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Focus

L’Atlas Miller

Carte d’une partie de l’océan Atlantique
Carte d’une partie de l’océan Atlantique

© Bibliothèque nationale de France

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L’Atlas Miller, du nom de son dernier possesseur, a été acheté au 19e siècle par la Bibliothèque nationale. Cette série de cartes portugaises établies entre 1515 et 1519 est l’un des joyaux de la cartographie ancienne, ainsi qu’un remarquable document d’histoire. Un grand nombre de côtes lointaines - pour la plupart découvertes moins de trente ans auparavant - y sont figurées pour la première fois de façon réaliste : Madagascar, les Moluques, le Brésil...

Œuvre composite – la mappemonde qui se trouve en tête n’est pas de la même facture que les autres planches –, cet atlas est aussi incomplet, car les cartes de la partie africaine ont disparu à une date reculée. Selon les spécialistes, son auteur serait Lopo Homem, « maître de cartes marines » établi à Lisbonne depuis 1517, qui aurait reçu l’aide de son ancien maître, Pedro Reinel, assisté de son fils Jorge. L’enluminure est l’œuvre d’un autre artiste, le peintre Gregorio Lopes.

Carte dite de Christophe Colomb
Carte dite de Christophe Colomb |

© Bibliothèque nationale de France

Les armoiries foisonnantes indiquent très clairement, selon les régions du monde, les possessions portugaises, en écrasante majorité, ainsi que les colonies espagnoles.
Ces cartes traduisent une évolution remarquable. Dès le moment où les Portugais commencèrent à fixer une image réaliste de la route des Indes, la cartographie n’eut plus le droit d’être neutre. Elle devint indissociable de la politique des États ; elle leur appartint et dut épouser leurs ambitions et leurs revendications. Le temps n’était pas encore venu où l’on établirait les relevés incontestables d’un espace accessible à tous. Le progrès des connaissances restait un luxe pour humanistes. Les cartographes des « découvertes » appartenaient moins au monde des savants qu’à celui des marchands, qui les maintenaient en liberté surveillée. À partir d’esquisses dont le tracé se précisait à chaque retour d’expédition, ils devaient ouvrir la voie aux voyages suivants, mais aussi imposer des prétentions sur de nouveaux territoires, éventuellement en trichant sur leur localisation. Ils devaient aussi protéger leurs secrets, à moins qu’ils ne choisissent de les monnayer ou de trahir.

Bateaux face aux îles Britanniques
Bateaux face aux îles Britanniques |

© Bibliothèque nationale de France

Page de titre avec les armes de Catherine de Médicis
Page de titre avec les armes de Catherine de Médicis |

© Bibliothèque nationale de France

Si l’Atlas Miller offre un tableau précoce, véridique et chatoyant de l’empire portugais, il ne dévoile aucun secret d’État. Son échelle reste peu détaillée. Aucune allusion à la maîtrise des vents et des courants, aux aléas de la mousson ni aux difficultés techniques d’un tel voyage. Ce portrait idyllique qui montre tout sans rien dévoiler, n’était certainement pas utilisable efficacement par des navigateurs. Il fut probablement composé pour un prince tel que le roi de Portugal ou le roi de France. Il glorifie la puissance maritime portugaise, sans menacer sa stratégie de monopole. Des cartes de route qui ont effectivement servi aux découvreurs tels que Colomb, Dias ou Gama, il ne reste rien et cela par suite d’une politique délibérée, appliquée aussi bien par l’Espagne que le Portugal.

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Producteur délégué : CNRS, unité « Cultures, langues, textes » en coproduction avec la BnF et le CNRS Images © CNRS-BnF, 2019

L'Atlas Miller