour en faire le plus riche particulier du pays de Vaud, j’en donnerai s’il le faut jusqu’à la moitié. La noblesse ? Vaine prérogative dans un pays où elle est plus nuisible qu’utile. Mais il l’a encore, n’en doutez pas, non point écrite d’encre en de vieux parchemins, mais gravée au fond de son cœur en caractères ineffaçables. En un mot, si vous préférez la raison au préjugé, et si vous aimez mieux votre fille que vos titres, c’est à lui que vous la donnerez. »
     Là-dessus ton père s’emporta vivement. Il traita la proposition d’absurde et de ridicule ! « Quoi ! milord, dit-il, un homme d’honneur comme vous peut-il seulement penser que le dernier rejeton d’une famille illustre aille éteindre ou dégrader son nom dans celui d’un quidam sans asile et réduit à vivre d’aumônes ?... ─ Arrêtez, interrompit Edouard ; vous parlez de mon ami, songez que je prends pour moi tous les outrages qui lui sont faits en ma présence, et que les noms injurieux à un homme d’honneur le sont encore plus à celui qui les prononce. De tels quidams sont plus respectables que tous les hobereaux de l’Europe, et je vous défie de trouver aucun moyen plus honorable d’aller à la fortune que les hommages de l’estime et les dons de l’amitié. Si le gendre que je vous propose ne compte point, comme vous, une longue suite d’aïeux toujours incertains, il sera le fondement et l’honneur de sa maison comme votre premier ancêtre le fut de la vôtre. Vous seriez-vous donc tenu pour déshonoré par l’alliance du chef de votre famille, et ce mépris ne rejaillirait-il pas sur vous-même ? Combien de grands noms retomberaient dans l’oubli, si l’on ne tenait compte que de ceux qui ont commencé par un homme estimable ! Jugeons du passé par le présent, sur deux ou trois citoyens qui s’illustrent par des moyens honnêtes, mille coquins anoblissent tous les jours leur famille ; et que prouvera cette noblesse dont leurs descendants seront si fiers, sinon les vols et l’infamie de leur ancêtre ? On voit, je l’avoue, beaucoup de malhonnêtes gens parmi les roturiers ; mais il y a toujours vingt à parier contre un qu’un gentilhomme descend d’un fripon. Laissons, si vous voulez, l’origine à part, et pesons le mérite et les services. Vous avez porté les armes chez un prince étranger, son père les a portées gratuitement pour la patrie. Si vous avez bien servi, vous avez été bien payé ; et quelque honneur que vous ayez acquis à la guerre, cent roturiers en ont acquis encore plus que vous.
     De quoi s’honore donc, continua milord Edouard, cette noblesse dont vous êtes si fier ? Que fait-elle pour la gloire de la patrie ou le bonheur du genre humain ? Mortelle ennemie des lois et de la liberté, qu’a-t-elle jamais produit dans la plupart des pays où elle brille, si ce n’est la force de la tyrannie et l’oppression des peuples ? Osez-vous ; dans une république, vous honorer d’un état destructeur des vertus et de l’humanité, d’un état où l’on se vante de l’esclavage, et où l’on rougit d’être homme ? Lisez les annales de votre patrie : en quoi votre ordre a-t-il bien mérité d’elle ? quels nobles comptez-vous parmi ses libérateurs ? Les Furst, les Tell, les Stuffacher, étaient-ils gentilshommes ? Quelle est donc cette gloire insensée dont vous faites tant de bruit ? Celle de servir un homme, et d’être à charge à l’Etat. »
...

Fol. 16 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (1/3)
 
Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)

Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)

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Lettre LXII de Claire à Julie (2/3)
...
     Conçois, ma chère, ce que je souffrais de voir cet honnête homme nuire ainsi par une âpreté déplacée aux intérêts de l’ami qu’il voulait servir. En effet ton père, irrité par tant d’invectives piquantes quoique générales, se mit à les repousser par des personnalités. Il dit nettement à milord Edouard que jamais homme de sa condition n’avait tenu les propos qui venaient de lui échapper. « Ne plaidez point inutilement la cause d’autrui, ajouta-t-il d’un ton brusque ; tout grand seigneur que vous êtes, je doute que vous puissiez bien défendre la vôtre sur le sujet en question. Vous demandez ma fille pour votre ami prétendu, sans savoir si vous-même seriez bon pour elle ; et je connais assez la noblesse d’Angleterre pour avoir sur vos discours une médiocre opinion de la vôtre. »
     « Pardieu ! dit milord, quoi que vous pensiez de moi, je serais bien fâché de n’avoir d’autre preuve de mon mérite que celui d’un homme mort depuis cinq cents ans. Si vous connaissez la noblesse d’Angleterre, vous savez qu’elle est la plus éclairée, la mieux instruite, la plus sage, et la plus brave de l’Europe : avec cela, je n’ai pas besoin de chercher si elle est la plus antique ; car, quand on parle de ce qu’elle est, il n’est pas question de ce qu’elle fut. Nous ne sommes point, il est vrai, les esclaves du prince, mais ses amis, ni les tyrans du peuple, mais ses chefs. Garants de la liberté, soutiens de la patrie, et appuis du trône, nous formons un invincible équilibre entre le peuple et le roi. Notre premier devoir est envers la nation, le second envers celui qui la gouverne : ce n’est pas sa volonté mais son droit que nous consultons. Ministres suprêmes des lois dans la chambre des pairs, quelquefois même législateurs, nous rendons également justice au peuple et au roi, et nous ne souffrons point que personne dise : Dieu et mon épée, mais seulement : Dieu et mon droit.
     Voilà, monsieur, continua-t-il, quelle est cette noblesse respectable, ancienne autant qu’aucune autre, mais plus fière de son mérite que de ses ancêtres, et dont vous parlez sans la connaître. Je ne suis point le dernier en rang dans cet ordre illustre, et crois, malgré vos prétentions, vous valoir à tous égards. J’ai une sœur à marier ; elle est noble, jeune, aimable, riche, elle ne cède à Julie que par les qualités que vous comptez pour rien. Si quiconque a senti les charmes de votre fille pouvait tourner ailleurs ses yeux et son cœur, quel honneur je me ferais d’accepter avec rien, pour mon beau-frère, celui que je vous propose pour gendre avec la moitié de mon bien ! »
     Je connus à la réplique de ton père que cette conversation ne faisait que l’aigrir ; et, quoique pénétrée d’admiration pour la générosité de milord Edouard, je sentis qu’un homme aussi peu liant que lui n’était propre qu’à ruiner à jamais la négociation qu’il avait entreprise. Je me hâtai donc de rentrer avant que les choses allassent plus loin. Mon retour fit rompre cet entretien, et l’on se sépara le moment d’après assez froidement. Quant à mon père, je trouvai qu’il se comportait très bien dans ce démêlé. Il appuya d’abord avec intérêt la proposition ; mais, voyant que ton père n’y voulait point entendre, et que la dispute commençait à s’animer, il se retourna, comme de raison, du parti de son beau-frère ; et en interrompant à propos l’un et l’autre par des discours modérés, il les retint tous deux dans des bornes dont ils seraient vraisemblablement sortis s’ils fussent restés tête-à-tête. Après leur départ il me fit confidence de ce qui venait de se passer ; et, comme je prévis où il en allait venir, je me hâtai de lui dire que les choses étant en cet état, il ne convenait plus que la personne en question te vît si souvent ici, et qu’il ne conviendrait pas même qu’il y vînt du tout, si ce n’était faire une espèce d’affront à M. d’Orbe dont il était l’ami ; mais que je le prierais de l’amener plus rarement, ainsi que milord Edouard. C’est, ma chère, tout ce que j’ai pu faire de mieux pour ne leur pas fermer tout à fait ma porte.
...

Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)
Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 

Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 

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 Lettre LXII de Claire à Julie (3/3)
... Ce n’est pas tout. La crise où je te vois me force à revenir sur mes avis précédents. L’affaire de milord Edouard et de ton ami a fait par la ville tout l’éclat auquel on devait s’attendre. Quoique M. d’Orbe ait gardé le secret sur le fond de la querelle, trop d’indices le décèlent pour qu’il puisse rester caché. On soupçonne, on conjecture, on te nomme ; le rapport du Guet n’est pas si bien étouffé qu’on ne s’en souvienne, et tu n’ignores pas qu’aux yeux du public la vérité soupçonnée est bien près de l’évidence. Tout ce que je puis te dire pour ta consolation, c’est qu’en général on approuve ton choix, et qu’on verrait avec plaisir l’union d’un si charmant couple ; ce qui me confirme que ton ami s’est bien comporté dans ce pays, et n’y est guère moins aimé que toi. Mais que fait la voix publique à ton inflexible père ? Tous ces bruits lui sont parvenus ou lui vont parvenir, et je frémis de l’effet qu’ils peuvent produire, si tu ne te hâtes de prévenir sa colère. Tu dois t’attendre de sa part à une explication terrible pour toi-même, et peut-être à pis encore pour ton ami : non que je pense qu’il veuille à son âge se mesurer avec un jeune homme qu’il ne croit pas digne de son épée ; mais le pouvoir qu’il a dans la ville lui fournirait, s’il le voulait, mille moyens de lui faire un mauvais parti, et il est à craindre que sa fureur ne lui en inspire la volonté.
     Je t’en conjure à genoux, ma douce amie, songe aux dangers qui t’environnent, et dont le risque augmente à chaque instant. Un bonheur inouï t’a préservée jusqu’à présent au milieu de tout cela ; tandis qu’il en est temps encore, mets le sceau de la prudence au mystère de tes amours, et ne pousse pas à bout la fortune, de peur qu’elle n’enveloppe dans tes malheurs celui qui les aura causés. Crois-moi, mon ange, l’avenir est incertain : mille événements peuvent, avec le temps, offrir des ressources inespérées ; mais, quant à présent, je te l’ai dit et le répète plus fortement, éloigne ton ami, ou tu es perdue.

Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 
Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)

Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)

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Lettre LXII de Claire à Julie (2/3)
...
     Conçois, ma chère, ce que je souffrais de voir cet honnête homme nuire ainsi par une âpreté déplacée aux intérêts de l’ami qu’il voulait servir. En effet ton père, irrité par tant d’invectives piquantes quoique générales, se mit à les repousser par des personnalités. Il dit nettement à milord Edouard que jamais homme de sa condition n’avait tenu les propos qui venaient de lui échapper. « Ne plaidez point inutilement la cause d’autrui, ajouta-t-il d’un ton brusque ; tout grand seigneur que vous êtes, je doute que vous puissiez bien défendre la vôtre sur le sujet en question. Vous demandez ma fille pour votre ami prétendu, sans savoir si vous-même seriez bon pour elle ; et je connais assez la noblesse d’Angleterre pour avoir sur vos discours une médiocre opinion de la vôtre. »
     « Pardieu ! dit milord, quoi que vous pensiez de moi, je serais bien fâché de n’avoir d’autre preuve de mon mérite que celui d’un homme mort depuis cinq cents ans. Si vous connaissez la noblesse d’Angleterre, vous savez qu’elle est la plus éclairée, la mieux instruite, la plus sage, et la plus brave de l’Europe : avec cela, je n’ai pas besoin de chercher si elle est la plus antique ; car, quand on parle de ce qu’elle est, il n’est pas question de ce qu’elle fut. Nous ne sommes point, il est vrai, les esclaves du prince, mais ses amis, ni les tyrans du peuple, mais ses chefs. Garants de la liberté, soutiens de la patrie, et appuis du trône, nous formons un invincible équilibre entre le peuple et le roi. Notre premier devoir est envers la nation, le second envers celui qui la gouverne : ce n’est pas sa volonté mais son droit que nous consultons. Ministres suprêmes des lois dans la chambre des pairs, quelquefois même législateurs, nous rendons également justice au peuple et au roi, et nous ne souffrons point que personne dise : Dieu et mon épée, mais seulement : Dieu et mon droit.
     Voilà, monsieur, continua-t-il, quelle est cette noblesse respectable, ancienne autant qu’aucune autre, mais plus fière de son mérite que de ses ancêtres, et dont vous parlez sans la connaître. Je ne suis point le dernier en rang dans cet ordre illustre, et crois, malgré vos prétentions, vous valoir à tous égards. J’ai une sœur à marier ; elle est noble, jeune, aimable, riche, elle ne cède à Julie que par les qualités que vous comptez pour rien. Si quiconque a senti les charmes de votre fille pouvait tourner ailleurs ses yeux et son cœur, quel honneur je me ferais d’accepter avec rien, pour mon beau-frère, celui que je vous propose pour gendre avec la moitié de mon bien ! »
     Je connus à la réplique de ton père que cette conversation ne faisait que l’aigrir ; et, quoique pénétrée d’admiration pour la générosité de milord Edouard, je sentis qu’un homme aussi peu liant que lui n’était propre qu’à ruiner à jamais la négociation qu’il avait entreprise. Je me hâtai donc de rentrer avant que les choses allassent plus loin. Mon retour fit rompre cet entretien, et l’on se sépara le moment d’après assez froidement. Quant à mon père, je trouvai qu’il se comportait très bien dans ce démêlé. Il appuya d’abord avec intérêt la proposition ; mais, voyant que ton père n’y voulait point entendre, et que la dispute commençait à s’animer, il se retourna, comme de raison, du parti de son beau-frère ; et en interrompant à propos l’un et l’autre par des discours modérés, il les retint tous deux dans des bornes dont ils seraient vraisemblablement sortis s’ils fussent restés tête-à-tête. Après leur départ il me fit confidence de ce qui venait de se passer ; et, comme je prévis où il en allait venir, je me hâtai de lui dire que les choses étant en cet état, il ne convenait plus que la personne en question te vît si souvent ici, et qu’il ne conviendrait pas même qu’il y vînt du tout, si ce n’était faire une espèce d’affront à M. d’Orbe dont il était l’ami ; mais que je le prierais de l’amener plus rarement, ainsi que milord Edouard. C’est, ma chère, tout ce que j’ai pu faire de mieux pour ne leur pas fermer tout à fait ma porte.
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Fol. 17 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (2/3)
Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 

Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 

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 Lettre LXII de Claire à Julie (3/3)
... Ce n’est pas tout. La crise où je te vois me force à revenir sur mes avis précédents. L’affaire de milord Edouard et de ton ami a fait par la ville tout l’éclat auquel on devait s’attendre. Quoique M. d’Orbe ait gardé le secret sur le fond de la querelle, trop d’indices le décèlent pour qu’il puisse rester caché. On soupçonne, on conjecture, on te nomme ; le rapport du Guet n’est pas si bien étouffé qu’on ne s’en souvienne, et tu n’ignores pas qu’aux yeux du public la vérité soupçonnée est bien près de l’évidence. Tout ce que je puis te dire pour ta consolation, c’est qu’en général on approuve ton choix, et qu’on verrait avec plaisir l’union d’un si charmant couple ; ce qui me confirme que ton ami s’est bien comporté dans ce pays, et n’y est guère moins aimé que toi. Mais que fait la voix publique à ton inflexible père ? Tous ces bruits lui sont parvenus ou lui vont parvenir, et je frémis de l’effet qu’ils peuvent produire, si tu ne te hâtes de prévenir sa colère. Tu dois t’attendre de sa part à une explication terrible pour toi-même, et peut-être à pis encore pour ton ami : non que je pense qu’il veuille à son âge se mesurer avec un jeune homme qu’il ne croit pas digne de son épée ; mais le pouvoir qu’il a dans la ville lui fournirait, s’il le voulait, mille moyens de lui faire un mauvais parti, et il est à craindre que sa fureur ne lui en inspire la volonté.
     Je t’en conjure à genoux, ma douce amie, songe aux dangers qui t’environnent, et dont le risque augmente à chaque instant. Un bonheur inouï t’a préservée jusqu’à présent au milieu de tout cela ; tandis qu’il en est temps encore, mets le sceau de la prudence au mystère de tes amours, et ne pousse pas à bout la fortune, de peur qu’elle n’enveloppe dans tes malheurs celui qui les aura causés. Crois-moi, mon ange, l’avenir est incertain : mille événements peuvent, avec le temps, offrir des ressources inespérées ; mais, quant à présent, je te l’ai dit et le répète plus fortement, éloigne ton ami, ou tu es perdue.

Fol. 18 : brouillon de la lettre 62 de Claire à Julie (3/3)
 
Fol. 18 v

Fol. 18 v

Fol. 18 v
Lettre 63 de Julie à Claire
 

Lettre 63 de Julie à Claire
 

Lettre 63 de Julie à Claire
 
Fol. 18 v

Fol. 18 v

Fol. 18 v
Lettre 63 de Julie à Claire
 

Lettre 63 de Julie à Claire
 

Lettre 63 de Julie à Claire
 
Lettre 63 de Julie à Claire verso

Lettre 63 de Julie à Claire verso

Lettre 63 de Julie à Claire verso
Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 

Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 

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 Lettre LXIII de Julie à Claire (1/4)
     Tout ce que tu avais prévu, ma chère, est arrivé. Hier, une heure après notre retour, mon père entra dans la chambre de ma mère, les yeux étincelants, le visage enflammé, dans un état, en un mot, où je ne l’avais jamais vu. Je compris d’abord qu’il venait d’avoir querelle, ou qu’il allait la chercher ; et ma conscience agitée me fit trembler d’avance.
     Il commença par apostropher vivement, mais en général, les mères de famille qui appellent indiscrètement chez elles des jeunes gens sans état et sans nom, dont le commerce n’attire que honte et déshonneur à celles qui les écoutent. Ensuite, voyant que cela ne suffisait pas pour arracher quelque réponse d’une femme intimidée, il cita sans ménagement en exemple ce qui s’était passé dans notre maison, depuis qu’on y avait introduit un prétendu bel esprit, un diseur de riens, plus propre à corrompre une fille sage qu’à lui donner aucune bonne instruction. Ma mère, qui vit qu’elle gagnerait peu de chose à se taire, l’arrêta sur ce mot de corruption, et lui demanda ce qu’il trouvait dans la conduite ou dans la réputation de l’honnête homme dont il parlait, qui pût autoriser de pareils soupçons. « Je n’ai pas cru, ajouta-t-elle, que l’esprit et le mérite fussent des titres d’exclusion dans la société. A qui donc faudra-t-il ouvrir votre maison, si les talents et les mœurs n’en obtiennent pas l’entrée ? ─ A des gens sortables, madame, reprit-il en colère, qui puissent réparer l’honneur d’une fille quand ils l’ont offensé. ─ Non, dit-elle, mais à des gens de bien qui ne l’offensent point. ─ Apprenez, dit-il, que c’est offenser l’honneur d’une maison que d’oser en solliciter l’alliance sans titres pour l’obtenir. ─ Loin de voir en cela, dit ma mère, une offense, je n’y vois, au contraire, qu’un témoignage d’estime.
     D’ailleurs, je ne sache point que celui contre qui vous vous emportez ait rien fait de semblable à votre égard. ─ Il l’a fait, madame, et fera pis encore si je n’y mets ordre : mais je veillerai, n’en doutez pas, aux soins que vous remplissez si mal. »
     Alors commença une dangereuse altercation qui m’apprit que les bruits de ville dont tu parles étaient ignorés de mes parents, mais durant laquelle ton indigne cousine eût voulu être à cent pieds sous terre. Imagine-toi la meilleure et la plus abusée des mères faisant l’éloge de sa coupable fille, et la louant, hélas ! de toutes les vertus qu’elle a perdues, dans les termes les plus honorables, ou, pour mieux dire, les plus humiliants ; figure-toi un père irrité prodigue d’expressions offensantes, et qui, dans tout son emportement, n’en laisse pas échapper une qui marque le moindre doute sur la sagesse de celle que le remords déchire et que la honte écrase en sa présence. Oh ! quel incroyable tourment d’une conscience avilie, de se reprocher des crimes que la colère et l’indignation ne pourraient soupçonner !
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Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 
Lettre 63 de Julie à Claire verso

