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Le Jugement de Pâris

Le Jugement de Pâris
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Artiste dont l’art expressionniste et fantastique contribue à l’originalité de l’art germanique, Baldung fut une personnalité intellectuelle et politique, un humaniste engagé dans les préoccupations de son temps, la Préréforme, puis la Réforme à laquelle il adhéra. Il entra, en 1503, dans l’atelier de Dürer qui remarqua son originalité et son individualisme. Celui-ci l’appréciait beaucoup ; dans son journal de voyage aux Pays-Bas, il écrit qu’il a emporté des gravures de Baldung pour les vendre et les distribuer ; à la mort du maître en 1528, une mèche de ses cheveux fut envoyée à l’artiste. Son surnom de Grien, venant semble-t-il de grün, serait due à sa prédilection pour la couleur verte, et vers 1510, il ajouta G à son monogramme HB. Quatre-vingt-neuf peintures de l’artiste et deux cent cinquante dessins environ sont conservés.

Dans cette œuvre, Baldung représente le héros troyen, Pâris, dans la scène du jugement, en présence de Mercure à gauche, qui a conduit vers lui les trois déesses, Vénus, Junon et Minerve à droite, selon le désir de Jupiter. Lors des noces de Thétis et Pélée sur le mont Pélion où tous les dieux étaient réunis, Éris, la Discorde, qui avait été oubliée, lança sur la table du banquet une pomme d’or destinée à la plus belle. Trois déesses se crurent désignées, Junon, Minerve et Vénus. Jupiter chargea alors Mercure de les conduire sur le mont Ida où Pâris, fils abandonné de Priam, roi de Troie, et d’Hécube, gardait les troupeaux, et de prendre le berger, un simple mortel, pour arbitre. Junon lui promit la puissance, Minerve la sagesse, et Vénus la plus belle des femmes, Hélène, l’épouse de Ménélas. Pâris choisit le plaisir, Hélène, et offrit alors la pomme à Vénus. L’enlèvement d’Hélène par Pâris fut plus tard la cause de la guerre de Troie. Les deux autres déesses se vengeront en s’acharnant sur les Troyens.
Dans le dessin de Baldung, tous les personnages sont représentés debout contribuant, avec les troncs d’arbres à droite, à la verticalité de la composition. Pâris en guerrier, revêtu d’une armure, une épée au côté, un casque, un arc et un carquois à ses pieds, regarde Mercure nu, qui porte son casque, le pétase, et ses ailerons. Il tient d’une main le caducée, et de l’autre la pomme d’or. Pâris n’a pas encore l’objet qui lui permettra de choisir au-delà des déesses, la beauté. Les déesses sont représentées nues, Vénus au centre de la scène, sur un fond d’arbres esquissés qui donne un semblant de profondeur à la scène. De légers voiles se déploient en arabesques autour des corps de Vénus et de Minerve, ajoutant au maniérisme de leurs attitudes. Vénus tend la main vers la pomme, Junon arrange sa coiffure, et son visage se reflète dans le miroir qu’elle tient. Minerve se désigne elle-même d’une main.
Le dessin au graphisme linéaire, essentiellement décoratif, pourrait être un projet pour une décoration murale ou une tapisserie, ce qui expliquerait les cartouches avec le nom des personnages. La sobriété des moyens utilisés, les contours et les hachures parallèles pour créer le modelé et suggérer la direction de la lumière, la simplicité de la composition, se retrouvent dans d’autres dessins de Baldung.
Le nu féminin est très fréquent dans l’œuvre de Baldung et dans les œuvres de nombreux artistes allemands de la Renaissance, notamment Dürer et Cranach. La représentation du corps humain était liée aux nouvelles recherches sur l’anatomie. Les thèmes tels Adam et ève, la Jeune Fille et la Mort, les allégories, les Trois Grâces, les Trois âges de la femme, certaines scènes mythologiques, qui permettaient non seulement d’exprimer une conception esthétique du nu, mais aussi certaines idées sur le pouvoir et la vulnérabilité de la femme, étaient très appréciés à l’époque. Baldung en traita plusieurs avec une prédilection pour la Jeune Fille et la Mort.
Parmi les scènes mythologiques, le Jugement de Pâris dont de multiples représentations ornent des vases grecs et des bas-reliefs antiques, connut une grande faveur du Nord au Sud de l’Europe, du Moyen Âge au 20e siècle.
Des diverses interprétations connues, celle qui s’impose le plus est le choix, en toute liberté, d’une forme de vie face aux trois voies offertes vers le bonheur, symbolisées par les trois déesses : le pouvoir, la sagesse, le plaisir. Marsile Ficin (1433-1499), humaniste et chef de l’Académie florentine, écrivait à Laurent de Médicis : “Hercule a choisi la force, Pâris le plaisir, Socrate la sagesse”. Le Jugement de Pâris et Hercule à la croisée des chemins intitulé aussi Hercule choisissant entre le vice et la vertu, sont des thèmes proches par leur signification. On peut y joindre ceux de Samson et Dalila, David et Bethsabée, héros bibliques confrontés au pouvoir féminin.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Vers 1540
  • Lieu
    Allemagne
  • Auteur(es)
    Hans Baldung, dit Grien. Gmünd (Souabe), 1484/1485 - Strasbourg, 1545
  • Description technique
    Plume et encre brune, 277 x 398 mm, coupé sur les quatre côtés
    Inscription au-dessous de chaque personnage dans un cartouche : de gauche à droite, Mercurius, Paris, Venus, Juno, Pallas.
    En bas à droite, quelques inscriptions d'une main postérieure difficiles à déchiffrer : h b g sine / v . Nrnbg. (Initiales de l'artiste et abréviation de Nuremberg) ; en haut vers la gauche : smoll.
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, RESERVE B-13 (3)-BOITE ECU

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm198zs55ht6m