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Jean Jaurès et Émile Combes à la tribune

Jean Jaurès et Émile Combes à la tribune
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Figure emblématique du combat pour la paix, fondateur de l’Humanité, député, Jean Jaurès est bien connu pour son action politique. On sait moins qu’il fut professeur de philosophie et que toute sa vie il a été extrêmement soucieux de la question scolaire et plus largement de celle de l’éducation. Pour lui démocratie et laïcité vont de pair, en particulier en matière d’éducation.

« Or il n’y a pas égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. Dans aucun des actes de la vie civile, politique ou sociale, la démocratie ne fait intervenir légalement la question religieuse, elle respecte, elle assure l’entière et nécessaire liberté de toutes les consciences, de toutes les croyances, de tous les cultes ; mais elle ne fait aucun dogme la règle et le fondement de la vie sociale. Elle ne demande pas à l’enfant qui vient de naître et pour reconnaître son droit à la vie à quelle confession il appartient, elle ne l’inscrit d’office dans aucune Église. Elle ne demande pas aux citoyens quand ils veulent fonder une famille et pour leur reconnaître et leur garantir tous les droits qui se rattachent à la famille, quelle religion ils mettent à la base de leurs foyers ; si s’ils y en mettent une. Elle ne demande pas au citoyen, quand il veut faire pour sa part acte de souveraineté et déposer son bulletin dans l’urne, quel est son culte et s’il en a un. Elle n’exige pas des justifiables qui viennent demander à se juges d’arbitrer entre eux qu’ils reconnaissent, outre le Code civil, un Code religieux et confessionnel. Elle n’interdit point l’accès de la propriété, la pratique de tel ou tel métier à ceux qui refusent de signer tel ou tel formulaire et d’avoir telle ou telle orthodoxie. Elle protège également la dignité de toutes les funérailles, sans rechercher si ceux qui passent ont attesté avant de mourir leur espérance immortelle ou si, satisfaits de la tâche accomplie, ils ont accepté la mort comme le suprême et légitime repos. Et quand sonne le tocsin de la patrie en danger, la démocratie envoie tous ses fils, tous ses citoyens, affronter sur les champs de bataille le même péril, sans se demander si contre l’angoisse de la mort qui plane, ils chercheront au fond de leur cœur un secours dans les promesses d’immortalité chrétienne ou s’ils ne feront appel qu‘à cette magnanimité naturelle qui méprise la peur de la mort comme la plus dégradante servitude.

Mais qu’est-ce à dire ? Et si la démocratie fonde en dehors de tout système religieux toutes ses institutions, tout son droit politique et social : famille, patrie, propriété, souveraineté, si elle ne s’appuie que sur l‘égale dignité des personnes humaines appelées aux mêmes droits et invitées à un respect réciproque ; si elle se dirige, sans aucune intervention dogmatique et surnaturelle, par les seules lumières de la conscience et de la science, si elle n’attend le progrès que du progrès de la conscience et de la science ; c’est-à-dire d’une interprétation plus hardie du droit des personnes et d’une plus efficace domination de l’esprit sur la nature, j’ai le droit de dire qu’elle est foncièrement Laïque. Laïque dans son essence comme dans ses formes, dans son principe comme dans ses institutions, et dans sa morale comme dans son économie. Ou plutôt, j’ai le droit de répéter que démocratie et laïcité sont identiques.

Mais si laïcité et démocratie sont indivisibles, et si la démocratie ne peut réaliser son essence et remplir son office, qui est d’assurer l‘égalité des droits, que dans la laïcité, par quelle contradiction mortelle, par quel abandon de son droit et de tout droit la démocratie renoncerait-elle à faire pénétrer la laïcité dans l‘éducation, c’est-à-dire dans l’institution la plus essentielle, dans celle qui domine toutes les autres et en qui les autres prennent conscience d’elles-mêmes et de leurs principes ? »

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1905
  • Auteur(es)
    Leonetto Cappiello (1875-1942), illustrateur
  • Provenance

    BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra, D-436

  • Lien permanent
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