Lettre 63 de Julie à Claire verso

Lettre 63 de Julie à Claire verso
Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 

Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 

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 Lettre LXIII de Julie à Claire (1/4)
     Tout ce que tu avais prévu, ma chère, est arrivé. Hier, une heure après notre retour, mon père entra dans la chambre de ma mère, les yeux étincelants, le visage enflammé, dans un état, en un mot, où je ne l’avais jamais vu. Je compris d’abord qu’il venait d’avoir querelle, ou qu’il allait la chercher ; et ma conscience agitée me fit trembler d’avance.
     Il commença par apostropher vivement, mais en général, les mères de famille qui appellent indiscrètement chez elles des jeunes gens sans état et sans nom, dont le commerce n’attire que honte et déshonneur à celles qui les écoutent. Ensuite, voyant que cela ne suffisait pas pour arracher quelque réponse d’une femme intimidée, il cita sans ménagement en exemple ce qui s’était passé dans notre maison, depuis qu’on y avait introduit un prétendu bel esprit, un diseur de riens, plus propre à corrompre une fille sage qu’à lui donner aucune bonne instruction. Ma mère, qui vit qu’elle gagnerait peu de chose à se taire, l’arrêta sur ce mot de corruption, et lui demanda ce qu’il trouvait dans la conduite ou dans la réputation de l’honnête homme dont il parlait, qui pût autoriser de pareils soupçons. « Je n’ai pas cru, ajouta-t-elle, que l’esprit et le mérite fussent des titres d’exclusion dans la société. A qui donc faudra-t-il ouvrir votre maison, si les talents et les mœurs n’en obtiennent pas l’entrée ? ─ A des gens sortables, madame, reprit-il en colère, qui puissent réparer l’honneur d’une fille quand ils l’ont offensé. ─ Non, dit-elle, mais à des gens de bien qui ne l’offensent point. ─ Apprenez, dit-il, que c’est offenser l’honneur d’une maison que d’oser en solliciter l’alliance sans titres pour l’obtenir. ─ Loin de voir en cela, dit ma mère, une offense, je n’y vois, au contraire, qu’un témoignage d’estime.
     D’ailleurs, je ne sache point que celui contre qui vous vous emportez ait rien fait de semblable à votre égard. ─ Il l’a fait, madame, et fera pis encore si je n’y mets ordre : mais je veillerai, n’en doutez pas, aux soins que vous remplissez si mal. »
     Alors commença une dangereuse altercation qui m’apprit que les bruits de ville dont tu parles étaient ignorés de mes parents, mais durant laquelle ton indigne cousine eût voulu être à cent pieds sous terre. Imagine-toi la meilleure et la plus abusée des mères faisant l’éloge de sa coupable fille, et la louant, hélas ! de toutes les vertus qu’elle a perdues, dans les termes les plus honorables, ou, pour mieux dire, les plus humiliants ; figure-toi un père irrité prodigue d’expressions offensantes, et qui, dans tout son emportement, n’en laisse pas échapper une qui marque le moindre doute sur la sagesse de celle que le remords déchire et que la honte écrase en sa présence. Oh ! quel incroyable tourment d’une conscience avilie, de se reprocher des crimes que la colère et l’indignation ne pourraient soupçonner !
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Fol. 22 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (1/4)
 
Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 

Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 

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Lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
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Quel poids accablant et insupportable que celui d’une fausse louange et d’une estime que le cœur rejette en secret ! Je m’en sentais tellement oppressée, que, pour me délivrer d’un si cruel supplice, j’étais prête à tout avouer, si mon père m’en eût laissé le temps ; mais l’impétuosité de son emportement lui faisait redire cent fois les mêmes choses et changer à chaque instant de sujet. Il remarqua ma contenance basse, éperdue, humiliée, indice de mes remords. S’il n’en tira pas la conséquence de ma faute, il en tira celle de mon amour ; et, pour m’en faire plus de honte, il en outragea l’objet en des termes si odieux et si méprisants que je ne pus, malgré tous mes efforts, le laisser poursuivre sans l’interrompre.
     Je ne sais, ma chère, où je trouvai tant de hardiesse, et quel moment d’égarement me fit oublier ainsi le devoir et la modestie ; mais si j’osai sortir un instant d’un silence respectueux, j’en portai, comme tu vas voir, assez rudement la peine. « Au nom du ciel, lui dis-je, daignez vous apaiser ; jamais un homme digne de tant d’injures ne sera dangereux pour moi. » A l’instant, mon père, qui crut sentir un reproche à travers ces mots, et dont la fureur n’attendait qu’un prétexte, s’élança sur ta pauvre amie : pour la première fois de ma vie je reçus un soufflet qui ne fut pas le seul ; et, se livrant à son transport avec une violence égale à celle qu’il lui avait coûtée, il me maltraita sans ménagement, quoique ma mère se fût jetée entre deux, m’eût couverte de son corps, et eût reçu quelques-uns des coups qui m’étaient portés. En reculant pour les éviter, je fis un faux pas, je tombai, et mon visage alla donner contre le pied d’une table qui me fit saigner.
     Ici finit le triomphe de la colère et commença celui de la nature. Ma chute, mon sang, mes larmes, celles de ma mère l’émurent ; il me releva avec un air d’inquiétude et d’empressement ; et, m’ayant assise sur une chaise, ils recherchèrent tous deux avec soin si je n’étais point blessée. Je n’avais qu’une légère contusion au front et ne saignais que du nez. Cependant je vis au changement d’air et de voix de mon père, qu’il était mécontent de ce qu’il venait de faire. Il ne revint point à moi par des caresses, la dignité paternelle ne souffrait pas un changement si brusque ; mais il revint à ma mère avec de tendres excuses ; et je voyais bien, aux regards qu’il jetait furtivement sur moi, que la moitié de tout cela m’était indirectement adressée. Non, ma chère, il n’y a point de confusion si touchante que celle d’un tendre père qui croit s’être mis dans son tort. Le cœur d’un père sent qu’il est fait pour pardonner, et non pour avoir besoin de pardon.
     Il était l’heure du souper ; on le fit retarder pour me donner le temps de me remettre ; et mon père, ne voulant pas que les domestiques fussent témoins de mon désordre, m’alla chercher lui-même un verre d’eau, tandis que ma mère me bassinait le visage. Hélas ! cette pauvre maman, déjà languissante et valétudinaire, elle se serait bien passée d’une pareille scène, et n’avait guère moins besoin de secours que moi.
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Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 
Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 

Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 

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Lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
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     A table, il ne me parla point ; mais ce silence était de honte et non de dédain ; il affectait de trouver bon chaque plat pour dire à ma mère de m’en servir ; et ce qui me toucha le plus sensiblement fut de m’apercevoir qu’il cherchait les occasions de me nommer sa fille, et non pas Julie, comme à l’ordinaire.
     Après le souper, l’air se trouva si froid que ma mère fit faire du feu dans sa chambre. Elle s’assit à l’un des coins de la cheminée, et mon père à l’autre ; j’allais prendre une chaise pour me placer entre eux, quand, m’arrêtant par ma robe, et me tirant à lui sans rien dire, il m’assit sur ses genoux. Tout cela se fit si promptement, et par une sorte de mouvement si involontaire, qu’il en eut une espèce de repentir le moment d’après. Cependant, j’étais sur ses genoux, il ne pouvait plus s’en dédire ; et, ce qu’il y avait de pis pour la contenance, il fallait me tenir embrassée dans cette gênante attitude. Tout cela se faisait en silence : mais je sentais de temps en temps ses bras se presser contre mes flancs avec un soupir assez mal étouffé. Je ne sais quelle mauvaise honte empêchait ces bras paternels de se livrer à ces douces étreintes. Une certaine gravité qu’on n’osait quitter, une certaine confusion qu’on n’osait vaincre, mettaient entre un père et sa fille ce charmant embarras que la pudeur et l’amour donnent aux amants ; tandis qu’une tendre mère, transportée d’aise, dévorait en secret un si doux spectacle. Je voyais, je sentais tout cela, mon ange, et ne pus tenir plus longtemps à l’attendrissement qui me gagnait. Je feignis de glisser ; je jetai, pour me retenir, un bras au cou de mon père ; je penchai mon visage sur son visage vénérable, et dans un instant il fut couvert de mes baisers et inondé de mes larmes ; je sentis à celles qui lui coulaient des yeux qu’il était lui-même soulagé d’une grande peine : ma mère vint partager nos transports. Douce et paisible innocence, tu manquas seule à mon cœur pour faire de cette scène de la nature le plus délicieux moment de ma vie !
     Ce matin, la lassitude et le ressentiment de ma chute m’ayant retenue au lit un peu tard, mon père est entré dans ma chambre avant que je fusse levée ; il s’est assis à côté de mon lit en s’informant tendrement de ma santé ; il a pris une de mes mains dans les siennes, il s’est abaissé jusqu’à la baiser plusieurs fois en m’appelant sa chère fille, et me témoignant du regret de son emportement.
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Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 
Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 

Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 

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Lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
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Quel poids accablant et insupportable que celui d’une fausse louange et d’une estime que le cœur rejette en secret ! Je m’en sentais tellement oppressée, que, pour me délivrer d’un si cruel supplice, j’étais prête à tout avouer, si mon père m’en eût laissé le temps ; mais l’impétuosité de son emportement lui faisait redire cent fois les mêmes choses et changer à chaque instant de sujet. Il remarqua ma contenance basse, éperdue, humiliée, indice de mes remords. S’il n’en tira pas la conséquence de ma faute, il en tira celle de mon amour ; et, pour m’en faire plus de honte, il en outragea l’objet en des termes si odieux et si méprisants que je ne pus, malgré tous mes efforts, le laisser poursuivre sans l’interrompre.
     Je ne sais, ma chère, où je trouvai tant de hardiesse, et quel moment d’égarement me fit oublier ainsi le devoir et la modestie ; mais si j’osai sortir un instant d’un silence respectueux, j’en portai, comme tu vas voir, assez rudement la peine. « Au nom du ciel, lui dis-je, daignez vous apaiser ; jamais un homme digne de tant d’injures ne sera dangereux pour moi. » A l’instant, mon père, qui crut sentir un reproche à travers ces mots, et dont la fureur n’attendait qu’un prétexte, s’élança sur ta pauvre amie : pour la première fois de ma vie je reçus un soufflet qui ne fut pas le seul ; et, se livrant à son transport avec une violence égale à celle qu’il lui avait coûtée, il me maltraita sans ménagement, quoique ma mère se fût jetée entre deux, m’eût couverte de son corps, et eût reçu quelques-uns des coups qui m’étaient portés. En reculant pour les éviter, je fis un faux pas, je tombai, et mon visage alla donner contre le pied d’une table qui me fit saigner.
     Ici finit le triomphe de la colère et commença celui de la nature. Ma chute, mon sang, mes larmes, celles de ma mère l’émurent ; il me releva avec un air d’inquiétude et d’empressement ; et, m’ayant assise sur une chaise, ils recherchèrent tous deux avec soin si je n’étais point blessée. Je n’avais qu’une légère contusion au front et ne saignais que du nez. Cependant je vis au changement d’air et de voix de mon père, qu’il était mécontent de ce qu’il venait de faire. Il ne revint point à moi par des caresses, la dignité paternelle ne souffrait pas un changement si brusque ; mais il revint à ma mère avec de tendres excuses ; et je voyais bien, aux regards qu’il jetait furtivement sur moi, que la moitié de tout cela m’était indirectement adressée. Non, ma chère, il n’y a point de confusion si touchante que celle d’un tendre père qui croit s’être mis dans son tort. Le cœur d’un père sent qu’il est fait pour pardonner, et non pour avoir besoin de pardon.
     Il était l’heure du souper ; on le fit retarder pour me donner le temps de me remettre ; et mon père, ne voulant pas que les domestiques fussent témoins de mon désordre, m’alla chercher lui-même un verre d’eau, tandis que ma mère me bassinait le visage. Hélas ! cette pauvre maman, déjà languissante et valétudinaire, elle se serait bien passée d’une pareille scène, et n’avait guère moins besoin de secours que moi.
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Fol. 23 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (2/4)
 
Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 

Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 

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Lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
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     A table, il ne me parla point ; mais ce silence était de honte et non de dédain ; il affectait de trouver bon chaque plat pour dire à ma mère de m’en servir ; et ce qui me toucha le plus sensiblement fut de m’apercevoir qu’il cherchait les occasions de me nommer sa fille, et non pas Julie, comme à l’ordinaire.
     Après le souper, l’air se trouva si froid que ma mère fit faire du feu dans sa chambre. Elle s’assit à l’un des coins de la cheminée, et mon père à l’autre ; j’allais prendre une chaise pour me placer entre eux, quand, m’arrêtant par ma robe, et me tirant à lui sans rien dire, il m’assit sur ses genoux. Tout cela se fit si promptement, et par une sorte de mouvement si involontaire, qu’il en eut une espèce de repentir le moment d’après. Cependant, j’étais sur ses genoux, il ne pouvait plus s’en dédire ; et, ce qu’il y avait de pis pour la contenance, il fallait me tenir embrassée dans cette gênante attitude. Tout cela se faisait en silence : mais je sentais de temps en temps ses bras se presser contre mes flancs avec un soupir assez mal étouffé. Je ne sais quelle mauvaise honte empêchait ces bras paternels de se livrer à ces douces étreintes. Une certaine gravité qu’on n’osait quitter, une certaine confusion qu’on n’osait vaincre, mettaient entre un père et sa fille ce charmant embarras que la pudeur et l’amour donnent aux amants ; tandis qu’une tendre mère, transportée d’aise, dévorait en secret un si doux spectacle. Je voyais, je sentais tout cela, mon ange, et ne pus tenir plus longtemps à l’attendrissement qui me gagnait. Je feignis de glisser ; je jetai, pour me retenir, un bras au cou de mon père ; je penchai mon visage sur son visage vénérable, et dans un instant il fut couvert de mes baisers et inondé de mes larmes ; je sentis à celles qui lui coulaient des yeux qu’il était lui-même soulagé d’une grande peine : ma mère vint partager nos transports. Douce et paisible innocence, tu manquas seule à mon cœur pour faire de cette scène de la nature le plus délicieux moment de ma vie !
     Ce matin, la lassitude et le ressentiment de ma chute m’ayant retenue au lit un peu tard, mon père est entré dans ma chambre avant que je fusse levée ; il s’est assis à côté de mon lit en s’informant tendrement de ma santé ; il a pris une de mes mains dans les siennes, il s’est abaissé jusqu’à la baiser plusieurs fois en m’appelant sa chère fille, et me témoignant du regret de son emportement.
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Fol. 24 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (3/4)
 
Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 

Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 

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 Lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
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Pour moi, je lui ai dit, et je le pense, que je serais trop heureuse d’être battue tous les jours au même prix, et qu’il n’y a point de traitement si rude qu’une seule de ses caresses n’efface au fond de mon cœur.
     Après cela, prenant un ton plus grave, il m’a remise sur le sujet d’hier, et m’a signifié sa volonté en termes honnêtes, mais précis. « Vous savez, m’a-t-il dit, à qui je vous destine ; je vous l’ai déclaré dès mon arrivée, et ne changerai jamais d’intention sur ce point. Quant à l’homme dont m’a parlé milord Edouard, quoique je ne lui dispute point le mérite que tout le monde lui trouve, je ne sais s’il a conçu de lui-même le ridicule espoir de s’allier à moi, ou si quelqu’un a pu le lui inspirer ; mais, quand je n’aurais personne en vue, et qu’il aurait toutes les guinées de l’Angleterre, soyez sûre que je n’accepterais jamais un tel gendre. Je vous défends de le voir et de lui parler de votre vie, et cela autant pour la sûreté de la sienne que pour votre honneur. Quoique je me sois toujours senti peu d’inclination pour lui, je le hais, surtout à présent, pour les excès qu’il m’a fait commettre, et ne lui pardonnerai jamais ma brutalité. »
     A ces mots, il est sorti sans attendre ma réponse, et presque avec le même air de sévérité qu’il venait de se reprocher. Ah ! ma cousine, quels monstres d’enfer sont ces préjugés qui dépravent les meilleurs cœurs, et font taire à chaque instant la nature !
     Voilà, ma Claire, comment s’est passée l’explication que tu avais prévue, et dont je n’ai pu comprendre la cause jusqu’à ce que ta lettre me l’ait apprise. Je ne puis bien te dire quelle évolution s’est faite en moi, mais depuis ce moment je me trouve changée ; il me semble que je tourne les yeux avec plus de regret sur l’heureux temps où je vivais tranquille et contente au sein de ma famille, et que je sens augmenter le sentiment de ma faute avec celui des biens qu’elle m’a fait perdre. Dis, cruelle, dis-le-moi, si tu l’oses, le temps de l’amour serait-il passé, et faut-il ne se plus revoir ? Ah ! sens-tu bien tout ce qu’il y a de sombre et d’horrible dans cette funeste idée ? Cependant l’ordre de mon père est précis, le danger de mon amant est certain. Sais-tu ce qui résulte en moi de tant de mouvements opposés qui s’entre-détruisent ? Une sorte de stupidité qui me rend l’âme presque insensible, et ne me laisse l’usage ni des passion, ni de la raison. Le moment est critique, tu me l’as dit et je le sens ; cependant, je ne fus jamais moins en état de me conduire. J’ai voulu tenter vingt fois d’écrire à celui que j’aime : je suis prête à m’évanouir à chaque ligne, et n’en saurais tracer deux de suite. Il ne me reste que toi, ma douce amie ; daigne penser, parler, agir pour moi ; je remets mon sort en tes mains ; quelque parti que tu prennes, je confirme d’avance tout ce que tu feras : je confie à ton amitié ce pouvoir funeste que l’amour m’a vendu si cher. Sépare-moi pour jamais de moi-même, donne-moi la mort s’il faut que je meure, mais ne me force pas à me percer le cœur de ma propre main.
     O mon ange ! ma protectrice ! quel horrible emploi je te laisse ! Auras-tu le courage de l’exercer ? Sauras-tu bien en adoucir la barbarie ! Hélas ! ce n’est pas mon cœur seul qu’il faut déchirer. Claire, tu le sais, comment je suis aimée ! Je n’ai pas même la consolation d’être la plus à plaindre. De grâce ! fais parler mon cœur par ta bouche ; pénètre le tien de la tendre commisération de l’amour ; console un infortuné ; dis-lui cent fois... Ah ! dis-lui... Ne crois-tu pas, chère amie, que, malgré tous les préjugés, tous les obstacles, tous les revers, le ciel nous a faits l’un pour l’autre ? Oui, oui, j’en suis sûre, il nous destine à être unis ; il m’est impossible de perdre cette idée, il m’est impossible de renoncer à l’espoir qui la suit. Dis-lui qu’il se garde lui-même du découragement et du désespoir. Ne t’amuse point à lui demander en mon nom amour et fidélité, encore moins à lui en promettre autant de ma part ; l’assurance n’en est-elle pas au fond de nos âmes ? Ne sentons-nous pas qu’elles sont indivisibles, et que nous n’en avons plus qu’une à nous deux ? Dis-lui donc seulement qu’il espère, et que, si le sort nous poursuit, il se fie au moins à l’amour ; car, je le sens, ma cousine, il guérira de manière ou d’autre les maux qu’il nous cause, et quoi que le ciel ordonne de nous, nous ne vivrons pas longtemps séparés.

P.-S. ─ Après ma lettre écrite, j’ai passé dans la chambre de ma mère, et je me suis trouvée si mal que je suis obligée de venir me remettre dans mon lit : je m’aperçois même... je crains... Ah ! ma chère, je crains bien que ma chute d’hier n’ait quelque suite plus funeste que je n’avais pensé. Ainsi tout est fini pour moi ; toutes mes espérances m’abandonnent en même temps.

