La Fontaine : 19 fables

Michel Potier, né en 1941, est un peintre (figuratif) qui n’a jamais illustré de livres, ni travaillé pour les enfants, à l’exception donc de ce livre. Il incarne en cela parfaitement l’esprit de la collection « Il suffit de passer le pont », éditée par Mango et la revue Dada. Cette dernière se consacre à faire connaître l’art contemporain aux enfants. La collection publie des recueils de chansons (Brassens, Brel, Gainsbourg, Vian.) ou de poésies (Desnos, Cocteau, Eluard, Rimbaud.), en grands albums illustrés par des artistes contemporains (graphistes, peintres, dessinateurs de bande dessinée, rarement illustrateurs de livres pour enfants). Chaque double page propose une poésie ou une chanson à l’enfant, le texte étant inséré dans un ensemble pictural et graphique. Michel Potier propose ici un dispositif juxtaposant un « cahier d’écolier », où le lettrage est travaillé pour opposer les personnages du lion et du rat, et un tableau posés sur un fond de papier déchiré. Le tableau présente les figures du lion, majestueux, de face, dominant l’image mais engoncé, et du modeste rat, de profil et en dessous, tous deux détourés sur un violent fond noir qui les fait ressortir. La confrontation de la fable classique, passage scolaire obligé, et de la vision d’un peintre actuel, traduit bien l’esprit de recherche de la collection. Elle illustre aussi l’identification enfantine poussée des Fables, chef-d’œuvre de Jean de La Fontaine (1621-1695), dont les 241 pièces ont été publiées de 1668 à 1694. Immédiatement reprises dans la collection « Ad usum Delphini », apprises par les écoliers depuis le XVIIIe siècle, au point d’être dénoncées par Rousseau, illustrées pour le plaisir des adultes par Oudry, Grandville, Doré, pour les enfants par Bouchot, Lambert, Rabier, Lorioux., les Fables du « Bonhomme » ont autant appartenu à la littérature des adultes qu’à celle de la jeunesse. (O. P.)