La chasse à l’ours

Ci devise comment on doit chasser et prendre l’ours

« Et quand le veneur voudra chasser l’ours, le meilleur et le plus sûr est d’aller en quête avec son limier, car à l’oeil il dépasserait trop souvent les routes, alors que le chien sent en bien plus de lieux qu’il n’en pourrait voir. Et s’il n’a point de limier, il faut qu’il quière l’ours en tirant au hasard, ainsi que l’ai dit du daim et du chevreuil. Et comme j’ai dit plus haut de sa nature et de ses mangeures, il doit aller en quête selon les temps où il les fait. Au temps des blés et des herbes, qu’il aille en quête dans leschamps ; au temps des vignes, des glands, des faînes et autres mangeures que j’ai dites, qu’il aille en quête à chacune selon sasaison ; et il le doit détourner et laisser courre tout comme le sanglier.
Et pour le chasser et le prendre au plus vite, il faut avoir des mâtins mêlés avec les chienscourants ; car ils le pincent et l’irritent tant qu’ils le mettent aux abois ou lui font vider le pays. Et s’il a des dogues qu’il jette aux abois, ils ne consentiront à quitter la place qu’après qu’on l’aura tué. [...]
Aussi, pour chasser l’ours faut-il avoir des archers ou des arbalétriers ou les deux à la fois, et de bons épieux solides. Et comme je l’ai dit plus haut, un homme seul ne doit pas se mesurer à l’ours, mais deux ou plus, munis de bons épieux et se faisant bonne compagnie, peuvent bien le tuer. Et tout homme le pourrait frapper bien sûrement la première fois, car, comme je l’ai dit, tant qu’il n’est pas blessé, il n’attaque point l’homme, mais du moment qu’il l’est, que chacun prenne garde. Les gens à cheval le doivent frapper de loin avec leurs lances ou leurs épieux et non pas s’approcher de lui l’épée à la main, comme on fait pour le sanglier, car il les accolerait et baiserait sans trop de grâce. Aussi faut-il avoir des rets et des lacs et autres engins pour le prendre. [...] »