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Livre à feuilleter

Le manuscrit de Notre-Dame de Paris

Victor Hugo (1802-1885)
Nouvelle acquisiton française 13378
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NAF 13378, fol.1v

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Victor Hugo est le premier écrivain français à avoir conservé scrupuleusement ses manuscrits et à s’être préoccupé de leur devenir après sa mort. En 1881, il inscrit dans son testament qu’il lègue « tout ce qui sera trouvé écrit ou dessiné par [lui] à la Bibliothèque nationale de Paris, qui sera un jour la Bibliothèque des États-Unis d’Europe ». Mais cette idée de transmettre ses manuscrits aux générations futures, d’en faire un patrimoine public, était chez lui bien plus ancienne, et a dû se préciser dans les dernières années de l’exil. C’est sans doute dans cette perspective qu’il a pris soin de faire relier ses manuscrits à Guernesey à la fin des années 1860. Pour lui, le manuscrit autographe avait une valeur irremplaçable d’authentification : il incarnait la paternité de l’auteur sur son œuvre, et était le garant irréfutable de l’intégrité du texte. Il se devait donc d’être complet. Comme le manuscrit original de cette préface était perdu, Hugo s’appliqua, comme l’indique la note marginale à l’encre violette en haut à gauche, à la recopier scrupuleusement d’après le livre imprimé.

Le texte même de cette préface évoque, par un fascinant jeu de miroirs, ce thème de la survivance des réalisations humaines, qui est au cœur du roman : l’auteur prétend que Notre-Dame de Paris lui a été inspiré par un mot qu’il aurait un jour découvert, gravé en majuscules grecques, dans un recoin obscur d’une tour de Notre-Dame : ΑΝÁΓΚΗ (« fatalité ») ; mais il précise bien que ce mot est aujourd’hui effacé (ce qui n’empêcha pas de nombreux visiteurs de la cathédrale de partir à sa recherche…), comme l’homme qui l’a gravé s’est effacé, et comme s’effacera peut-être un jour l’église elle-même ; à la pérennité illusoire de la pierre se substitue ainsi l’éternité de l’écrit.

NAF 13378, fol 2
NAF 13378, fol.1v

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NAF 13378, fol 2

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Victor Hugo est le premier écrivain français à avoir conservé scrupuleusement ses manuscrits et à s’être préoccupé de leur devenir après sa mort. En 1881, il inscrit dans son testament qu’il lègue « tout ce qui sera trouvé écrit ou dessiné par [lui] à la Bibliothèque nationale de Paris, qui sera un jour la Bibliothèque des États-Unis d’Europe ». Mais cette idée de transmettre ses manuscrits aux générations futures, d’en faire un patrimoine public, était chez lui bien plus ancienne, et a dû se préciser dans les dernières années de l’exil. C’est sans doute dans cette perspective qu’il a pris soin de faire relier ses manuscrits à Guernesey à la fin des années 1860. Pour lui, le manuscrit autographe avait une valeur irremplaçable d’authentification : il incarnait la paternité de l’auteur sur son œuvre, et était le garant irréfutable de l’intégrité du texte. Il se devait donc d’être complet. Comme le manuscrit original de cette préface était perdu, Hugo s’appliqua, comme l’indique la note marginale à l’encre violette en haut à gauche, à la recopier scrupuleusement d’après le livre imprimé.

Le texte même de cette préface évoque, par un fascinant jeu de miroirs, ce thème de la survivance des réalisations humaines, qui est au cœur du roman : l’auteur prétend que Notre-Dame de Paris lui a été inspiré par un mot qu’il aurait un jour découvert, gravé en majuscules grecques, dans un recoin obscur d’une tour de Notre-Dame : ΑΝÁΓΚΗ (« fatalité ») ; mais il précise bien que ce mot est aujourd’hui effacé (ce qui n’empêcha pas de nombreux visiteurs de la cathédrale de partir à sa recherche…), comme l’homme qui l’a gravé s’est effacé, et comme s’effacera peut-être un jour l’église elle-même ; à la pérennité illusoire de la pierre se substitue ainsi l’éternité de l’écrit.

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NAF 13378, fol. 6v

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NAF 13378, fol. 7r

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On peut observer sur cette page, parmi bien d’autres, quelques caractéristiques remarquables du manuscrit hugolien :

  • L’utilisation de l’espace : comme à son habitude, Hugo partage la page en deux dans le sens de la hauteur ; à droite (puisqu’il est droitier), la première rédaction ; la moitié gauche est réservée pour les ajouts et les réécritures. Dans le cas de Notre-Dame de Paris, qui fut écrit dans l’urgence, en à peine quatre mois, ces modifications sont rares, et le texte est né d’emblée dans sa forme quasi-définitive. On ne voit ici que deux courts membres de phrases intercalés, et quelques petites ratures.
  • La graphie : elle porte encore quelques traces juvéniles de l’écolier appliqué  qui aime à enjoliver ses lettres, comme les volutes des g et des d ; mais la main plus ferme de la maturité se manifeste par les traits obliques appuyés des p et des q qui, dans les manuscrits de l’exil, prendront l’allure de véritables giboulées d’encre sur la page. Hugo écrit à la plume d’oie (il refusera toujours la plume métallique). Ce n’est que dans les années 1850 qu’il prendra l’habitude d’écrire debout.
  • Les scansions quotidiennes de la rédaction : Hugo marque la fin de chaque journée d’écriture par un petit trait horizontal dans la marge ; quand le trait est redoublé, comme ici, cela signifie qu’il s’est interrompu une journée entière. Ces repères ont permis aux chercheurs de reconstituer la chronologie précise de la rédaction du roman. Le rythme moyen est de 4 à 5 pages par jour.
  • Enfin, dans la marge, on trouve un de ces noms d’ouvrier typographe que Hugo déplorait sur la page de titre. Il signifie que le chef d’atelier a attribué à cet ouvrier la composition typographique de la portion de texte commençant ici, et jusqu’au prochain nom (« Lévi »), au f. 9r. Par une amusante coïncidence, ce compositeur s’appelait donc Bossu, comme un lointain descendant de Quasimodo.
NAF 13378, fol. 7r
NAF 13378, fol. 6v