 

Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 
Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 

Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 

Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 
Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 

Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 

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 Lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
...
Pour moi, je lui ai dit, et je le pense, que je serais trop heureuse d’être battue tous les jours au même prix, et qu’il n’y a point de traitement si rude qu’une seule de ses caresses n’efface au fond de mon cœur.
     Après cela, prenant un ton plus grave, il m’a remise sur le sujet d’hier, et m’a signifié sa volonté en termes honnêtes, mais précis. « Vous savez, m’a-t-il dit, à qui je vous destine ; je vous l’ai déclaré dès mon arrivée, et ne changerai jamais d’intention sur ce point. Quant à l’homme dont m’a parlé milord Edouard, quoique je ne lui dispute point le mérite que tout le monde lui trouve, je ne sais s’il a conçu de lui-même le ridicule espoir de s’allier à moi, ou si quelqu’un a pu le lui inspirer ; mais, quand je n’aurais personne en vue, et qu’il aurait toutes les guinées de l’Angleterre, soyez sûre que je n’accepterais jamais un tel gendre. Je vous défends de le voir et de lui parler de votre vie, et cela autant pour la sûreté de la sienne que pour votre honneur. Quoique je me sois toujours senti peu d’inclination pour lui, je le hais, surtout à présent, pour les excès qu’il m’a fait commettre, et ne lui pardonnerai jamais ma brutalité. »
     A ces mots, il est sorti sans attendre ma réponse, et presque avec le même air de sévérité qu’il venait de se reprocher. Ah ! ma cousine, quels monstres d’enfer sont ces préjugés qui dépravent les meilleurs cœurs, et font taire à chaque instant la nature !
     Voilà, ma Claire, comment s’est passée l’explication que tu avais prévue, et dont je n’ai pu comprendre la cause jusqu’à ce que ta lettre me l’ait apprise. Je ne puis bien te dire quelle évolution s’est faite en moi, mais depuis ce moment je me trouve changée ; il me semble que je tourne les yeux avec plus de regret sur l’heureux temps où je vivais tranquille et contente au sein de ma famille, et que je sens augmenter le sentiment de ma faute avec celui des biens qu’elle m’a fait perdre. Dis, cruelle, dis-le-moi, si tu l’oses, le temps de l’amour serait-il passé, et faut-il ne se plus revoir ? Ah ! sens-tu bien tout ce qu’il y a de sombre et d’horrible dans cette funeste idée ? Cependant l’ordre de mon père est précis, le danger de mon amant est certain. Sais-tu ce qui résulte en moi de tant de mouvements opposés qui s’entre-détruisent ? Une sorte de stupidité qui me rend l’âme presque insensible, et ne me laisse l’usage ni des passion, ni de la raison. Le moment est critique, tu me l’as dit et je le sens ; cependant, je ne fus jamais moins en état de me conduire. J’ai voulu tenter vingt fois d’écrire à celui que j’aime : je suis prête à m’évanouir à chaque ligne, et n’en saurais tracer deux de suite. Il ne me reste que toi, ma douce amie ; daigne penser, parler, agir pour moi ; je remets mon sort en tes mains ; quelque parti que tu prennes, je confirme d’avance tout ce que tu feras : je confie à ton amitié ce pouvoir funeste que l’amour m’a vendu si cher. Sépare-moi pour jamais de moi-même, donne-moi la mort s’il faut que je meure, mais ne me force pas à me percer le cœur de ma propre main.
     O mon ange ! ma protectrice ! quel horrible emploi je te laisse ! Auras-tu le courage de l’exercer ? Sauras-tu bien en adoucir la barbarie ! Hélas ! ce n’est pas mon cœur seul qu’il faut déchirer. Claire, tu le sais, comment je suis aimée ! Je n’ai pas même la consolation d’être la plus à plaindre. De grâce ! fais parler mon cœur par ta bouche ; pénètre le tien de la tendre commisération de l’amour ; console un infortuné ; dis-lui cent fois... Ah ! dis-lui... Ne crois-tu pas, chère amie, que, malgré tous les préjugés, tous les obstacles, tous les revers, le ciel nous a faits l’un pour l’autre ? Oui, oui, j’en suis sûre, il nous destine à être unis ; il m’est impossible de perdre cette idée, il m’est impossible de renoncer à l’espoir qui la suit. Dis-lui qu’il se garde lui-même du découragement et du désespoir. Ne t’amuse point à lui demander en mon nom amour et fidélité, encore moins à lui en promettre autant de ma part ; l’assurance n’en est-elle pas au fond de nos âmes ? Ne sentons-nous pas qu’elles sont indivisibles, et que nous n’en avons plus qu’une à nous deux ? Dis-lui donc seulement qu’il espère, et que, si le sort nous poursuit, il se fie au moins à l’amour ; car, je le sens, ma cousine, il guérira de manière ou d’autre les maux qu’il nous cause, et quoi que le ciel ordonne de nous, nous ne vivrons pas longtemps séparés.

P.-S. ─ Après ma lettre écrite, j’ai passé dans la chambre de ma mère, et je me suis trouvée si mal que je suis obligée de venir me remettre dans mon lit : je m’aperçois même... je crains... Ah ! ma chère, je crains bien que ma chute d’hier n’ait quelque suite plus funeste que je n’avais pensé. Ainsi tout est fini pour moi ; toutes mes espérances m’abandonnent en même temps.

 

Fol. 25 : brouillon de la lettre 63 de Julie à Claire (4/4)
 
Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 

Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 

Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe
 
 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 

 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 

 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 
Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)

Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)

