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Focus

La peine de mort, repères historiques

Châtiment présent dans les plus anciens codes de loi de l'Antiquité, la peine de mort a été abolie en France en 1981. L'aboutissement d'une longue histoire et d'un combat de longue haleine.

Un châtiment des origines

Dans toutes les civilisations de l'Antiquité, les crimes jugés particulièrement graves parce qu'ils menacent l'ordre familial, social, politique ou religieux sont punis de mort.

À l'origine, c'est un système de vengeance privée qui domine : la famille de la victime tue le coupable ou l'un de ses proches. Peu à peu, c'est la société elle-même, par l'intermédiaire d'institutions judiciaires, qui prend le relais de la vengeance individuelle. Mais les deux systèmes coexistent longtemps, et ce jusqu'à aujourd'hui dans certaines régions du monde.

Ainsi, les anciens Égyptiens et Hébreux tolèrent le règlement de comptes privé ; pourtant, ce sont eux qui rédigent les premiers codes de lois prescrivant pour chaque crime et délit une peine donnée.

Les textes fondateurs des religions monothéistes (judaïsme, religions chrétiennes, islam) mentionnent explicitement ce châtiment, par exemple dans les cas de meurtre, de blasphème, d'idolâtrie, d'adultère des femmes.

Athéniens et Romains

À Athènes sous la Démocratie, et surtout à Rome sous la République, le droit se développe et se modernise. Les criminels sont jugés en vertu de lois rendues publiques, et par des tribunaux créés par l'État. On distingue les crimes volontaires des crimes involontaires, qui en principe ne peuvent entraîner la mort du coupable. Enfin, à Rome, depuis la "loi des 12 Tables" de 450 av. J.-C., la famille du coupable ne peut plus être punie avec lui ou à sa place.

En règle générale, les tribunaux évitent de prononcer des condamnations à mort. Souvent, à Rome comme à Athènes, l'exécution est remplacée par le bannissement.

Pourtant, à Rome, en période de troubles politiques, le sang coule à flot. Par la suite, l'Empire romain devient de plus en plus sévère, et la liste des crimes et délits punis par la peine capitale s'allonge démesurément.

Au Moyen Âge

Exécution des Templiers
Exécution des Templiers |

Bibliothèque nationale de France

La peine capitale est largement présente dans la loi des Francs devenus chrétiens. Une nouvelle institution apparaît : le "jugement de Dieu", encore appelé "ordalie". Pour prouver son innocence, l'accusé doit parfois réussir une terrible épreuve (saisir à mains nues un fer brûlant par exemple) ou survivre à un combat à mort contre son adversaire. On considère que le vainqueur est l'innocent, puisque Dieu l'a protégé.

À l'époque, et pour longtemps encore, il est difficile de mener une enquête policière. La plupart du temps, les coupables échappent à la justice. Le but des peines infligées est bien différent de celui que nous connaissons aujourd'hui : il s'agit moins de punir chaque coupable que de limiter la délinquance en faisant quelques exemples. C'est pourquoi les condamnés ne meurent souvent qu'après de longs et atroces supplices (bûcher, roue...) sur la place publique.

Mais déjà, quelques voix critiques commencent à se faire entendre dans les rangs de l'Église : le chrétien a-t-il le droit de condamner à mort un de ses frères ? La question est encore d'actualité au temps de Victor Hugo, qui fait de la foi chrétienne un argument en faveur de l'abolition. Pourtant, torture et peine de mort ont pu être mises par certains au service même d'une religion, lors de l'Inquisition par exemple.    

Sous l'Ancien Régime

Exécution des conjurés d’Amboise, le 15 mars 1560
Exécution des conjurés d’Amboise, le 15 mars 1560 |

Bibliothèque nationale de France

En France, torture et exécutions publiques sont toujours d'actualité. Les supplices les plus atroces sont réservés aux cas de "lèse-majesté", c'est-à-dire d'attentat à la personne du roi. L'idée d'amender, d'éduquer, de "réinsérer" les coupables dans la société est encore presque absente. Il s'agit toujours de faire régner un certain ordre par l'exemple, dans une société bien moins sûre que la nôtre.

Pourtant, une réforme importante (et très critiquée) a lieu en 1780. Modifiant le système pénal, Louis XVI supprime la "question préparatoire" (torture des prisonniers avant le jugement, pour les faire avouer) et la "question préalable" (torture après le jugement, pour que les prisonniers dénoncent d'éventuels complices).

Bien plus radicalement, le Traité des délits et des peines du marquis de Beccaria (1764) fait grand bruit dans toute l'Europe, en préconisant l'abandon pur et simple de la peine de mort.   

De la Révolution à nos jours

Exécution de la veuve Capet, 16 octobre 1793
Exécution de la veuve Capet, 16 octobre 1793 |

© Bibliothèque nationale de France

Pendant la Révolution française, la question de l'abolition, totale ou partielle, est déjà débattue dans les assemblées. Parmi les plus ardents partisans de sa suppression figure alors…Robespierre, responsable par la suite de tant de décapitations sous la Terreur. Mais, dira Victor Hugo, "l'échafaud est le seul édifice que les révolutions ne démolissent pas" : les partisans du maintien l'emportent.

Une nouvelle machine s'impose en France : la guillotine, censée exécuter sans douleur. (Plusieurs récits de Victor Hugo montrent pourtant que les dysfonctionnements de la machine ne sont pas rares, et qu'ils peuvent entraîner une terrible agonie.)

Maintenue sous le Consulat, l'Empire, la Restauration, la peine de mort survit à tous les régimes jusqu'à la Ve République. Même les révolutions de 1830 et 1848 ne peuvent la faire disparaître, malgré les efforts de Victor Hugo à l'Assemblée. Ainsi, la Commune de Paris (1871) est réprimée dans le sang. Indigné, Victor Hugo (opposé à la Commune) proteste contre les procès expéditifs qui font fusiller des milliers de jeunes gens et de femmes. En intervenant à temps, il parvient même à sauver la vie de plusieurs personnes.
Au même moment, à travers le monde, un mouvement vers l'abolition se dessine. Nombreux sont les États qui l'excluent de leur nouvelle Constitution.

Au 20e siècle, presque partout, l'opinion publique soutient majoritairement la peine capitale. Sa suppression ne peut donc résulter que d'une difficile décision politique. Abolie un temps par la Cour suprême des États-Unis (1972), elle est rétablie par la suite dans plusieurs États. Enfin, bien après l'Allemagne fédérale (1949) ou la Grande-Bretagne (1965), le gouvernement français, sous la présidence de François Mitterrand, l'abolit totalement par la loi du 9 octobre 1981. L'avocat et ministre de la Justice Robert Badinter a joué un rôle décisif dans ce changement.

À l'échelle mondiale, le combat mené par Victor Hugo et Robert Badinter est encore loin d'être achevé aujourd'hui. En 2024, selon l'association Amnesty International, seuls 112 pays ont totalement aboli la peine capitale, et les exécutions sont nombreuses en Chine, en Iran, en Arabie Saoudite ou aux États-Unis.