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On peut observer sur cette page, parmi bien d’autres, quelques caractéristiques remarquables du manuscrit hugolien :

  • L’utilisation de l’espace : comme à son habitude, Hugo partage la page en deux dans le sens de la hauteur ; à droite (puisqu’il est droitier), la première rédaction ; la moitié gauche est réservée pour les ajouts et les réécritures. Dans le cas de Notre-Dame de Paris, qui fut écrit dans l’urgence, en à peine quatre mois, ces modifications sont rares, et le texte est né d’emblée dans sa forme quasi-définitive. On ne voit ici que deux courts membres de phrases intercalés, et quelques petites ratures.
  • La graphie : elle porte encore quelques traces juvéniles de l’écolier appliqué  qui aime à enjoliver ses lettres, comme les volutes des g et des d ; mais la main plus ferme de la maturité se manifeste par les traits obliques appuyés des p et des q qui, dans les manuscrits de l’exil, prendront l’allure de véritables giboulées d’encre sur la page. Hugo écrit à la plume d’oie (il refusera toujours la plume métallique). Ce n’est que dans les années 1850 qu’il prendra l’habitude d’écrire debout.
  • Les scansions quotidiennes de la rédaction : Hugo marque la fin de chaque journée d’écriture par un petit trait horizontal dans la marge ; quand le trait est redoublé, comme ici, cela signifie qu’il s’est interrompu une journée entière. Ces repères ont permis aux chercheurs de reconstituer la chronologie précise de la rédaction du roman. Le rythme moyen est de 4 à 5 pages par jour.
  • Enfin, dans la marge, on trouve un de ces noms d’ouvrier typographe que Hugo déplorait sur la page de titre. Il signifie que le chef d’atelier a attribué à cet ouvrier la composition typographique de la portion de texte commençant ici, et jusqu’au prochain nom (« Lévi »), au f. 9r. Par une amusante coïncidence, ce compositeur s’appelait donc Bossu, comme un lointain descendant de Quasimodo.
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NAF 13378, fol. 71v

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NAF 13378, fol. 72r

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On retrouve notre ami Bossu sur cette page qui diffère des précédentes à la fois par le papier utilisé, et par l’absence de pagination en haut à gauche : selon le code de majuscules et d’exposants utilisés par Hugo, on attendrait en effet, à la suite du «  » du f. 68, un «  » ; or celui-ci n’apparaît qu’au f. 138. Ce double indice permet de déduire que toute cette partie du manuscrit (les livres III à V) a été écrite plus tardivement, et insérée dans la trame initiale du roman. Ici, le narrateur profite d’une pause nocturne dans l’action (la nuit de noces platonique entre Esmeralda et Gringoire, et l’incarcération de Quasimodo) pour se livrer à plusieurs développements non narratifs. On voit comment le projet littéraire a pris de l’ampleur en cours de rédaction : Hugo a commencé à écrire Notre-Dame de Paris comme une pure intrigue enchaînant les épisodes et les péripéties, à la manière de Walter Scott et d’Alexandre Dumas ; mais parvenu à un certain stade dans l’élaboration du texte, il a éprouvé la nécessité de donner à son œuvre une ampleur beaucoup plus large, d’évoluer vers une conception romanesque plus complexe et totalisante (bouleversement de la chronologie, diversité des registres, digressions…), qui sera celle des Misérables et des œuvres ultérieures.

Dans ce chapitre, il interrompt donc le récit pour offrir, au présent, une puissante évocation de ce « majestueux et sublime édifice » qu’est la cathédrale de Paris, déplorer les outrages que les siècles lui ont infligés, et alerter sur le péril dans lequel elle se trouve en ce début de 19e siècle. De fait, Notre-Dame de Paris a eu une influence décisive, en France et au-delà, sur la prise de conscience de la beauté et de la puissance incomparables de l’architecture médiévale, et de la nécessité d’en préserver tout ce qui pouvait encore l’être. Le roman a directement inspiré la restauration de la cathédrale, entreprise par Viollet-le-Duc à partir de 1845.

NAF 13378, fol. 72r
NAF 13378, fol. 71v

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On retrouve notre ami Bossu sur cette page qui diffère des précédentes à la fois par le papier utilisé, et par l’absence de pagination en haut à gauche : selon le code de majuscules et d’exposants utilisés par Hugo, on attendrait en effet, à la suite du «  » du f. 68, un «  » ; or celui-ci n’apparaît qu’au f. 138. Ce double indice permet de déduire que toute cette partie du manuscrit (les livres III à V) a été écrite plus tardivement, et insérée dans la trame initiale du roman. Ici, le narrateur profite d’une pause nocturne dans l’action (la nuit de noces platonique entre Esmeralda et Gringoire, et l’incarcération de Quasimodo) pour se livrer à plusieurs développements non narratifs. On voit comment le projet littéraire a pris de l’ampleur en cours de rédaction : Hugo a commencé à écrire Notre-Dame de Paris comme une pure intrigue enchaînant les épisodes et les péripéties, à la manière de Walter Scott et d’Alexandre Dumas ; mais parvenu à un certain stade dans l’élaboration du texte, il a éprouvé la nécessité de donner à son œuvre une ampleur beaucoup plus large, d’évoluer vers une conception romanesque plus complexe et totalisante (bouleversement de la chronologie, diversité des registres, digressions…), qui sera celle des Misérables et des œuvres ultérieures.

