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Les Travailleurs de la mer, un livre d'exception

Le Roi des Auxcriniers
Le Roi des Auxcriniers

Bibliothèque nationale de France

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Composé en moins de six mois, entre 1864 et 1865, Les Travailleurs de la mer est un livre de l’exil. Le manuscrit, d’emblée, est conçu comme un livre d’exception : papier, reliure, illustrations, Hugo ne laisse rien au hasard.

Un papier inaltérable

Le papier, tout d’abord, fait l’objet d’un choix méticuleux : c’est un papier « inaltérable » que le romancier se procure. Les rames vendues par le papetier guernesiais vont servir à l’entière rédaction du roman, comme si l’espace avait déterminé la longueur du roman, puisqu’au verso de la dernière feuille, l’écrivain constate : « J’écris la dernière page de ce livre sur la dernière feuille du lot de papier Charles 1846 [sic, pour C. Harris]. Ce papier aura commencé et fini avec le livre. » Les pages intercalaires séparant livres et chapitres sont d’un bleu plus soutenu.

Les dessins

La Mouette passant dans l’ombre
La Mouette passant dans l’ombre |

Bibliothèque nationale de France

Après avoir confié le manuscrit à un relieur guernesiais, Turner, Victor Hugo y fait monter, ou monte lui-même trente-six de ses dessins. Ce ne sont pas des illustrations du roman, mais un choix effectué parmi des compositions réalisées avant, pendant et même après la rédaction de I'œuvre, reflets de la création graphique du poète : des marines, mais aussi un dessin de voyage et des caricatures.

Depuis les projets éditoriaux abandonnés de Jersey, Victor Hugo avait dessiné des frontispices ; mais l’idée d’enrichir le manuscrit de dessins était neuve, et peut-être, le dessinateur Philippe Burty y avait-il contribué. Quelques mois auparavant, le 17 janvier 1866, celui-ci avait, en effet, écrit au romancier :

« Vos dessins sont vraiment surprenants. Il semble que vous êtes aussi doué pour ceci que pour cela, et que si vous avez préféré ceci, c’est que cela était plus facile. Le dessin en effet a un domaine délimité et la parole écrite peut tout exprimer et peindre. Mais j’en reviens encore, sinon à ma demande qui est exorbitamment indiscrète, au moins à mon désir de voir de vous une traduction dessinée de quelques-uns de vos livres. Vos vers peignent si fortement et vous êtes si habile la plume ou le pinceau à la main que les sujets seraient vite trouvés et formeraient la plus surprenante illustration qu’aucune école ait vue. »

Une œuvre unique

Le Bateau vision
Le Bateau vision |

Bibliothèque nationale de France

Aucune autre œuvre ne devait donner lieu à une illustration telle que celle-ci. L’été 1866, au moment où Victor Hugo commence la rédaction de L’Homme qui rit, il compose une série de dessins en relation avec le roman : songe-t-il alors à renouveler l’expérience ? Aucun de ces lavis, cependant, ne sera inséré dans le manuscrit.

Un dessin fut néanmoins monté en 1868 dans le manuscrit des Chansons des rues et des bois et un autre dans le manuscrit du Roi s’amuse, en 1869, au moment de la reliure.

Quant aux dessins des Travailleurs de la mer, ils ont depuis été déreliés et restaurés. Les trente-six ont été intégralement exposés une seule fois, lors de l’exposition Soleil d’encre, en 1985 au Petit-Palais. La même année, Pierre Georgel en a publié une étude sous le titre, Les Dessins de Victor Hugo pour “Les Travailleurs de la mer” de la Bibliothèque nationale.