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Les campagnes au haut Moyen Âge

Histoire d'Abel et Caïn
Histoire d'Abel et Caïn

Bibliothèque nationale de France

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Aux 6e-8e siècles, malgré quelques épisodes sombres (peste de 586, disette de 779...), la vie quotidienne, fondée sur une économie agro-sylvo-pastorale, est plutôt favorable. L’alimentation est diversifiée, peu de maladies de carence ou de malnutrition sont recensées. Un premier accroissement de la population se lit d’ailleurs au début du 7e siècle.

Pendant tout le « Moyen Âge », c’est-à-dire du 5e au 15e siècle, les campagnes ont occupé une place prépondérante, essentielle, en Europe occidentale.

Lorsque se sont achevées les invasions germaniques, dans le courant du 5e siècle, les villes avaient perdu beaucoup de leur substance. De nombreux habitants avaient fui, et notamment les plus riches d’entre eux, ceux qui, par leur mode de vie et leurs habitudes de consommation, faisaient vivre artisans et commerçants. Ces riches citadins, qui étaient aussi de grands propriétaires fonciers, s’étaient retirés dans leurs domaines, tandis que les artisans se repliaient sur des bourgs ruraux. Les villes n’ont plus survécu alors que comme centres religieux et culturels surtout et, dans une moindre mesure, comme centres administratifs. Ainsi, la presque totalité de la population, désormais clairsemée, était désormais rurale, à tous les échelons de la société. En effet, l’insécurité omniprésente et durable créée par la crise économique du 3e siècle et plus encore par les invasions a entraîné un net déclin démographique, qui n’a été que peu enrayé par l’arrivée et l’installation des envahisseurs germaniques. C’est leur détermination passablement brutale et non leur nombre qui est en cause dans la dévastation et la désorganisation des territoires envahis.

L’économie du royaume
L’économie du royaume |

© Bibliothèque nationale de France

Chasse, élevage, pêche et cueillette l’emportent sur l’agriculture

L’analyse d’ossements provenant de cimetières mérovingiens montre que l’espérance de vie variait entre 25 et 45 ans ; cependant si l’on survivait aux premières années, il n’était pas rare d’atteindre, voire de dépasser, l’âge de 65 ans. Au cours de trois siècles de troubles continus, beaucoup de terres jadis cultivées étaient retournées à la friche, de sorte qu’il ne restait plus que des îlots cultivés dans un océan de forêts, de landes et de marécages.

Dans les grands domaines mérovingiens, dont certains s’étendaient sur plusieurs milliers d’hectares, les cultures en occupaient au plus quelques dizaines. Cultures médiocres au demeurant, car il semble que les paysans ne disposaient généralement que d’outils en bois. Pourtant, l’iconographie de l’époque mérovingienne montre déjà des hommes cultivant la terre à l’aide d’outils ferrés, bêches ou socs d’araire.

En définitive, à l’époque mérovingienne, les hommes demandaient donc l’essentiel de leurs moyens de subsistance à la forêt, aux friches de toute nature, aux rivières et aux étangs : la chasse, l’élevage, la pêche et la cueillette l’emportaient, et de loin, sur l’agriculture.

Cet équilibre de chasse, pêche et cueillette a certes évolué, mais très lentement, d’autant plus que les 5e, 6e et 7e siècles ont encore été très troublés, notamment du fait des rivalités meurtrières entre les descendants de Clovis. Avec l’avènement des Carolingiens commence une ère relativement plus paisible, et donc plus propice au développement des campagnes.

Le travail à la bêche
Le travail à la bêche |

© Bibliothèque nationale de France

La chasse
La chasse |

© Bibliothèque nationale de France

Le développement agricole

Petit à petit, des terres ont été mises en culture, si bien que, au 9e siècle, dans les grands domaines, les champs occupaient non plus, comme précédemment, quelques dizaines, mais plusieurs centaines d’hectares.

Grâce au renouveau de l’écrit à l’époque carolingienne, on est beaucoup mieux renseigné sur cette période que sur les siècles antérieurs. En particulier, on dispose de documents remarquables, appelés polyptyques, qui décrivent, souvent avec minutie, l’état de diverses grandes propriétés, et qui permettent de savoir comment étaient exploités les grands domaines possédés par les puissants de ce temps : le roi et l’aristocratie, tant laïque qu’ecclésiastique.

L’organisation d’un grand domaine

La superficie d’un grand domaine, d’une villa comme on disait alors, pouvait être très variable : de quelques centaines à plusieurs milliers d’hectares. Ainsi, une villa située au sud-est de Bruxelles s’étendait sur environ 18 600 hectares ; ce quadrilatère de 2 à 5 kilomètres de côté sur 25 kilomètres de long formait sans doute la plus grande villa dont on ait gardé le souvenir.

Le fait remarquable est que chaque villa comprenait deux parties distinctes, mais complémentaires. D’une part, il y avait la « réserve », c’est-à-dire les terres dont les revenus étaient réservés au propriétaire et qui se composaient non seulement de champs cultivés, mais aussi de vignes, de bois, de pacages, parfois d’étangs et de marécages. D’autre part existait un ensemble d’exploitations de taille relativement modeste occupées par des tenanciers, c’est-à-dire par des paysans libres et non libres, plus ou moins dépendants du propriétaire.

Les progrès de la connaissance
Les progrès de la connaissance |

© Bibliothèque nationale de France

Les champs et les vignes de la réserve étaient cultivés partiellement par une main-d’œuvre servile, qui recevait du maître le gîte et le couvert. Mais l’essentiel du travail était accompli par les tenanciers qui devaient, pour la plupart, trois jours par semaine de travail sur la réserve : c’étaient les célèbres « corvées ». Les tenanciers participaient ainsi aux labours, aux semailles et, bien entendu, à la moisson, qui constituait la plus lourde des tâches du paysan ; en outre, ces tenanciers devaient faire les clôtures dont on entourait les champs pour empêcher le bétail d’y pénétrer ; ils devaient aussi s’occuper du transport des récoltes, du vin, du bois, etc.

D’autres charges encore pesaient sur les tenanciers, à savoir des redevances le plus souvent en nature : blé, lin, vin, poulets, œufs. Ces revenus constituaient à la fois le loyer pour l’occupation de la tenure, et le prix des droits de jouissance accordés aux tenanciers dans les bois, landes et friches diverses de la réserve : les tenanciers pouvaient ainsi envoyer leurs porcs à la glandée dans le bois, et se procurer du bois de chauffage.

La basse-cour
La basse-cour |

© Bibliothèque nationale de France

Le système du grand domaine tel qu’il vient d’être esquissé s’est développé essentiellement entre Loire et Rhin, c’est-à-dire dans l’espace non seulement conquis, mais encore vraiment occupé par les Francs : c’est là que se sont installés de préférence les rois et les aristocrates mérovingiens et carolingiens, tant laïques qu’ecclésiastiques.

Ailleurs, au sud de la Loire, les grandes propriétés étaient ou bien cultivées en faire-valoir direct par une main-d’œuvre servile, ou bien fragmentées en petites unités d’exploitation mises en valeur par des paysans libres, qui devaient certes un loyer au propriétaire, mais qui n’étaient astreints à aucune corvée.

L’élevage
L’élevage |

© Bibliothèque nationale de France

Provenance

D’après un article de Marie-Jeanne Tits-Dieuaide, Paysages, paysans. L’art et la terre en Europe du Moyen Âge au 20e siècle (BnF/RMN, Paris, 1994).

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