Dans ce chapitre, il interrompt donc le récit pour offrir, au présent, une puissante évocation de ce « majestueux et sublime édifice » qu’est la cathédrale de Paris, déplorer les outrages que les siècles lui ont infligés, et alerter sur le péril dans lequel elle se trouve en ce début de 19e siècle. De fait, Notre-Dame de Paris a eu une influence décisive, en France et au-delà, sur la prise de conscience de la beauté et de la puissance incomparables de l’architecture médiévale, et de la nécessité d’en préserver tout ce qui pouvait encore l’être. Le roman a directement inspiré la restauration de la cathédrale, entreprise par Viollet-le-Duc à partir de 1845.

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NAF 13378, fol. 79r

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Ici s’ouvre le second chapitre rédigé et inséré a posteriori dans le roman : « Paris à vol d’oiseau ». Après avoir évoqué la cathédrale dans son état présent, le narrateur repart en 1482, et restitue le spectacle qui pouvait s’offrir à un observateur depuis le sommet des tours de Notre-Dame. C’est un tour de force doublement visionnaire. D’abord parce qu’il s’agit de donner à voir, par la puissance de l’écriture, ce qui n’existe plus depuis longtemps, et dont aucune image fiable ne témoigne : le Paris de la fin du 15e siècle ; mais aussi parce que, avec ce panorama urbain, Hugo introduit dans le roman historique une dimension à la fois archéologique et fantasmagorique qui allait faire école (que l’on songe à l’évocation de Thèbes dans Le Roman de la momie, de Théophile Gautier, ou de Carthage dans Salammbô de Flaubert) et, quelques décennies plus tard, nourrir le cinéma. Il a sans doute été inspiré par le genre pictural du panorama, inventé à la fin du 18e siècle, et très en vogue à l’époque romantique. Mais ces panoramas de peintres étaient généralement réalistes et faits d’après nature, ils donnaient à voir les villes telles qu’elles étaient. Hugo, lui, recrée un monde disparu, avec les matériaux fournis par les travaux érudits, mais transfigurés par son imagination. C’est ainsi un Paris à la fois reconstitué et rêvé qu’il nous donne à voir, une ville idéalisée, avec ses trois grands quartiers : l’île de la Cité, la Ville (rive droite) et l’Université (rive gauche).

Cette page comporte également deux intéressantes notes informatives : la date de rédaction au début du paragraphe (18 janvier 1831, soit trois jours après qu’il a écrit le mot « Fin »), et une note à destination de l’imprimeur en haut à gauche, témoignant que Hugo lui envoyait ses liasses manuscrites au fur et à mesure de l’écriture.

NAF 13378, fol. 79r
NAF 13378, fol. 78v

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Ici s’ouvre le second chapitre rédigé et inséré a posteriori dans le roman : « Paris à vol d’oiseau ». Après avoir évoqué la cathédrale dans son état présent, le narrateur repart en 1482, et restitue le spectacle qui pouvait s’offrir à un observateur depuis le sommet des tours de Notre-Dame. C’est un tour de force doublement visionnaire. D’abord parce qu’il s’agit de donner à voir, par la puissance de l’écriture, ce qui n’existe plus depuis longtemps, et dont aucune image fiable ne témoigne : le Paris de la fin du 15e siècle ; mais aussi parce que, avec ce panorama urbain, Hugo introduit dans le roman historique une dimension à la fois archéologique et fantasmagorique qui allait faire école (que l’on songe à l’évocation de Thèbes dans Le Roman de la momie, de Théophile Gautier, ou de Carthage dans Salammbô de Flaubert) et, quelques décennies plus tard, nourrir le cinéma. Il a sans doute été inspiré par le genre pictural du panorama, inventé à la fin du 18e siècle, et très en vogue à l’époque romantique. Mais ces panoramas de peintres étaient généralement réalistes et faits d’après nature, ils donnaient à voir les villes telles qu’elles étaient. Hugo, lui, recrée un monde disparu, avec les matériaux fournis par les travaux érudits, mais transfigurés par son imagination. C’est ainsi un Paris à la fois reconstitué et rêvé qu’il nous donne à voir, une ville idéalisée, avec ses trois grands quartiers : l’île de la Cité, la Ville (rive droite) et l’Université (rive gauche).

Cette page comporte également deux intéressantes notes informatives : la date de rédaction au début du paragraphe (18 janvier 1831, soit trois jours après qu’il a écrit le mot « Fin »), et une note à destination de l’imprimeur en haut à gauche, témoignant que Hugo lui envoyait ses liasses manuscrites au fur et à mesure de l’écriture.

