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Focus

L’Affaire Tapner

Justitia
Justitia

© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet

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En exil sur l'île anglo-normande de Guernesey, qui dépend de l'Angleterre, Hugo n'abandonne pas son combat, au risque de se faire remarquer par les autorités locales.

Si les proscrits français sont bien accueillis à Guernesey, on attend d'eux une certaine discrétion. Tout au contraire, en 1854, Hugo prend fait et cause pour le Guernesiais  John Charles Tapner, condamné à la pendaison pour avoir cambriolé et incendié une maison après avoir tué sa propriétaire.

Sur cette île paisible, les exécutions sont rares. En écrivant une lettre ouverte aux habitants de Guernesey, Hugo espère susciter parmi eux un mouvement de clémence, afin d'obtenir des autorités la prison plutôt que la mort.

La cause est pourtant délicate, puisqu'en laissant pendre Tapner, les habitants peuvent avoir le sentiment de défendre leur sécurité et celle de leurs biens. Pour les convaincre, il faut se placer à un autre niveau.

Mais qu'importe ! pour moi cet assassin n'est plus un assassin, cet incendiaire n'est plus un incendiaire, ce voleur n'est plus un voleur ; c'est un être frémissant qui va mourir. Le malheur le fait mon frère. Je le défends. 

Lettre aux habitants de Guernesey, 1854

"Ecce"
"Ecce" |

© RMN, cliché Michèle Bellot

Pétitions, réunions, courriers : la mobilisation s'organise sur l'île. Lord Palmerston, secrétaire d'État à l'Intérieur, accorde un délai. Mais peu après, Tapner est malgré tout pendu. Est-ce pour ne pas faire triompher publiquement un ennemi aussi déclaré du pays voisin ? Plein d'amertume et de tristesse, le 15 février 1854, Hugo écrit une longue lettre au dignitaire anglais, et écrit, le même jour, dans les pages d'un carnet de notes, un message bien plus acerbe à l'intention du même personnage : « Vous pendez cet homme, monsieur. Fort bien. Je vous fais mon compliment. Un jour, il y a quelques années de cela, je dînai avec vous. Vous l'avez, je suppose, oublié ; moi, je m'en souviens. Ce qui me frappa en vous, c'était la façon rare dont votre cravate était mise. On me dit que vous étiez célèbre par l'art de faire votre nœud. Je vois que vous savez aussi faire le nœud d'autrui. » (Choses vues)

Mais le combat perdu à Guernesey n'a pas été mené en vain. Contre toute attente, c'est au Québec que Hugo sera entendu, où un certain Julien aurait échappé à la peine de mort à la suite de la reproduction de la lettre de Hugo dans les journaux américains, selon ce qu’il raconte dans une lettre de 1862.