Découvrir, comprendre, créer, partager

Image

Méphistophélès dans les airs

Illustrations du Faust de Goethe par Eugène Delacroix
Méphistophélès dans les airs
Le format de l'image est incompatible

Dès le frontispice, Delacroix met l’ouvrage moins sous le signe de Faust que sous celui de Méphistophélès, omniprésent dans ses illustrations. Le Malin survole ici la ville, alors qu’il vient de parier avec le Seigneur qu’il gagnera l’âme de Faust. Méphisto est représenté dans les airs, entre le Ciel et la terre où il revient pour engager la lutte.

Texte de Goethe traduit par Gérard de Nerval

Le Seigneur : Connais-tu Faust ?
Méphistophélès : Le docteur ?
Le Seigneur : Mon serviteur.
Méphistophélès : Sans doute. Celui-là vous sert d'une manière étrange. Chez ce fou rien de terrestre, pas même le boire et le manger. Toujours son esprit chevauche dans les espaces, et lui-même se rend compte à moitié de sa folie. Il demande au ciel ses plus belles étoiles et à la terre ses joies les plus sublimes, mais rien de loin ni de près ne suffit à calmer la tempête de ses désirs.
Le Seigneur : Il me cherche ardemment dans l'obscurité, et je veux bientôt le conduire à la lumière. Dans l'arbuste qui verdit, le jardinier distingue déjà les fleurs et les fruits qui se développeront dans la saison suivante.
Méphistophélès : Voulez-vous gager que celui-là, vous le perdrez encore ? Mais laissez-moi le choix des moyens pour l'entraîner doucement dans mes voies.
Le Seigneur : Aussi longtemps qu'il vivra sur la terre, il t'est permis de l'induire en tentation. Tout homme qui marche peut s'égarer.
Méphistophélès : Je vous remercie. J'aime avoir affaire aux vivants. J'aime les joues pleines et fraîches. Je suis comme le chat, qui ne se soucie guère des souris mortes.
Le Seigneur : C'est bien, je le permets. Ecarte cet esprit de sa source, et conduis-le dans ton chemin, si tu peux ; mais sois confondu, s'il te faut reconnaître qu'un homme de bien, dans la tendance confuse de sa raison, sait distinguer et suivre la voie étroite du Seigneur.
Méphistophélès : Il ne la suivra pas longtemps, et ma gageure n'a rien à craindre. Si je réussis, vous me permettrez bien d'en triompher à loisir. Je veux qu'il mange la poussière avec délices, comme le serpent mon cousin.
Le Seigneur : Tu pourras toujours te présenter ici librement. Je n'ai jamais haï tes pareils. Entre les esprits qui nient, l'esprit de ruse et de malice me déplaît le moins de tous. L'activité de l'homme se relâche trop souvent ; il est enclin à la paresse, et j'aime à lui voir n compagnon actif, inquiet, et qui même peut créer au besoin comme le diable. Mais vous, les vrais enfants du ciel, réjouissez-vous dans la beauté vivante où vous nagez ; que la puissance qui vit et qui opère éternellement vous retienne dans les douces barrières de l'amour, et sachez affermir dans vos pensées durables les tableaux vagues et changeants de la création. (Le ciel se ferme, les archanges se séparent.)
Méphistophélès : J'aime à visiter de temps en temps le vieux Seigneur, et je me garde de rompre avec lui. C'est fort bien, de la part d'un aussi grand personnage, de lui parler lui-même au diable avec tant de bonhomie.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1827
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Eugène Delacroix (1789-1863), lithographe
  • Description technique
    Lithographie, 30,2 x 25 cm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE DC-183 (N, 3)-FOL

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm132200905t