NAF 13378, fol. 79r
NAF 13378, fol. 196v

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Cette page se situe au début du chapitre IV du livre septième. Le jeune écolier (étudiant) Jehan du Moulin, que l’on avait rencontré dans le premier chapitre du roman, descend de la montagne Sainte-Geneviève et traverse la Seine pour aller rendre visite à son frère Claude Frollo, archidiacre de Notre-Dame, et lui soutirer de l’argent. Le bedeau l’informe que Frollo est sans doute enfermé dans le cabinet secret qu’il s’est aménagé dans la tour nord pour se livrer en toute tranquillité à ses mystérieuses recherches et à ses méditations ésotériques. Jehan entreprend alors l’ascension de la cathédrale, par le même chemin que les visiteurs empruntent aujourd’hui. Dans la marge, Hugo a dessiné une petite représentation schématique de la façade de Notre-Dame (avec la flèche, qui en 1830 n’existait plus, et que Viollet-le-Duc recréera). On peut, sans extrapoler, supposer que ce griffonnage a marqué le début d’une journée d’écriture, un peu comme une mise en jambes : il se trouve à la hauteur du petit trait marquant la progression quotidienne de la rédaction.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, Hugo n’a pas illustré ses manuscrits, à l’exception notable de celui des Travailleurs de la mer. Sa création graphique et sa création littéraire ne se recoupent que rarement. D’ailleurs, à cette date, il n’est pas encore le dessinateur visionnaire qu’il deviendra : ce n’est que progressivement, au cours de la décennie suivante, qu’il va aborder sérieusement cet art. La petite demi-douzaine de dessins que l’on trouve dans les marges du manuscrits de Notre-Dame de Paris ne sont encore que d’anodines récréations de la plume.

NAF 13378, fol. 196v
NAF 13378, fol. 197r

NAF 13378, fol. 197r

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Cette page se situe au début du chapitre IV du livre septième. Le jeune écolier (étudiant) Jehan du Moulin, que l’on avait rencontré dans le premier chapitre du roman, descend de la montagne Sainte-Geneviève et traverse la Seine pour aller rendre visite à son frère Claude Frollo, archidiacre de Notre-Dame, et lui soutirer de l’argent. Le bedeau l’informe que Frollo est sans doute enfermé dans le cabinet secret qu’il s’est aménagé dans la tour nord pour se livrer en toute tranquillité à ses mystérieuses recherches et à ses méditations ésotériques. Jehan entreprend alors l’ascension de la cathédrale, par le même chemin que les visiteurs empruntent aujourd’hui. Dans la marge, Hugo a dessiné une petite représentation schématique de la façade de Notre-Dame (avec la flèche, qui en 1830 n’existait plus, et que Viollet-le-Duc recréera). On peut, sans extrapoler, supposer que ce griffonnage a marqué le début d’une journée d’écriture, un peu comme une mise en jambes : il se trouve à la hauteur du petit trait marquant la progression quotidienne de la rédaction.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, Hugo n’a pas illustré ses manuscrits, à l’exception notable de celui des Travailleurs de la mer. Sa création graphique et sa création littéraire ne se recoupent que rarement. D’ailleurs, à cette date, il n’est pas encore le dessinateur visionnaire qu’il deviendra : ce n’est que progressivement, au cours de la décennie suivante, qu’il va aborder sérieusement cet art. La petite demi-douzaine de dessins que l’on trouve dans les marges du manuscrits de Notre-Dame de Paris ne sont encore que d’anodines récréations de la plume.

NAF 13378, fol. 196v
NAF 13378, fol. 197r

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NAF 13378, fol 233v

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On a ici un exemple frappant de la dynamique dominante de la création hugolienne : l’amplification, l’ajout de matière, l’auto-engendrement du texte. Même sur une œuvre comme Notre-Dame de Paris qu’il a dû écrire dans l’urgence, et pour laquelle il n’a guère eu le temps de laisser reposer son texte puis de le reprendre, les principales modifications dont le manuscrit porte la trace sont des enrichissements, et non des retranchements. Ici, Hugo a inséré un épisode entier entre deux paragraphes du premier jet. La masse de texte dans la colonne de gauche étant presque le double de celle de droite, il a dû écrire beaucoup plus petit pour arriver à tout faire tenir sur une même page. Dans les manuscrits de l’exil, Hugo ayant pris l’habitude de n’écrire qu’au recto, ces ajouts se déploieront parfois sur le verso vierge de la feuille en vis-à-vis, ou bien, si la place manquait encore, sur des bouts de papiers collés à la page.

Ces ajouts ne sont bien sûr jamais gratuits. Nous sommes ici dans la scène à la fois comique et glaçante du procès d’Esmeralda, et l’épisode inséré est celui où la petite chèvre Djali, elle-même accusée de sorcellerie, est amenée dans le prétoire pour « témoigner » contre sa maîtresse, à charge bien sûr. Si la satire vise en premier lieu les superstitions attribuées au Moyen Âge, et dont les premières victimes étaient toujours les plus faibles (les marginaux, les fous, les femmes, les étrangers, les animaux), elle illustre aussi l’indignation et la colère de Hugo envers l’injustice et l’arbitraire, et sa défiance profonde de l’institution judiciaire, déjà manifeste dans le procès de Quasimodo, plus tôt dans le roman, où les mêmes magistrats procédaient avec le plus grand sérieux à l’interrogatoire d’un sourd, condamné d’avance. Ce thème est récurrent dans son œuvre, du Dernier Jour d’un condamné (1829) à L’Homme qui rit (1869) en passant par Les Misérables (1862), ainsi que dans ses engagements publics.

NAF 13378, fol 233v
NAF 13378, fol 234r

NAF 13378, fol 234r

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On a ici un exemple frappant de la dynamique dominante de la création hugolienne : l’amplification, l’ajout de matière, l’auto-engendrement du texte. Même sur une œuvre comme Notre-Dame de Paris qu’il a dû écrire dans l’urgence, et pour laquelle il n’a guère eu le temps de laisser reposer son texte puis de le reprendre, les principales modifications dont le manuscrit porte la trace sont des enrichissements, et non des retranchements. Ici, Hugo a inséré un épisode entier entre deux paragraphes du premier jet. La masse de texte dans la colonne de gauche étant presque le double de celle de droite, il a dû écrire beaucoup plus petit pour arriver à tout faire tenir sur une même page. Dans les manuscrits de l’exil, Hugo ayant pris l’habitude de n’écrire qu’au recto, ces ajouts se déploieront parfois sur le verso vierge de la feuille en vis-à-vis, ou bien, si la place manquait encore, sur des bouts de papiers collés à la page.

