Singes

Des singes renversant une pierre pour avoir des fourmis qui sont dessous et d’autres qui se battent contre des lions et des tigres, en leur jetant du sable dans les yeux.

Les singes sont trop connus de tout le monde pour qu’il soit besoin d’en faire ici une longue description et explication. Je parlerai seulement de ce que ces animaux font de plus particulier dans les pays où ils vivent en liberté au milieu des forêts et des autres choses qui concernent ce qui est représenté dans cet endroit du globe.

Les singes aiment les climats chauds et c’est là la raison pourquoi il y en a plus en Afrique que dans les autres parties du monde.

Il y en a de plusieurs espèces, les plus grands se nomment singes du nom général, les petits s’appellent guenons, et ceux qui ont une longue queue, le poil et la face à peu près comme les chats communs, se nomment en grec cercopitecus, ce qui signifie singe à longue queue, et parmi nous, ils sont nommés sagouins. Il y a des forêts qui sont si remplies de ces animaux que les nègres sont obligés de leur faire la guerre de temps en temps, de crainte que se multipliant trop, ils ne deviennent les plus forts et qu’ils ne les obligent à quitter le pays. Ces animaux se défendent contre les nègres en leur jetant des pierres, ce qu’ils font avec beaucoup d’adresse et de force, ce qui arrive ordinairement lorsqu’ils les veulent chasser des melonnières, car les singes aiment extraordinairement les melons.

Les singes ne vivent que des fruits et des légumes qu’ils vont dérober dans les jardins et dans les terres cultivées. Quand ils sortent de leurs forts pour ces sortes d’expéditions, l’un d’eux monte sur une éminence d’où il voit toute la campagne, s’il ne voit personne il avertit par un cri les autres d’avancer. Cette troupe de larrons, cueille, rompt, brise et fait un dégât épouvantable dans les endroits où ils s’adonnent et se chargent de ce qu’ils trouvent de meilleur. Quand les nègres paraissent pour les aller chasser, la sentinelle qui les voit le premier, par ses cris redoublés avertit les autres de se sauver. Alors chacun fait comme il peut avec son butin, sautant d’arbre en arbre, pour regagner leurs forts, ce qui est un spectacle fort plaisant à voir.

Ils aiment beaucoup les fourmis et quand ils en trouvent sous de grosses pierres, ils se mettent plusieurs ensemble pour la renverser, comme il se voit en ce lieu.

Ils ont fort souvent à combattre contre les lions et les tigres, et n’étant pas les plus forts, ils ont recours à la ruse. Ils leur jettent du sable dans les yeux et par ce moyen ils se garantissent de ces bêtes carnassières. Ce qui est représenté aussi dans cet endroit.

Le père Coronelli a représenté dans cette partie du monde (à dix degrés au levant de cet endroit et à 18 degrés de latitude), deux espèces de singes qui se trouvent dans l’île de Ceylan, aux Indes orientales.

Celui qui est assis et qui tient un petit entre les bras, se nomme rillon, l’autre s’appelle nanderon. Ces sortes de singes sont fort grands. Il y en a beaucoup dans les bois de cette île où ils vivent de la même manière que ceux d’Afrique dont nous venons de faire l’explication.

Au sujet du singe qui tient son petit entre ses bras, il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce qui m’a été dit d’une femelle de singe qui fit des petits à Paris (ce qui est une chose fort rare). Cette femelle portait son petit entre ses bras et lorsque quelqu’un approchait d’elle, croyant que ce fut pour lui prendre, elle le serrait si fort qu’à la fin, elle l’étouffa. Ce fait prouve ce qui se dit des singes parmi le vulgaire, qu’ils aiment tant leurs petits qu’ils les étouffent à force de les embrasser.