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Le mineur de fond, héros du collectivisme

Les héros de Tchernobyl
Les héros de Tchernobyl

© Igor Kostine / Sygma / Corbis

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Depuis Germinal, le mineur de fond incarne le héros ouvrier et populaire. Relayée par le parti communiste, cette figure se mue  progressivement en victime - de la silicose, de la désindustrialisation. Partimoine et écomusées se chargent désormais d'en perpétuer l'image.

« Quelle grandeur dans cette lutte farouche contre la matière, dans ce corps à corps perpétuel où l’homme accroupi, souvent couché, dans toutes les positions du combat, arrache le charbon à l’étreinte de la roche qui l’enserre ». Cette envolée lyrique de Maurice Thorez en 1946 est emblématique, jusque dans ses connotations sexuelles, de l’héroïsation du mineur, prolétaire modèle, viril, solidaire, courageux et combatif.

Depuis Germinal, le mineur a incarné le héros ouvrier et une certaine idée du peuple forgée dans les luttes du mouvement ouvrier au 19e siècle, relayée par le Parti communiste français jusqu’à son effacement progressif, coïncidant avec la fermeture des mines en France et la chute du régime soviétique. Dans le roman de Zola, les descriptions réalistes ont d’autant plus de force qu’en elles résonne l’écho des épopées anciennes : les mineurs sont engloutis par le Voreux, porte d’un enfer dont la voracité évoque celle du Minotaure. Les catastrophes minières, comme celle de Courrières (1906), la plus meurtrière, entraînent le culte des martyrs parmi les travailleurs de l’ombre.

Le héros entre mythe et histoire
Le héros entre mythe et histoire
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Collection Banque de France © Banque de France

La légende de Stakhanov, ouvrier modèle pulvérisant les quotas de production, est diffusée par la propagande stalinienne en 1935 au moment où le secrétaire général du Parti communiste français Maurice Thorez, « fils et petit fils de mineur », s’invente une généalogie auréolée du prestige du « peuple de la nuit » en lutte pour des jours meilleurs. Grandis par leur résistance à l’occupant nazi, les mineurs français se lancent après 1945 dans l’effort de reconstruction. Un slogan affirme alors : « Le mineur est l’homme que nous admirons le plus. »

Après cette identification étroite entre le PCF et le monde ouvrier, les « gueules noires » subissent le déclin de cette activité en France. Dès lors ils se muent en héros patrimoniaux dans les écomusées ou en objets d’étude pour les archéologues de l’ère industrielle. Les martyrs de Courrières sont remplacés par les victimes de la silicose. À Tchernobyl, en 1986, les « liquidateurs » et les mineurs de Tula chargés d’isoler le réacteur endommagé par l’accident nucléaire du 26 avril furent les derniers martyrs d’un cycle qui avait commencé avec l’espérance de Germinal et qui s’achevait sur l’angoisse de l’apocalypse nucléaire. S’ils livraient alors dans des conditions effroyables la dernière bataille du régime soviétique, les mineurs sauvaient en même temps l’humanité du chaos écologique. Ainsi la mission du héros dépasse-t-elle parfois son instrumentalisation politique.