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Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)
     Mon père m’a rapporté ce matin l’entretien qu’il eut hier avec vous. Je vois avec plaisir que tout s’achemine à ce qu’il vous plaît d’appeler votre bonheur. J’espère, vous le savez, d’y trouver aussi le mien ; l’estime et l’amitié vous sont acquises, et tout ce que mon cœur peut nourrir de sentiments plus tendres est encore à vous. Mais ne vous y trompez pas ; je suis en femme une espèce de monstre, et je ne sais pas quelle bizarrerie de la nature l’amitié l’emporte en moi sur l’amour. Quand je vous dis que ma Julie m’est plus chère que vous, vous n’en faites que rire ; et cependant rien n’est plus vrai. Julie le sent si bien qu’elle est plus jalouse pour vous que vous-même, et que, tandis que vous paraissez content, elle trouve toujours que je ne vous aime pas assez. Il y a plus, et je m’attache tellement à tout ce qui lui est cher, que son amant et vous êtes à peu près dans mon cœur en même degré, quoique de différentes manières. Je n’ai pour lui que de l’amitié, mais elle est plus vive ; je crois sentir un peu d’amour pour vous, mais il est plus posé. Quoique tout cela pût paraître assez équivalent pour troubler la tranquillité d’un jaloux, je ne pense pas que la vôtre en soit fort altérée.
     Que les pauvres enfants en sont loin, de cette douce tranquillité dont nous osons jouir ! et que notre contentement a mauvaise grâce, tandis que nos amis sont au désespoir ! C’en est fait, il faut qu’ils se quittent ; voici l’instant peut-être de leur éternelle séparation ; et la tristesse que nous leur reprochâmes le jour du concert était peut-être un pressentiment qu’ils se voyaient pour la dernière fois. Cependant votre ami ne sait rien de son infortune ; dans la sécurité de son cœur il jouit encore du bonheur qu’il a perdu ; au moment du désespoir, il goûte en idée une ombre de félicité ; et, comme celui qu’enlève un trépas imprévu, le malheureux songe à vivre, et ne voit pas la mort qui va le saisir. Hélas ! c’est de ma main qu’il doit recevoir ce coup terrible ! O divine amitié, seule idole de mon cœur, viens l’animer de ta sainte cruauté. Donne-moi le courage d’être barbare, et de te servir dignement dans un si douloureux devoir.
     Je compte sur vous en cette occasion, et j’y compterais même quand vous m’aimeriez moins ; car je connais votre âme, je sais qu’elle n’a pas besoin du zèle de l’amour où parle celui de l’humanité. Il s’agit d’abord d’engager notre ami à venir chez moi demain dans la matinée. Gardez-vous, au surplus, de l’avertir de rien. Aujourd’hui l’on me laisse libre, et j’irai passer l’après-midi chez Julie ; tâchez de trouver milord Edouard, et de venir seul avec lui m’attendre à huit heures…

Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)
 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 

 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 

 brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

 
Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)

Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)

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Lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)
     Mon père m’a rapporté ce matin l’entretien qu’il eut hier avec vous. Je vois avec plaisir que tout s’achemine à ce qu’il vous plaît d’appeler votre bonheur. J’espère, vous le savez, d’y trouver aussi le mien ; l’estime et l’amitié vous sont acquises, et tout ce que mon cœur peut nourrir de sentiments plus tendres est encore à vous. Mais ne vous y trompez pas ; je suis en femme une espèce de monstre, et je ne sais pas quelle bizarrerie de la nature l’amitié l’emporte en moi sur l’amour. Quand je vous dis que ma Julie m’est plus chère que vous, vous n’en faites que rire ; et cependant rien n’est plus vrai. Julie le sent si bien qu’elle est plus jalouse pour vous que vous-même, et que, tandis que vous paraissez content, elle trouve toujours que je ne vous aime pas assez. Il y a plus, et je m’attache tellement à tout ce qui lui est cher, que son amant et vous êtes à peu près dans mon cœur en même degré, quoique de différentes manières. Je n’ai pour lui que de l’amitié, mais elle est plus vive ; je crois sentir un peu d’amour pour vous, mais il est plus posé. Quoique tout cela pût paraître assez équivalent pour troubler la tranquillité d’un jaloux, je ne pense pas que la vôtre en soit fort altérée.
     Que les pauvres enfants en sont loin, de cette douce tranquillité dont nous osons jouir ! et que notre contentement a mauvaise grâce, tandis que nos amis sont au désespoir ! C’en est fait, il faut qu’ils se quittent ; voici l’instant peut-être de leur éternelle séparation ; et la tristesse que nous leur reprochâmes le jour du concert était peut-être un pressentiment qu’ils se voyaient pour la dernière fois. Cependant votre ami ne sait rien de son infortune ; dans la sécurité de son cœur il jouit encore du bonheur qu’il a perdu ; au moment du désespoir, il goûte en idée une ombre de félicité ; et, comme celui qu’enlève un trépas imprévu, le malheureux songe à vivre, et ne voit pas la mort qui va le saisir. Hélas ! c’est de ma main qu’il doit recevoir ce coup terrible ! O divine amitié, seule idole de mon cœur, viens l’animer de ta sainte cruauté. Donne-moi le courage d’être barbare, et de te servir dignement dans un si douloureux devoir.
     Je compte sur vous en cette occasion, et j’y compterais même quand vous m’aimeriez moins ; car je connais votre âme, je sais qu’elle n’a pas besoin du zèle de l’amour où parle celui de l’humanité. Il s’agit d’abord d’engager notre ami à venir chez moi demain dans la matinée. Gardez-vous, au surplus, de l’avertir de rien. Aujourd’hui l’on me laisse libre, et j’irai passer l’après-midi chez Julie ; tâchez de trouver milord Edouard, et de venir seul avec lui m’attendre à huit heures…

Fol. 28 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (1/2)
brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso
Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 

Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 

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Lettre LXIV de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
…afin de convenir ensemble de ce qu’il faudra faire pour résoudre au départ cet infortuné et prévenir son désespoir.
     J’espère beaucoup de son courage et de nos soins ; j’espère encore plus de son amour. La volonté de Julie, le danger que courent sa vie et son honneur, sont des motifs auxquels il ne résistera pas. Quoi qu’il en soit, je vous déclare qu’il ne sera point question de noce entre nous que Julie ne soit tranquille, et que jamais les larmes de mon amie n’arroseront le nœud qui doit nous unir. Ainsi, monsieur, s’il est vrai que vous m’aimiez, votre intérêt s’accorde, en cette occasion, avec votre générosité ; et ce n’est pas tellement ici l’affaire d’autrui, que ce ne soit aussi la vôtre.

Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 
brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso

brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe verso
Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 

Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 

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Lettre LXIV de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
…afin de convenir ensemble de ce qu’il faudra faire pour résoudre au départ cet infortuné et prévenir son désespoir.
     J’espère beaucoup de son courage et de nos soins ; j’espère encore plus de son amour. La volonté de Julie, le danger que courent sa vie et son honneur, sont des motifs auxquels il ne résistera pas. Quoi qu’il en soit, je vous déclare qu’il ne sera point question de noce entre nous que Julie ne soit tranquille, et que jamais les larmes de mon amie n’arroseront le nœud qui doit nous unir. Ainsi, monsieur, s’il est vrai que vous m’aimiez, votre intérêt s’accorde, en cette occasion, avec votre générosité ; et ce n’est pas tellement ici l’affaire d’autrui, que ce ne soit aussi la vôtre.

Fol. 30 : brouillon de la lettre 64 de Claire à monsieur d’Orbe (2/2)
 
Julie ou la Nouvelle Héloïse couverture verso
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La Nouvelle Héloïse est le récit, sous la forme épistolaire, d'une passion impossible entre Saint-Preux, un précepteur roturier, et son élève Julie, fille du baron d'Estanges. Bousculant les préjugés et cristallisant toutes les aspirations sentimentales de l'époque, ce roman, publié en 1761, eut un retentissement considérable.
Voici quelques lettres de la toute première version manuscrite de J.-J. Rousseau, appelée le "brouillon" et conservée par la Bibliothèque de l’Assemblée nationale.