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Paris, une ville toujours en mouvement

Des rudiments à l’Université
Des rudiments à l’Université

Bibliothèque nationale de France

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Ville capitale, ville cathédrale, ville universitaire, ville commerçante : Paris regroupe, à la période féodale, l’une des populations urbaines les plus importantes et les plus diverses d’Europe. Riches et pauvres circulent dans les ruelles et sur les ponts… malgré les embouteillages et les odeurs !

Une ville populeuse

Les fluctuations démographiques

La population de Paris, qui comptait 50 000 habitants vers 1220, atteignit un maximum de 200 000 habitants en 1328, pour redescendre à 80 000 habitants environ vers 1420 et retrouver son maximum vers 1500.

Le recensement de 1328 dénombrait 61 098 feux, soit environ 200 000 habitants, ce qui est considérable pour l’époque. La ville ne comptait alors pas moins de trente-cinq paroisses (d’où son nom de ville aux cent clochers). Elle était l’une des plus grandes d’Europe, et la seule à cumuler les fonctions de capitale et de première université de théologie de la chrétienté.

Les élites laïques et ecclésiastiques

Une bonne part des élites laïques (ducs, comtes) et ecclésiastiques (archevêques) se faisaient construire un hôtel à Paris pour résider auprès du roi quelques mois dans l’année. On peut encore admirer de nos jours l’hôtel des archevêques de Sens, construit comme une forteresse, et celui des abbés de Cluny, moins austère et entouré de jardins.

Une société organisée en confréries

L’apprenti orfèvre
L’apprenti orfèvre |

© Philippe Bon

La société parisienne était dominée par les grands marchands et maîtres des métiers les plus prestigieux, mais cette élite devait accueillir de plus en plus de gens de robes et d’officiers royaux, également actifs dans la vie urbaine (échevinage, confréries, chapitres).

Les confréries encadraient sur le plan religieux les hommes d’un même métier, qui se réunissaient pour la fête de leur saint patron (saint Éloi pour les orfèvres, par exemple), pour les funérailles d’un confrère ou pour leur banquet annuel. Elles apportaient leur secours aux veuves et aux orphelins. Ces confréries avaient parfois leur propre chapelle dans les cathédrales et participaient aux processions et aux fêtes de la ville, ainsi qu’à l’organisation de spectacles religieux (jeux liturgiques et mystères).

La ville universitaire

Au cœur des débats intellectuels

À partir du 12e siècle, Paris est reconnue comme un centre intellectuel d’importance à cause des nombreuses écoles de la rive gauche, notamment celle du cloître Notre-Dame et celles des abbayes Saint-Victor et Sainte-Geneviève. Pierre Abélard (1079-1142) voit les élèves affluer de toute la chrétienté pour écouter ses leçons et le suivre lorsqu’il est exilé loin de Paris. Dès 1200, les maîtres s’organisent en une communauté autonome, l’Université, dotée de privilèges qui l’exemptent de la justice séculière et des impôts royaux. Celle-ci obtient des privilèges du pape en 1215, renouvelés et élargis en 1231, qui lui octroient une large autonomie et de multiples franchises fiscales et judiciaires. Au 13e siècle, des maîtres de renom comme saint Thomas d’Aquin et saint Albert le Grand font de la faculté de théologie parisienne le haut lieu des débats de la chrétienté.

Saint Nicolas, patron de la jeunesse
Saint Nicolas, patron de la jeunesse |

Bibliothèque nationale de France

Le développement des collèges

Des collèges se multiplient pour accueillir les étudiants : celui de la Sorbonne en 1257 puis celui de Navarre en 1304. Aux 14e et 15e siècles le phénomène se poursuit, on compte une soixantaine de collèges en 1500. Les étudiants qui affluent à Paris se réunissent en « nations » (française, picarde, normande, anglaise, etc.).