Ces ajouts ne sont bien sûr jamais gratuits. Nous sommes ici dans la scène à la fois comique et glaçante du procès d’Esmeralda, et l’épisode inséré est celui où la petite chèvre Djali, elle-même accusée de sorcellerie, est amenée dans le prétoire pour « témoigner » contre sa maîtresse, à charge bien sûr. Si la satire vise en premier lieu les superstitions attribuées au Moyen Âge, et dont les premières victimes étaient toujours les plus faibles (les marginaux, les fous, les femmes, les étrangers, les animaux), elle illustre aussi l’indignation et la colère de Hugo envers l’injustice et l’arbitraire, et sa défiance profonde de l’institution judiciaire, déjà manifeste dans le procès de Quasimodo, plus tôt dans le roman, où les mêmes magistrats procédaient avec le plus grand sérieux à l’interrogatoire d’un sourd, condamné d’avance. Ce thème est récurrent dans son œuvre, du Dernier Jour d’un condamné (1829) à L’Homme qui rit (1869) en passant par Les Misérables (1862), ainsi que dans ses engagements publics.

NAF 13378, fol 233v
NAF 13378, fol 234r

NAF 13378, fol 234r

NAF 13378, fol 234r
NAF 13378, fol 322v

NAF 13378, fol 322v

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La longue scène de l’assaut nocturne mené contre la cathédrale par la foule des truands venus libérer leur « sœur » Esmeralda est un des morceaux de bravoure du roman. Flaubert n’hésitait pas à comparer le génie épique de Hugo, dans ce chapitre, aux plus puissantes visions de Shakespeare, Rubens ou Michel-Ange (il aurait aussi pu citer Goya). Réveillé dans la nuit malgré sa surdité, Quasimodo, persuadé à tort que les assaillants veulent s’emparer de la jeune bohémienne pour la mener au bûcher, déploie des efforts surhumains pour repousser cette armée ténébreuse surgie de la Cour des Miracles.

Sans faire de graphologie hasardeuse, on peut constater que l’écriture, dans ces dernières semaines de rédaction, n’a plus aucune de ces joliesses que l’on trouvait dans les premières chapitres : plus penchée, plus serrée, parfois difficilement lisible (ayons une pensée pour les typographes qui ont dû la déchiffrer !), elle témoigne de la fièvre avec laquelle Hugo, possédé par l’univers qu’il avait créé, a engendré ces pages. C’est l’un des passages où la puissance visionnaire de la création hugolienne est la plus manifeste. Les rares retouches que l’on lit sur le manuscrit tendent toutes à renforcer l’impact visuel du récit, à susciter des images dans l’esprit du lecteur. Ainsi, dans le deuxième paragraphe, il remplace « ce qu’ils voyaient était étrange » par « extraordinaire »  ; un peu plus loin, il complète la phrase : « il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles » par « une grande flamme désordonnée et furieuse » ; et quelques lignes en-dessous, autre vision saisissante : « deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. »

Évidemment, cette page ne peut qu’évoquer, pour le lecteur contemporain, les terribles images de l’incendie d’avril 2019.

NAF 13378, fol 322v
NAF 13378, fol 323r

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NAF 13378, fol 322v

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La longue scène de l’assaut nocturne mené contre la cathédrale par la foule des truands venus libérer leur « sœur » Esmeralda est un des morceaux de bravoure du roman. Flaubert n’hésitait pas à comparer le génie épique de Hugo, dans ce chapitre, aux plus puissantes visions de Shakespeare, Rubens ou Michel-Ange (il aurait aussi pu citer Goya). Réveillé dans la nuit malgré sa surdité, Quasimodo, persuadé à tort que les assaillants veulent s’emparer de la jeune bohémienne pour la mener au bûcher, déploie des efforts surhumains pour repousser cette armée ténébreuse surgie de la Cour des Miracles.

Sans faire de graphologie hasardeuse, on peut constater que l’écriture, dans ces dernières semaines de rédaction, n’a plus aucune de ces joliesses que l’on trouvait dans les premières chapitres : plus penchée, plus serrée, parfois difficilement lisible (ayons une pensée pour les typographes qui ont dû la déchiffrer !), elle témoigne de la fièvre avec laquelle Hugo, possédé par l’univers qu’il avait créé, a engendré ces pages. C’est l’un des passages où la puissance visionnaire de la création hugolienne est la plus manifeste. Les rares retouches que l’on lit sur le manuscrit tendent toutes à renforcer l’impact visuel du récit, à susciter des images dans l’esprit du lecteur. Ainsi, dans le deuxième paragraphe, il remplace « ce qu’ils voyaient était étrange » par « extraordinaire »  ; un peu plus loin, il complète la phrase : « il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles » par « une grande flamme désordonnée et furieuse » ; et quelques lignes en-dessous, autre vision saisissante : « deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. »

Évidemment, cette page ne peut qu’évoquer, pour le lecteur contemporain, les terribles images de l’incendie d’avril 2019.

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À la suite du manuscrit du roman, les exécuteurs testamentaires de Hugo on fait monter une cinquantaine de feuillets parfois qualifiés, improprement, de « reliquat », et qui sont essentiellement des notes prises par Hugo pendant la très courte phase de préparation du roman, à l’été 1830. Ils sont les seuls documents qui témoignent de la genèse de l’œuvre, de sa conception, de ses sources.

