Portrait de Cheikh Mohammad ibn Omar ibn Soleiman al-Tounsi et carte réalisée par ses soins

Mohammed el-Tounsi (« le Tunisien ») explore les régions subsahariennes du Darfour et le Ouadây entre 1805 et 1813. Parti de Tunis, à la recherche de son père qu’il espérait retrouver au Caire, il entreprend ce voyage âgé seulement de quatorze ans, secondé par un ami de son père. Formé en sciences à Tunis, Mohammed el-Tounsi est un lettré, et les relations de sa famille de marchands lui servent de sauf-conduits. Il séjourne huit ans au Darfour, protégé par le sultan et ainsi autorisé à parcourir la région, dont il décrit la géographie, la faune et la flore, et la situation politique et sociale. Installé au Caire à son retour, il fréquente les milieux orientalistes savants. Employé comme « Réviseur » en chef de l’école de médecine d’Abou-Zabel, il rencontre le directeur, le médecin Nicolas Perron, qui le pousse à mettre par écrit le récit de son voyage.

La région qu’il a visitée, quasiment interdite aux Européens, intéresse ceux qui cherchent les sources du Nil et présente un enjeu diplomatique majeur pour les Égyptiens. Paraissent ainsi en 1845 le Voyage au Darfour, puis en 1851 le Voyage au Ouadây. Perron en fait une traduction libre, ajoutant des indications de son cru. Jomard, qui introduit le texte, en loue l’intérêt, « malgré les imperfections d’un récit qui n’est pas l’oeuvre d’une plume européenne ». Encadré et critiqué par ses éditeurs, qu’il déroute par sa manière d’écrire, notamment parce qu’il inclut de longs poèmes dans sa description de voyage, scandée de louanges à dieu, Mohammed El-Tounsy n’en affirme pas moins, par ces textes, un regard d’explorateur singulier.