À la porte du collège
À la porte du collège |

© Bibliothèque nationale de France

Afin de mieux surveiller cette jeune Université, le pape lui impose d’intégrer les studia (écoles propres aux couvents des frères mendiants) des dominicains et franciscains parisiens, ce qui ne se fit pas sans heurts, notamment en 1252-1256. L’organisation de l’Université ne met pas fin aux ingérences de l’évêque dans les enseignements théologiques et philosophiques : c’est ainsi que l’évêque de Paris, Étienne Tempier, condamna fermement l’averroïsme en 1277. Les titres acquis dans les universités parisienne étaient reconnus dans toute la chrétienté et celles de théologie et de philosophie jouissaient du plus grand prestige.

De la surveillance du pape à la tutelle du roi

Lors du Grand Schisme de 1378, l’Université crut pouvoir jouer un rôle majeur. Elle y perdit son prestige auprès de la papauté et dans les pays d’Empire et d’Europe centrale, où se développèrent de nouvelles universités. Le recrutement de l’université de Paris se restreignit peu à peu à la France du Nord. De plus, le choix malheureux de l’Université en faveur des Anglo-Bourguignons dans la Guerre de Cent Ans entraîna son passage sous la tutelle royale : au 15e siècle, ses privilèges et exemptions furent supprimés au profit des tribunaux royaux (1436 puis 1452).

La Grammaire et son amphithéâtre d’élèves
La Grammaire et son amphithéâtre d’élèves |

Bibliothèque nationale de France

Vers 1400, l’université de Paris regroupait environ 4 000 étudiants et maîtres, autour desquels gravitait tout un monde de bedeaux, copistes et libraires. À partir du règne de Philippe le Bel, ses maîtres furent régulièrement consultés par les rois sur des points de théologie. Les plus célèbres furent d’abord issus des ordres mendiants (saint Thomas d’Aquin, Bonaventure, saint Albert le Grand), puis de l’Église séculière (Buridan, Gerson, Oresme et d’Ailly). Mais au 15e siècle, l’humanisme se développa hors de l’Université qui n’accueillit que timidement ses disciplines phares : le grec et la rhétorique. Cependant c’est à la Sorbonne que fut installée la première presse d’imprimerie du royaume en 1468-1470.

La vie économique parisienne au Moyen Âge

Quelques documents comme le Livre des métiers d’Étienne Boileau, le registre de la taille de 1297 et le premier recensement de 1328 permettent de se faire une idée assez précise de la vie économique et sociale des Parisiens.

Les privilèges des marchands

Paris est un monstre urbain par sa taille et la concentration de pouvoirs qu’elle représente dès le 13e siècle. Pour nourrir ses quelque 200 000 habitants, elle fait venir ses produits alimentaires des régions avoisinantes sur un périmètre très large.

Le marchand de chandelles
Le marchand de chandelles |

© Bibliothèque nationale de France

Le marchand d’huile d’amande
Le marchand d’huile d’amande |

© BnF

Paris même, la hanse des marchands de l’eau réserve à ses seuls membres le monopole de la navigation sur la Seine jusqu’à Rouen. La politique d’expansion du domaine royal menée avec succès par les Capétiens profite au commerce parisien, qui donne en échange son appui à la monarchie sous forme de prêts et d’une aide pour la gestion des finances. Le roi Philippe Auguste s’assure de la fidélité des marchands en multipliant les privilèges commerciaux et judiciaires en faveur de la hanse des marchands de l’eau (1190 et 1204).

La réglementation des métiers

L’exercice des métiers à Paris était précisément réglementé comme l’atteste le Livre des métiers composé en 1268 par Étienne Boileau prévôt de Paris, qui recensait plus d’une centaine de professions. Chaque atelier (appelé « hostel » ) était dirigé par un maître entouré par un groupe d’apprentis et de compagnons. Ceux-ci travaillaient à la lumière du jour à l’ouvroir donnant sur la rue, de manière que l’on puisse vérifier la qualité de l’ouvrage. Les cloches rythmaient la journée de travail, qui pouvait varier de neuf heures en hiver à seize heures en été. Les artisans d’un même métier avaient tendance à se regrouper dans les mêmes rues.