Cette page (qui se poursuit au verso) est particulièrement importante, puisqu’il s’agit du synopsis initial du roman. Bien que très sommaire, et parfois difficile à déchiffrer, il donne d’intéressantes informations. On découvre ainsi que Hugo avait dès l’origine en tête les noms de Gringoire et d’Esmeralda, alors que Frollo était encore « l’archidiacre », et Quasimodo « le sourd-muet ». Dans ce premier scénario, la place de Gringoire était manifestement bien plus importante que dans le roman final : il était l’un des principaux protagonistes, et avait sans doute plus de substance que le personnage léger et un peu ridicule que nous connaissons. Il était notamment prévu de lui faire rendre visite à Louis XI dans le château de Plessis-lès-Tours (comme Quentin Durward dans le roman de Walter Scott) ; il se contentera finalement d’un court interrogatoire à la Bastille.

Le principal enseignement est que le personnage de Phébus a été inventé et inséré dans le scénario dans un second temps, sans doute alors que la rédaction du roman était déjà entamée : tous les épisodes qui le mettent en scène ont été ajoutés, d’une autre encre, dans la marge de gauche. Si ce bellâtre égoïste et inconstant n’est pas le personnage le plus marquant du roman, il n’en joue pas moins un rôle dramatique essentiel, en incarnant l’être aimé et idéalisé par Esmeralda, pour lequel elle ira jusqu’au sacrifice ultime (rôle pour lequel Gringoire était mal taillé), et en enflammant en retour la jalousie maladive de Frollo, poussé au crime par cette obsession.

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À la suite du manuscrit du roman, les exécuteurs testamentaires de Hugo on fait monter une cinquantaine de feuillets parfois qualifiés, improprement, de « reliquat », et qui sont essentiellement des notes prises par Hugo pendant la très courte phase de préparation du roman, à l’été 1830. Ils sont les seuls documents qui témoignent de la genèse de l’œuvre, de sa conception, de ses sources.

Cette page (qui se poursuit au verso) est particulièrement importante, puisqu’il s’agit du synopsis initial du roman. Bien que très sommaire, et parfois difficile à déchiffrer, il donne d’intéressantes informations. On découvre ainsi que Hugo avait dès l’origine en tête les noms de Gringoire et d’Esmeralda, alors que Frollo était encore « l’archidiacre », et Quasimodo « le sourd-muet ». Dans ce premier scénario, la place de Gringoire était manifestement bien plus importante que dans le roman final : il était l’un des principaux protagonistes, et avait sans doute plus de substance que le personnage léger et un peu ridicule que nous connaissons. Il était notamment prévu de lui faire rendre visite à Louis XI dans le château de Plessis-lès-Tours (comme Quentin Durward dans le roman de Walter Scott) ; il se contentera finalement d’un court interrogatoire à la Bastille.

Le principal enseignement est que le personnage de Phébus a été inventé et inséré dans le scénario dans un second temps, sans doute alors que la rédaction du roman était déjà entamée : tous les épisodes qui le mettent en scène ont été ajoutés, d’une autre encre, dans la marge de gauche. Si ce bellâtre égoïste et inconstant n’est pas le personnage le plus marquant du roman, il n’en joue pas moins un rôle dramatique essentiel, en incarnant l’être aimé et idéalisé par Esmeralda, pour lequel elle ira jusqu’au sacrifice ultime (rôle pour lequel Gringoire était mal taillé), et en enflammant en retour la jalousie maladive de Frollo, poussé au crime par cette obsession.

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Cette double page de dessins peut paraître incongrue dans le reliquat du manuscrit : si on trouve au f. 404r des esquisses d’édifices médiévaux, et au f. 405v des fragments du livre XI (les supplications de Gertrude pour tenter de sauver Esmeralda), les petits dessins qui couvrent la face intérieure de ce double feuillet n’ont aucun rapport avec le roman. Il s’agit de griffonnages faits par Hugo avec ses enfants, certains sans doute de sa main (le petit personnage joufflu sur la page de droite, que l’on retrouve dans d’autres dessins des années 1830 où il est désigné comme François-Victor), d’autres manifestement de menottes encore très maladroites.

Cette réalisation collective offre un témoignage émouvant de l’atmosphère familiale heureuse dans laquelle a été écrit Notre-Dame de Paris, celle d’un jeune foyer que devaient emplir les cris, les rires et les babillages de quatre jeunes enfants : Léopoldine, née en 1824, Charles (1826), François-Victor (1828) et enfin la petite Adèle, née quelques jours après que Hugo a commencé à rédiger le roman. La famille Hugo venait de s’installer rue Jean-Goujon, dans le quartier des Champs-Élysées, qui était alors une banlieue encore campagnarde de Paris. Bien qu’enfermé avec son roman (qu’il dut rédiger en à peine quatre mois sous la pression de son éditeur) et quasi enchaîné à sa table de travail, Hugo s’est accordé quelques récréations « artistiques » avec ses enfants adorés.

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Cette double page de dessins peut paraître incongrue dans le reliquat du manuscrit : si on trouve au f. 404r des esquisses d’édifices médiévaux, et au f. 405v des fragments du livre XI (les supplications de Gertrude pour tenter de sauver Esmeralda), les petits dessins qui couvrent la face intérieure de ce double feuillet n’ont aucun rapport avec le roman. Il s’agit de griffonnages faits par Hugo avec ses enfants, certains sans doute de sa main (le petit personnage joufflu sur la page de droite, que l’on retrouve dans d’autres dessins des années 1830 où il est désigné comme François-Victor), d’autres manifestement de menottes encore très maladroites.

