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Focus

Taoïsme et calligraphie

Le Dix-Septième
Le Dix-Septième

Bibliothèque nationale de France

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Doctrine plus ésotérique que le confucianisme, le taoïsme dissocie écriture et parole. Les idéogrammes, parfois illisibles, se chargent de messages adressés aux mondes invisibles.

Tout autant que le trait, l’espacement est déterminant dans l’art calligraphique. Les sensibilités des diverses écoles de pensée s’expriment aussi dans leur mise en espace.

Pour Hsiung Ping-ming rapprochant les conceptions calligraphiques et picturales chinoises : « Les confucéens arrêtent leur regard principalement à la beauté créée par le corps du trait, alors que les taoïstes, eux, se fixent surtout sur les rapports des espaces entre les traits. »

Le signe graphique ne transcrit pas seulement le son comme dans les écritures alphabétiques, mais il véhicule un message du monde naturel ou divin, chargé ici aussi d’une sorte de pouvoir talismanique, particulièrement perceptible dans l’usage des caractères taboués où l’omission d’un trait manifeste le respect de la personne impériale sacrée.

Le caractère tabou dans l’édition
Le caractère tabou dans l’édition |

© Bibliothèque nationale de France

Le Dix-Septième
Le Dix-Septième |

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Origine des caractères

« L’histoire légendaire de la Chine attribue l’invention de l’écriture à des inspirés qui savaient lire dans le ciel et sur la terre les secrets de la création. Pao Xi (ou Fuxi), le premier des souverains mythiques, trouva les éléments du premier système de notation graphique sur le dos d’un cheval-dragon, qui sortit du fleuve Jaune porteur d’un diagramme magique, le He tu ».
Dans les explications qui évoquent l’origine des caractères chinois apparaît l’idée que ceux-ci sont des manifestations naturelles ou des représentations inspirées de la nature et qu’ils en expriment l’essence. Ils ne représentent pas un objet, et ne sont pas, à ce titre, des pictogrammes. L’apparition de l’écriture est perçue non comme une invention mais comme un acte d’imitation. Cang Jie, d’après la mythologie, aurait tracé les caractères d’après les empreintes des oiseaux et des tortues qu’il avait observés. Les êtres surnaturels qui ne pouvaient désormais plus cacher leurs secrets, furent si bouleversés de cette appropriation par l’homme qu’ils se déchaînèrent contre lui et firent s’abattre des pluies de grain le jour et les démons se mirent à hurler la nuit. En Chine, on a conservé l’idée que l’écriture est investie d’un pouvoir magique.

Tsang-Kié, inventeur des caractères chinois
Tsang-Kié, inventeur des caractères chinois |

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Fuxi et les Huit Trigrammes
Fuxi et les Huit Trigrammes |

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Taoïsme et révélation des caractères

C’est sans doute avec les taoïstes que l’on s’éloigne le plus de l’idée que l’écrit est destiné à transcrire un discours oral. L’invention des caractères devrait, semble-t-il, être portée à leur crédit.
La création du bafen (assimilé au lishu, écriture des scribes) serait à mettre au compte d’un immortel taoïste, selon le Shuduan, ouvrage du 8e siècle de Zhang Huaiguan : un certain Wang Cizhong s’inspira des caractères de Cang Jie pour créer un style rapide cursif. Ayant refusé de comparaître devant le Premier Empereur, celui-ci le fit capturer et ramener sur un char pourvu d’une cellule de fer d’où il s’échappa toutefois en se transformant en oiseau, laissant deux plumes en souvenir à l’empereur.

Canon taoïque de l’ère Zhengtong
Canon taoïque de l’ère Zhengtong |

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Quittant la mythologie pour l’histoire, on se souviendra que Wang Xizhi et son fils Wang Xianzhi furent certainement influencés par la doctrine taoïste alors développée dans le Sud de la Chine, qui se refléta dans leur art.
Selon celle-ci, l’ordre cosmique de la Voie, bien que perverti dans le monde présent, demeure visible dans les dessins de la nature qu’il convient de déchiffrer. Au niveau le plus élevé, ils sont transcrits par les caractères célestes puis par les talismans et enfin par l’écriture ordinaire de textes révélés, capable aussi de contenir une parcelle de la vérité cosmique.

Canon taoïque de l’ère Zhengtong
Canon taoïque de l’ère Zhengtong |


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Canon taoïque de l’ère Zhengtong
Canon taoïque de l’ère Zhengtong |

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La puissance du signe

L’univers du taoïste est rempli de mystères et de prodiges qui ne sont déchiffrables que par les initiés. L’image talismanique dont la fonction est magique, est appelée la « forme véritable », zhenxing. Sa représentation permet d’intervenir dans un monde où vivent les démons, d’expulser les forces du mal ou de guérir des maladies par la puissance du caractère crypté nommant la divinité. Les talismans, souvent associés à des incantations, se reconnaissent par des combinaisons de lignes très particulières.

Amulette taoïste contre les démons
Amulette taoïste contre les démons |

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Talisman des Cinq Pics
Talisman des Cinq Pics |

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Si puissant est le signe que celui-ci n’a pas toujours besoin d’être fixé sur un support concret. Tracé de manière éphémère dans les airs ou dissout dans les eaux, il continue d’agir. Les talismans peuvent être portés sur soi ou placés dans des lieux précis. Les sceaux magiques peuvent parfois être apposés sur des parties du corps, ou s’imprimer sur des surfaces, de papier par exemple, qui sont ensuite réduites et ingérées. Invisible, le caractère continue d’opérer par transformation. Les taoïstes croient en sa capacité à influer sur la nature, à transmuer les corps. Les graphies célestes répondent à certains critères de l’écriture chinoise mais sont inaccessibles au profane. Ce sont des manifestations divines d’énergie pure transcrites sur papier. L’écriture est un acte qui manifeste l’osmose avec l’univers. Secret, « supra humain », le message divin est révélé par les nuées ou les montagnes à qui sait les décrypter. Aucun des deux autres enseignements n’a autant reposé sur le mystère des traits que celui des taoïstes.