Le changeur
Le changeur |

Bibliothèque nationale de France

Les habitants de la rue Saint-Germain au 13e siècle

Habitants de la rue Saint-Germain d’après le registre de la taille de 1297
Habitants de la rue Saint-Germain d’après le registre de la taille de 1297 Nom, profession, montant...
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Les Halles (aux Champeaux) furent aménagées dès 1137 par Louis VII pour stocker et vendre le grain, le sel, le bétail, les draps de Flandre et de Normandie, et les articles de mercerie. Les ports de la Seine étaient très actifs, le plus important étant celui de Grève. Le vin, le sel, le poisson de la Manche, le bois et la pierre étaient acheminés par bateau. Les cris des vendeurs jurés, des mesureurs, des courtiers, des avaleurs (ceux qui déchargent les marchandises) retentissaient sur les quais et se prolongeaient dans les tavernes et auberges environnantes.

Même si Bruges dominait les transactions financières européennes, les foires de Saint-Denis et du Lendit, situées aux portes de Paris, apparaissaient comme des places commerciales très actives.

La concentration des revenus royaux dans la capitale attirait une classe d’affaires de banquiers et changeurs, particulièrement nombreux à partir du 14e siècle, avec associés, représentants et succursales permanents dans la capitale.

Les « embarras » de Paris

Ruelles nauséabondes et ponts de bois

La circulation dans la ville posait déjà de gros problèmes. En effet, l’axe nord-sud était interrompu sur l’île de la Cité, le raccordement entre ses deux parties (la rue Saint-Denis pour la rive droite et la rue Saint-Jacques pour la rive gauche) passait par un lacis de ruelles tortueuses. L’axe est-ouest était également mal raccordé au réseau général de circulation. En outre, ces routes non pavées étaient pleines d’une fange nauséabonde comme le racontent les Chroniques de Saint-Denis : « Un jour que le roi [Philippe Auguste] allait par son palais [...] il s’accouda à une des fenêtres pour prendre l’air. Or il arriva que précisément des charrettes qui passaient sur les chemins remuèrent et touillèrent tant la boue et les immondices, dont la voie est pleine, qu’une puanteur à peine supportable en sortit, monta jusqu’à la fenêtre où est accoudé le roi. Quand il sentit cette odeur affreuse, il quitta la fenêtre, le cœur défaillant. » D’après le chroniqueur, c’est cet incident qui décida le roi à faire paver les rues principales.

Les Parisiens disposaient seulement de deux ponts pour traverser la Seine. Jusqu’en 1499, ils étaient en bois et encombrés d’habitations : cent quarante maisons et cent douze boutiques occupaient le Grand-Pont, sans compter les moulins.

Eloge de Paris

Visitant la capitale entre 1175 et 1190, Gui de Bazoches a brossé un éloge de Paris, qui souligne l’importance de la Seine et des ponts.
« Elle [Paris] est assise au sein d’un vallon délicieux, au centre d’une couronne de coteaux qu’enrichissent...
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Égouts et fontaines

Des bateliers assuraient la traversée entre le Louvre et la tour de Nesles moyennant finance. Les rues restaient souvent encombrées d’immondices entassées devant les maisons au mépris de toutes les règles d’hygiène. En 1260, on creusa des égouts dans le Marais pour évacuer les eaux usées, qui se déversaient dans les fossés et dans la Bièvre détournée de son cours. De plus, deux aqueducs (de Belleville et du Pré-Saint-Gervais) approvisionnaient en eau potable les six fontaines aménagées entre 1182 et 1400 : Sainte-Avoye, les Innocents, Maubuée, les Halles, Saint-Julien et Saint-Leu. À la fin du 15e siècle, on comptait 17 fontaines à Paris. Les Parisiens buvaient également l’eau de nombreux puits privés, parfois filtrants.

Mort et maladie

Au Moyen Âge, les cimetières comme celui des Innocents, clos par Philippe Auguste, étaient un lieu de convivialité important : ils servaient ainsi de marchés, de lieu de réunions ou de lieu de passage, malgré des interdictions ecclésiastiques répétées.

La justice royale était représentée par le gibet royal de Montfaucon situé au nord-est de la ville. En banlieue étaient rejetées les léproseries : celle du Roule, à Neuilly, et celle de

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