Cette réalisation collective offre un témoignage émouvant de l’atmosphère familiale heureuse dans laquelle a été écrit Notre-Dame de Paris, celle d’un jeune foyer que devaient emplir les cris, les rires et les babillages de quatre jeunes enfants : Léopoldine, née en 1824, Charles (1826), François-Victor (1828) et enfin la petite Adèle, née quelques jours après que Hugo a commencé à rédiger le roman. La famille Hugo venait de s’installer rue Jean-Goujon, dans le quartier des Champs-Élysées, qui était alors une banlieue encore campagnarde de Paris. Bien qu’enfermé avec son roman (qu’il dut rédiger en à peine quatre mois sous la pression de son éditeur) et quasi enchaîné à sa table de travail, Hugo s’est accordé quelques récréations « artistiques » avec ses enfants adorés.

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Cette double page de dessins peut paraître incongrue dans le reliquat du manuscrit : si on trouve au f. 404r des esquisses d’édifices médiévaux, et au f. 405v des fragments du livre XI (les supplications de Gertrude pour tenter de sauver Esmeralda), les petits dessins qui couvrent la face intérieure de ce double feuillet n’ont aucun rapport avec le roman. Il s’agit de griffonnages faits par Hugo avec ses enfants, certains sans doute de sa main (le petit personnage joufflu sur la page de droite, que l’on retrouve dans d’autres dessins des années 1830 où il est désigné comme François-Victor), d’autres manifestement de menottes encore très maladroites.

Cette réalisation collective offre un témoignage émouvant de l’atmosphère familiale heureuse dans laquelle a été écrit Notre-Dame de Paris, celle d’un jeune foyer que devaient emplir les cris, les rires et les babillages de quatre jeunes enfants : Léopoldine, née en 1824, Charles (1826), François-Victor (1828) et enfin la petite Adèle, née quelques jours après que Hugo a commencé à rédiger le roman. La famille Hugo venait de s’installer rue Jean-Goujon, dans le quartier des Champs-Élysées, qui était alors une banlieue encore campagnarde de Paris. Bien qu’enfermé avec son roman (qu’il dut rédiger en à peine quatre mois sous la pression de son éditeur) et quasi enchaîné à sa table de travail, Hugo s’est accordé quelques récréations « artistiques » avec ses enfants adorés.

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Cette double page de dessins peut paraître incongrue dans le reliquat du manuscrit : si on trouve au f. 404r des esquisses d’édifices médiévaux, et au f. 405v des fragments du livre XI (les supplications de Gertrude pour tenter de sauver Esmeralda), les petits dessins qui couvrent la face intérieure de ce double feuillet n’ont aucun rapport avec le roman. Il s’agit de griffonnages faits par Hugo avec ses enfants, certains sans doute de sa main (le petit personnage joufflu sur la page de droite, que l’on retrouve dans d’autres dessins des années 1830 où il est désigné comme François-Victor), d’autres manifestement de menottes encore très maladroites.

Cette réalisation collective offre un témoignage émouvant de l’atmosphère familiale heureuse dans laquelle a été écrit Notre-Dame de Paris, celle d’un jeune foyer que devaient emplir les cris, les rires et les babillages de quatre jeunes enfants : Léopoldine, née en 1824, Charles (1826), François-Victor (1828) et enfin la petite Adèle, née quelques jours après que Hugo a commencé à rédiger le roman. La famille Hugo venait de s’installer rue Jean-Goujon, dans le quartier des Champs-Élysées, qui était alors une banlieue encore campagnarde de Paris. Bien qu’enfermé avec son roman (qu’il dut rédiger en à peine quatre mois sous la pression de son éditeur) et quasi enchaîné à sa table de travail, Hugo s’est accordé quelques récréations « artistiques » avec ses enfants adorés.

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Dans cette page  de notes préparatoires, pour laquelle Hugo a utilisé une feuille vierge arrachée d’un registre de la Bibliothèque royale, on trouve diverses informations puisées dans des ouvrages historiques et qui nourriront le roman, non dans sa matière essentielle mais pour ainsi dire dans son décor et es accessoires : les étendards en usage à  la cour de France au 15e siècle, ou les montures et voitures utilisées par les hauts personnages de l’époque, détails qui abondent en particulier dans les premiers chapitres du roman, la fête donnée dans la grande salle du Palais de la Cité. Hugo note aussi quelques détails sur la cour de Louis XI. Comme on le voit, dans ce roman assumé comme fiction mais ancré dans une réalité historique, Hugo utilise à la fois la documentation comme une mine de ce que Roland Barthes appellera des « effets de réel », et comme aliment pour son imagination descriptive et narrative.

Au centre de la page, il a dessiné au crayon un plan schématique du Paris de la fin du Moyen Âge, avec ses deux enceintes (celle de Philippe-Auguste et celle de Charles V), ses portes et ses grands édifices disparus : le premier Louvre, l’hôtel des Tournelles, la Bastille, la tour de Nesle… Il s’agit de la trame topographique du chapitre « Paris à vol d’oiseau ».

Enfin, en dessous du plan, dans une petite liste de noms propres relevés à toutes fins utiles, on voit apparaître celui d’une fête oubliée du calendrier liturgique : la Quasimodo…

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Dans cette page  de notes préparatoires, pour laquelle Hugo a utilisé une feuille vierge arrachée d’un registre de la Bibliothèque royale, on trouve diverses informations puisées dans des ouvrages historiques et qui nourriront le roman, non dans sa matière essentielle mais pour ainsi dire dans son décor et es accessoires : les étendards en usage à  la cour de France au 15e siècle, ou les montures et voitures utilisées par les hauts personnages de l’époque, détails qui abondent en particulier dans les premiers chapitres du roman, la fête donnée dans la grande salle du Palais de la Cité. Hugo note aussi quelques détails sur la cour de Louis XI. Comme on le voit, dans ce roman assumé comme fiction mais ancré dans une réalité historique, Hugo utilise à la fois la documentation comme une mine de ce que Roland Barthes appellera des « effets de réel », et comme aliment pour son imagination descriptive et narrative.

Au centre de la page, il a dessiné au crayon un plan schématique du Paris de la fin du Moyen Âge, avec ses deux enceintes (celle de Philippe-Auguste et celle de Charles V), ses portes et ses grands édifices disparus : le premier Louvre, l’hôtel des Tournelles, la Bastille, la tour de Nesle… Il s’agit de la trame topographique du chapitre « Paris à vol d’oiseau ».

Enfin, en dessous du plan, dans une petite liste de noms propres relevés à toutes fins utiles, on voit apparaître celui d’une fête oubliée du calendrier liturgique : la Quasimodo…

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C’est au verso d’une enveloppe de lettre de Lamartine, postée, comme les timbres l’indiquent, à Aix-les-Bains le 22 juillet 1830, que Hugo a dressé cette étonnante liste de noms. S’il a pu en puiser certains dans ses lectures documentaires, la plupart sont les fruits de son inépuisable inventivité verbale, qui a pu là se donner libre cours. On peut lire cette page comme la liste des personnages d’une pièce de théâtre qui se serait émancipée des limites de la scène, et accueillerait tout un monde costumé et bigarré. De fait, les scènes de foules sont nombreuses, et particulièrement puissantes, dans Notre-Dame de Paris : si le roman a été adapté pour la scène en 1850, avec un grand succès, ses masses humaines et son gigantisme architectural ne trouveront vraiment leur transposition spectaculaire qu’avec l’invention du cinéma.

Mais ces foules ne sont pas anonymes : Hugo a non seulement ressuscité le Paris de 1482, mais aussi tout le peuple qui l’habitait, du roi de France Louis XI au roi des truands Clopin Trouillefou, des commères de la place de Grève aux tenancières de bouge du pont Saint-Michel, des cardinaux aux bourreaux. Et il a pris un plaisir évident à inventer des dizaines de noms « médiévaux » pour baptiser tous ces personnages secondaires et ces figurants : Gervaise la Thibaude, Simonne Quatre-livres, Geoffroy Boucanbry, Ambroise de Rose-épine, Batiste Croque-Oison…

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C’est au verso d’une enveloppe de lettre de Lamartine, postée, comme les timbres l’indiquent, à Aix-les-Bains le 22 juillet 1830, que Hugo a dressé cette étonnante liste de noms. S’il a pu en puiser certains dans ses lectures documentaires, la plupart sont les fruits de son inépuisable inventivité verbale, qui a pu là se donner libre cours. On peut lire cette page comme la liste des personnages d’une pièce de théâtre qui se serait émancipée des limites de la scène, et accueillerait tout un monde costumé et bigarré. De fait, les scènes de foules sont nombreuses, et particulièrement puissantes, dans Notre-Dame de Paris : si le roman a été adapté pour la scène en 1850, avec un grand succès, ses masses humaines et son gigantisme architectural ne trouveront vraiment leur transposition spectaculaire qu’avec l’invention du cinéma.

Mais ces foules ne sont pas anonymes : Hugo a non seulement ressuscité le Paris de 1482, mais aussi tout le peuple qui l’habitait, du roi de France Louis XI au roi des truands Clopin Trouillefou, des commères de la place de Grève aux tenancières de bouge du pont Saint-Michel, des cardinaux aux bourreaux. Et il a pris un plaisir évident à inventer des dizaines de noms « médiévaux » pour baptiser tous ces personnages secondaires et ces figurants : Gervaise la Thibaude, Simonne Quatre-livres, Geoffroy Boucanbry, Ambroise de Rose-épine, Batiste Croque-Oison…

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Victor Hugo est le premier écrivain français à avoir conservé scrupuleusement ses manuscrits et à s’être préoccupé de leur devenir après sa mort. Déposés à la Bibliothèque nationale de France, ils constituent l'un des fonds les plus prestigieux qui y soient conservés. Ils peuvent ainsi être mis à disposition de tous ceux qui auraient besoin de les consulter, comme Hugo lui-même l'avait désiré. On trouve parmi ces manuscrits celui du roman Notre-Dame de Paris, l'un des tout premiers écrits par le plus célèbre des écrivains romantiques français.

Comme la plupart des auteurs au 19e siècle, Victor Hugo écrivait sur des feuillets volants, qui permettaient les permutations, substitutions et intercalations. Le manuscrit de Notre-Dame de Paris était donc initialement une liasse, et il est resté dans cet état pendant près de quatre décennies : ce n’est qu’en 1869 que Hugo l’a fait relier.

La page de titre, sans doute composée à cette occasion, porte, à l’encre violette, deux informations : un bref historique de l’écriture du roman (dates de début et de fin de rédaction, et interruption d’un mois due à la révolution de juillet 1830 et à la naissance d’Adèle Hugo) et une explication des noms propres tracés dans les marges, que nous allons retrouver plus loin : « Comme plusieurs de mes ouvrages, N. D. de Paris a été imprimé sur le manuscrit. Les noms qu’on voit dans les marges sont les noms des compositeurs auxquels on distribuait la copie. » La manuscrit a effectivement été utilisé pour l’impression du roman ; ces « compositeurs » sont les ouvriers typographes qui devaient déchiffrer les liasses et « composer », avec les caractères mobiles, les pages à imprimer. Dans les années suivantes, Hugo, qui ne tolérait plus ces mutilations, décida de garder pour soi le manuscrit autographe et de n’envoyer à l’imprimeur qu’une copie d’une autre main, généralement celle de Juliette Drouet.